La revanche d'une (poupée) blonde ou la conséquence d'une boîte trop petite? Barbie vit une vie enchantée et rien ne peut entraver sa bonne humeur. Mais son existence lisse versera dans une vision plus large que son univers rose bonbon, pétaradant de bonheur dégoulinant; brûlant même la rétine à force de voir ces teintes flashy.
A «Barbieland», on fait la fête, on se pavane sur la plage en plastique, on se dit bonjour et on se salue à s'en faire des crampes aux membres. Au milieu des effusions de joie, «Barbie stéréotypée» (Margot Robbie) sent pour la première fois des sentiments en contradiction avec une vie en rose. Elle pressent comme des idées noires et même des pensées morbides. La beauté plastique et les sourires Colgate font place aux lèvres fermées et...aux pieds plats - quelle horreur pour ces Barbies aux talons aiguilles récurrents.
Pourquoi un tel renversement moral? C'est ce que va découvrir la poupée Mattel dans le «Vrai Monde», le nôtre, celui qui provoque remous et crises existentielles à la pelle. Barbie Robbie va se cogner à un apprentissage à la dure. Un petit détour avant d'embarquer dans cette grande aventure, chez «Barbie Bizarre» (Kate McKinnon), une figurine maltraitée et désormais à l'écart, qui lui expliquera que sa propriétaire est un brin dépressive et désabusée. Il lui faut exorciser cette sensation de mal-être et stopper l'hémorragie pour chasser ces pensées négatives.
A bord de sa voiture rose au milieu des montagnes, des océans ou dans l'espace (tout en plastique, bien sûr), la blonde traverse deux mondes et se pointe à Los Angeles, la cité des anges où l'artificialité règne en maîtresse. L'indissociable Ken (Ryan Gosling) s'est même invité à la partie.
Les deux vont alors découvrir la facette moins glorieuse des êtres humains. Ken va se confronter au patriarcat, découvrir au milieu des hommes d'affaires que ce sont les mâles qui dirigent dans le «Vrai Monde». Une révélation pour le blond qui ne cherche qu'à plaire à sa petite copine. Et à force de vivre à travers son amour de toujours, Ken, chapeau de cowboy sur le crâne et torse bombé, va rebrousser chemin à «Barbieland» pour injecter des doses de patriarcat à ses semblables.
Et la nouvelle tendance prend le dessus. «Kenland» est désormais né, tout tourne autour de mecs qui poussent des poids, s'envoient des bières et admettent une passion pour les chevaux.
De l'autre, gangrénée par sa crise existentielle, Barbie part à la recherche de sa propriétaire, essuyant les critiques acerbes d'une bande de jeunes ados remontés contre la poupée Mattel. Une insulte («fasciste») viendra lui coller une baffe et lui déposera quelques larmes sur son visage parfait.
Désarçonnée, «Barbie Stéréotypée» voit la société Mattel lui tendre un piège pour la renvoyer d'où elle vient. C'est là que le film s'emballe et embrasse sa face comique, surfant sur une matérialité pirandellienne, passant d'une vague dramatique à une autre plus absurde. Une gymnastique que la réalisatrice Greta Gerwig et le scénariste Noah Baumbach entraînent en souplesse, jonglant avec les thèmes de notre époque - comprenez le féminisme, le patriarcat et le combat des genres. En appuyant sur des messages hissant l'indépendance de la femme, spécialement celui de l'actrice America Ferrara, le propos manque de subtilité. Et inévitablement, le film n'échappe pas quelques écueils attendus et pêche par sa durée un poil excessive.
Ces quelques imperfections n'entament pas l'aspect comique et burlesque du film. L'entreprise du duo Gerwig/Baumbach produit même de la bonne marchandise et fait de Barbie un film réussi.
Même Mattel se dézingue et joue le jeu. Avec Will Ferrell dans la peau du PDG (en roue libre et bête comme ses panards), la société mère ose quelques facéties bienvenues et confirme le ton décalé voulu par Warner et Mattel.
Pour parachever la pellicule de Gerwig, Barbie flirte avec la comédie musicale et s'en donne à cœur joie avec des chorégraphies bien loufoques. Un joyeux désordre. Vous tomberez fan du morceau «Just Ken», chanté par un Ryan Gosling transfiguré. Magique, excellent, furieusement drôle, l'acteur américain volerait presque la vedette à Margot Robbie - une manière pour lui de faire taire certains de ses détracteurs, qui lui reprochent de n'avoir qu'un seul registre de jeu.
De l'énergie à profusion, des acteurs et actrices au top qui donnent vie à un film qu'on redoutait décevant, le projet était pourtant casse-gueule et on pouvait avoir peur de voir un accident industriel se profiler. Mais Warner et Mattel ont trouvé une bonne carburation, sans être brillante, mais qui fait mouche.
Barbie est à découvrir dans les salles romandes dès le 19 juillet.