Hollywood est en grève. Les acteurs et scénaristes en veulent aux plateformes de streaming de s'enrichir sur leur dos, et de piller leur travail en usant de l'intelligence artificielle. Pourtant, pendant que les pancartes se soulèvent et que les slogans sont scandés, la vie continue sur les plateformes, aux rythmes des calendriers de sorties et des algorithmes.
Certes, les salles de cinéma tirent un peu la tronche depuis quelques années à la suite de la crise du Covid et de l'hégémonie des plateformes de streaming. Cependant, depuis toujours à Hollywood, l'été reste la période faste pour dépenser sans compter et sortir des blockbusters. En témoignent les succès d'Oppenheimer et surtout de Barbie, grand gagnant de la saison avec son milliard de dollars au box-office. Mais la couronne du film d'action revient néanmoins à Mission: Impossible - Dead Reckoning porté par Tom Cruise, lequel a offert un film d'espionnage luxueux remplissant le cahier des charges avec mention.
Avec Agent Stone, Netflix marche sur les plates-bandes du film de la Paramount en comptant sur une actrice qui a déjà fait ses preuves avec Red Notice, un autre blockbuster de la plateforme, ou encore Wonder Woman. Actrice et productrice, Gadot a pour ambition de lancer sa propre franchise d'action/espionnage, à la manière de James bond, Jason Bourne ou Ethan Hunt. L'actrice de 38 ans espère que son personnage pourra égaler l'héritage des héros d'espionnage masculins:
Ainsi, Agent Stone (ou Heart of Stone pour son titre original un peu plus subtil) raconte l'histoire d'une espionne qui doit récupérer à tout prix une intelligence artificielle confinée dans une sorte de clé USB nommée «Le Cœur», afin d'empêcher que de mauvaises mains le fassent avant elle. Soit, à quelques mots près, le même synopsis que Mission impossible: Dead Reckoning sorti le mois dernier.
Si l'Intelligence artificielle est l'enjeu du récit, on dirait surtout que c'est une technologie automatisée qui a généré son scénario. Agent Stone multiplie les poncifs dans lesquels on retrouve les mots clés suivants: une super-espionne, une équipe d'experts qui peuvent tout hacker en tapotant sur un clavier, une agence encore plus secrète, des retournements de vestes et un MacGuffin à récupérer des Alpes italiennes à Lisbonne, en passant par l’Islande. Le film est une recette venue du fond d'une vieille casserole, et qui a pour seule touche contemporaine l'IA au cœur de son récit.
Agent Stone est un film insipide. Il n'est ni mauvais ni bon, juste dispensable tant il est générique et ressemble à n'importe quel film d'action sorti ces dix dernières années. Des poursuites en voitures en pilote automatique, des combats avec des chorégraphies peu inspirées, des fusillades mollassonnes et de la technologie à gogo composent l'ensemble du métrage. Et lorsque le film tente de proposer un acte de bravoure au milieu du métrage, il va le pomper directement dans une des meilleures scènes de la concurrence: le saut en parachute de Mission: Impossible Fallout.
En effet, Gal Gadot, équipée d'un wingsuit, se retrouve à plonger dans les airs depuis un avion, suivie par la caméra qui saute avec elle en reprenant la même mise en scène que le film de Christopher McQuarrie. Sauf que quand Tom Cruise le fait pour de vrai, Gal Gadot est devant un fond vert, et cela se voit. Le film n'hésite pas non plus à pomper chez James Bond en offrant un générique animé et arty après une scène d'ouverture explosive.
Le film a néanmoins quelques bonnes idées, bien que jamais vraiment exploitées, comme des séquences en vue subjective, et une scène de moto à son climax. Mais rien qui sauve le film de l'ennui, malgré les panoramas de cartes postales qui procurent au moins l'envie de voyager.
Puisque le géant du streaming cherche absolument des franchises dont le titre puisse rester longtemps en mémoire, Agent Stone ambitionne évidemment de construire une mythologie à part entière. Cette fois en allant piocher dans une autre franchise d'action à succès: John Wick et son univers un brin mystique, sans jamais l'égaler. En effet, l'univers d’Agent Stone s’appuie sur la charte d'un jeu de cartes où les personnages sont inspirés des couleurs et figures présentes sur celles-ci, faisant souvent référence au cœur (d'où le fait que le titre original soit Heart of Stone).
Difficile de voir dans Agent Stone autre chose qu'un film qui fait joli sur l'écran d'accueil de Netflix. À la manière des millions dépensés sur un écran de Time Square, le film semble plus proche d'une grande affiche publicitaire pour la plateforme. Il se consomme comme une attraction du week-end, dont le buzz sera aussi intense qu'instantané.
Une production de 131 millions de dollars (dont 20 pour Gal Gadot) qui est certes bien loin des 290 millions de Mission: Impossible 7, et dont le divertissement est honnête, mais terriblement oubliable tant la sensation d'avoir déjà vu le film est présent de la première à la dernière minute. Quitte à voir un film d'espionnage mettant à l'honneur une agente secrète qui casse des bras, autant regarder Atomic Blond (2017) avec Charlize Theron, présent sur la plateforme.
Agent Stone est un film de Tom Harper, avec Gal Gadot et Jamie Dornan. D'une durée de 2h02, le film est disponible sur Netflix.