Tanja Walliser a attrapé le virus de la politique dès ses tendres années. Elle avait à peine 16 ans lorsqu'elle a rejoint la Jeunesse socialiste suisse, dont elle est ensuite devenue la secrétaire centrale. Elle a été membre du groupe parlementaire du PS/JS suisse au parlement de la ville de Berne, puis a travaillé pendant cinq ans pour le syndicat Unia.
Plus récemment, elle a travaillé pour le PS zurichois en tant que chargée de campagne dans le cadre des élections au Conseil cantonal et national. Depuis l'année dernière, la jeune femme de 35 ans se consacre entièrement à son projet Empathie Stadt Zürich (voir encadré), qu'elle a lancé avec la psychologue Sonja Wolfensberger. Son objectif: plus d'empathie pour un monde meilleur.
Tanja, quelle place prend la durabilité dans ta vie?
J'essaie de l'appliquer au maximum. Je n'achète pratiquement que des vêtements d'occasion, j'essaie d'éviter les déchets, je mange à 80% végane et je ne prends presque plus l'avion, ou plutôt je ne l'ai pas pris depuis des années. J'ai toujours trouvé que la Suisse était le plus beau pays que je connaisse. Il y a tellement de choses à découvrir ici que je ne trouve pas vraiment nécessaire de voyager loin. Mais je ne suis pas extrême sur tous ces aspects, et il est très important, selon moi, que la durabilité soit considérée de manière systémique.
Que veux-tu dire par là?
Faire appel à chaque personne en tant qu'individu pour obtenir un monde durable n'est pas suffisant. Ce n'est pas non plus équitable. Des conditions-cadres sont nécessaires sur le plan politique pour que la responsabilité ne repose pas sur les individus, et les milieux économiques devraient davantage être considérés comme responsables.
Où situes-tu les problèmes dans le système actuel?
Je pense notamment au système monétaire et au capitalisme. Le système économique est conçu de manière à exploiter les ressources naturelles, et la croissance économique «éternelle» ne fonctionne pas à long terme. Elle conduit à une accumulation de biens et d'argent pour une minorité et à une pénurie pour la majorité. Je pense qu'un changement profond est nécessaire. Chez Empathie Stadt Zürich, nous essayons de briser ce système, en partie en nous basant sur l'économie du don.
Qu'est-ce que l'économie du don?
Il s'agit d'un système social dans lequel les biens et services sont transmis sans contrepartie apparente. Dans le cas de nos cours et ateliers, cela signifie que chacun paie autant qu'il le souhaite. Cela peut donc être rien du tout ou encore une autre forme de contrepartie. Mais ce n'est pas une obligation. Cela signifie que nous n'excluons personne et que nous ne travaillons pas dans une optique de maximisation du profit.
Qu'est-ce qui te plaît dans ce système?
Ce que je trouve particulièrement positif, c'est qu'il nous ramène à une existence cyclique. Cela crée une sorte de cycle, qui serait autrement miné par notre système monétaire. Charles Eisenstein l'explique bien: dans notre système actuel, nous échangeons de l'argent contre un service. Il y a donc toujours un service direct en retour. Ce qui signifie qu'après cet échange, la relation entre les échangeurs est terminée. Alors que l'économie du don renforce en parallèle les relations entre les gens. Je donne quelque chose dans le cycle et j'ai confiance que si tout le monde le fait aussi, alors il y aura assez pour tout le monde. Il s'agit en grande partie d'un processus interne.
Le principe de l'économie du don fonctionne-t-il financièrement pour Empathie Stadt Zürich?
Cela demande encore confirmation. Je trouve formidable que des personnes qui n'y auraient pas pensé autrement viennent nous voir. Ce sont des jeunes, des étudiants, des personnes à faible revenu. Pour moi, il y a une vision philosophique derrière l'économie du don, et je veux contribuer à un changement en profondeur. Nous travaillons avec des prix cibles et arrivons à environ 60% du revenu que nous gagnerions avec les prix normaux du marché. Nous sommes également à la recherche de revenus alternatifs, par exemple nous venons de terminer un crowdfunding et nous voulons obtenir des aides venant de fonds de fondation.
