Comme on acquiert un grand cru auprès d’un caviste réputé, une vitole cubaine dans une civette spécialisée ou une conserve de béluga dans une épicerie fine, on se tourne vers le Range Rover lorsqu’on souhaite le plus raffiné et le plus abouti des SUV de luxe. La référence incontestée depuis 1970, aussi bien sur route que sur les terrains les plus accidentés du monde entier.
Certes, d’autres se sont lancés dans le segment lorsque ce dernier est devenu à la mode et s’est transmuté en poule aux œufs d’or, mais sans toutefois ne jamais arriver à la cheville du Range.
Il est souvent périlleux de repenser une icône. Les designers sont parvenus à inscrire le Range actuel dans le XXIe siècle par un style résolument moderne et sobre, qui ne déroge cependant en rien à la tradition. Quelle que soit la génération, cette ligne de carrosserie immuable, empreinte de noblesse et de puissance, se reconnaît au premier coup d’œil.
Mais l’expérience sensorielle se vit pleinement à l’intérieur. Sur un agencement au dessin aussi sobre que celui de l’extérieur, cuir, boiseries et aluminium s’accordent à merveille dans ce cocon au confort proverbial. Il existe certes plus baroque ou plus original, mais ici tout est juste, simple, limpide. Même le système d’info-divertissement, derrière son énorme écran central de 13,1 pouces se laisse apprivoiser avec facilité. Et une fois sur la route, on prend un malin plaisir à toiser, avec un dédain aristocratique, tous les arrivistes de la classe SUV, qu’ils soient affublés d’une étoile, d’une hélice stylisée ou des doubles ailes mythiques des récentes autres icônes de la Perfide Albion.
Ce n’est pas la première itération du Range qui se convertit à l’électrification. La génération précédente, entre 2012 et 2021, vit une première mouture d’hybridation (full-hybrid) sur le V6 diesel de 354 ch, puis dès 2017 une version hybride rechargeable basée sur un 4-cylindres essence de 2 litres. Malgré 404 ch en puissance cumulée et un couple respectable de 640 Nm, l’engin ne nous aura pas laissé un souvenir impérissable.
Pour ce troisième exercice d’électrification, Land Rover a retenu la leçon. Le groupe motopropulseur repose sur un 6-cylindres en ligne turbo essence de 3 litres, associé à un moteur électrique alimenté par une énorme batterie de 38,2 kWh. Pour donner un ordre d’idée, la Hyundai Ioniq Electric, lancée en 2019, embarquait la même capacité de batterie… L’autonomie en roulage 100% électrique du Range Rover plug-in hybride est annoncé à 121 km (WLTP). Deux puissances cumulées sont proposées au catalogue: 460 ch/660 Nm et 550 ch/800 Nm, celle de notre essai. Suffisantes pour tracter les 2,8 tonnes à vide du bestiau dont la structure fait pourtant la part belle à l’aluminium.
Notons en outre que le Range PHEV s’arroge la seconde place du Range le plus puissant de la gamme, derrière l’exclusif SV de 615 ch et devant le P530 de 530 ch, tous deux motorisés par un V8 thermique d’origine BMW.
La conduite d’un Range Rover se caractérise par un confort de très haut vol accompagné d’un développement de puissance doux et progressif. Des atouts que la transmission électrique a pour elle également. Le Range hybride coche toutes les cases: un silence de fonctionnement de monastère et un apport de l’électricité au moteur thermique qui garantit des relances canon sans verser dans la brutalité. L’agrément n’est pas en reste puisqu’avec l’arsenal de puces qui gèrent le châssis, la bête jugule admirablement bien les effets de son poids somme toute coquet dans les enchaînements.
Autre prouesse du mastodonte, sa frugalité. Imaginez qu’il y a quelques années seulement, exploiter de plus de 500 ch sous le capot d’un Range se soldait par une consommation moyenne comprise entre 15 et 20 l de sans plomb aux 100 km suivants l'ardeur du pied droit. Aujourd’hui ? Entre 7 et 8 l/100 km en conduite quotidienne. Mieux, ce Range Rover P550e s’arroge même mon record absolu de consommation, toutes catégories confondues, en près de 18 ans de tests automobiles: 2,9 l/100 km sur un trajet de 150 km environ.
Plusieurs raisons à cela: bien sûr, la taille de la batterie joue un rôle crucial. Il est possible de bénéficier de l’apport de l’électricité, en mode hybride, sur plusieurs centaines de kilomètres. Ensuite, la gestion très fine des transitions entre thermique et électrique permet d’exploiter de manière optimale les énergies.
Dernier détail d’importance, la batterie du Range dispose de la charge rapide (50 kW), nécessitant à peine plus de 40 minutes pour passer de 0 à 80%. Voilà qui permet donc de profiter de l’électricité sur de longues distances, en utilisant chacune des pauses café-clope-toilettes pour recharger.
Pour couronner le tout, si je puis dire, bien qu’hybride, cette version du Range Rover ne perd aucune des aptitudes en tout-terrain qui ont fait la réputation du modèle. Et on prend un malin plaisir, encore un, à arpenter les pâturages et autres chemins forestiers sur un filet d’électrons, en silence et sans aucune émission. Royal! Tout comme son prix de base fort peu démocratique de ... 168 500 francs. God save the King!