Vous enseignez les techniques de la communication non violente (CNV) dans le cadre de vos cours et ateliers sur l'empathie et la résolution des conflits. Qu'est-ce que la CNV et quel rôle peut-elle jouer dans un monde plus durable?
La CNV est un modèle de communication développé par le psychologue américain Marshall B. Rosenberg. Il se base sur le fait que la violence ne commence pas sur le plan physique, mais dans les mots que nous utilisons. La CNV, en termes simples, consiste également à reconnaître les besoins qui se cachent derrière nos stratégies. Nous sommes souvent manipulés par la publicité et incités à une consommation non durable. On nous vend des idées: pour me détendre, je dois prendre l'avion vers la Thaïlande. Pour être social, je dois fumer. Pour être libre, je dois acheter une voiture de luxe.
Comment pouvons-nous identifier nos véritables besoins?
Chaque sentiment nous indique qu'un besoin est satisfait ou non. Autrement dit, les sentiments désagréables nous indiquent des besoins non satisfaits. On peut alors se demander: quel est mon besoin, par exemple, lorsque je suis en colère ou désespéré? La CNV est un modèle très utile pour revenir à la vision personnelle et obtenir une manière constructive de gérer les sentiments. Elle considère les émotions comme l'intelligence de notre corps. Par exemple, si nous marchons dans la rue et qu'une voiture arrive trop vite, nous avons peur. C'est ce qui permet de réagir. La colère et le désespoir nous servent également d'indicateurs de déséquilibres. Et nous pouvons ensuite agir.
Quel est le rôle de l'empathie dans ce processus?
Le fait d'écouter l'autre avec empathie aide beaucoup. Cela signifie que je me concentre intégralement sur les besoins de l'autre. Souvent, nous restons plutôt au niveau du jugement; nous encourageons notre interlocuteur ou lui prodiguons des conseils, même si nous ne savons pas quels sont ses besoins réels. Grâce à l'empathie, nous pouvons comprendre l'autre personne là où elle se trouve et l'aider à trouver sa propre voie. Lorsque j'écoute les gens avec empathie, mon expérience est très souvent la suivante: ils n'ont pas besoin de solutions, ils les ont déjà. Mais ils doivent d'abord savoir exactement quel est leur problème. Une fois qu'ils l'identifient, alors les solutions suivent généralement d'elles-mêmes.
Vous avez récemment organisé un cours de base intitulé «Earth Activist Resilience». Il visait notamment à répondre à la question «comment gérer notre désespoir face à l'état de notre belle Terre». Comment gères-tu personnellement de tels sentiments de tristesse et de désespoir?
J'apprends en permanence à l'accepter. Je crois que dans les milieux qui s'engagent pour un monde durable, il est vraiment important – surtout après le dernier dimanche de votation, par exemple – de prendre d'abord du temps. Pour ressentir en toi ce que ça te fait. Pour pleurer, pour faire une pause, pour parler à des gens que tu connais. Avant, je n'avais pas l'habitude de faire ça. Au lieu de cela, j'utilisais toute ma frustration et mon désespoir pour en faire davantage et être plus active, ce qui m'a épuisée. J'aimerais tellement que ces sentiments aient leur place dans les groupes engagés en faveur d'un monde durable, et que ces organisations sachent être là les unes pour les autres et écouter avec empathie. Et qu'on ne se contente pas de continuer, de se rassurer mutuellement ou de dire: «c'est vrai, ça va vraiment mal».
Comment pourrait-on mieux gérer de telles situations?
Quand je fais mon deuil, je fais toujours mon deuil de comment auraient pu être les choses. Et lorsque je ne laisse pas la place à ces sentiments, je reste dans l'insatisfaction et je ne me connecte pas du tout à la beauté de ma vision. Mais si j'y reviens constamment, je peux à nouveau y puiser de la force. Mon engagement vient donc d'une démarche plus globale, et je reviens à une certaine souplesse. Je ne dis pas qu'il ne faut pas être en colère. La question est de savoir comment canaliser cette colère et comment l'utiliser.