Vainqueur des Golden Globes, The Fabelmans est annoncé comme le grand favori pour les Oscars - sept nominations. D'hypothétiques statuettes pour Steven Spielberg et son histoire familiale, pour revivre les tourments familiaux et sa rédemption par le 7e art pour exister.
Tout débute par un trauma: une séance dans un cinéma bondé où le son est à fond et la projection de The Greatest Show on Earth de Cecil B DeMille en 1952, s'offre au petit Sammy Fabelman (un premier temps joué par Mateo Zoryon Francis-DeFord, puis par le talentueux Gabriel LaBelle). Il est époustouflé par le carnage et en même temps marqué par le déraillement de ce train.
Le film est bourré de symboliques et de personnages charismatiques; une scène est tout particulièrement poignante et révélatrice: lors d'un bal de promo, où Sammy filme Logan, la star du lycée dont il est devenu le souffre-douleur. Le bellâtre est érigé en dieu grec par l'apprenti cinéaste, sauf que la pression trop forte pour l'athlète et laisse des vérités inconfortables briser sa carapace de beau gosse inamovible. Le pouvoir de la mise en scène est à son paroxysme.
The Fabelmans est un geste de cinéma. Comme cette scène d'une intensité folle, d'une beauté désarmante quand Sammy fait comprendre à sa mère, Mitzi, qu'il connaît son secret.
Il y a une réelle économie des mots, juste une évocation par l'image. Steven Spielberg rend hommage au septième art à travers son personnage principal, Sammy, à ses idées lumineuses pour rendre sa pellicule plus vivante, plus réelle. Une débrouillardise qui rappelle les idées de Steven Spielberg lui-même, réussissant à terrifier une bonne partie du globe grâce aux Dents de la mer et son requin...inexistant.
Les images et le temps passent, les secrets et la noirceur du monde commencent à imprégner le jeune Sammy. Son arrivée en Californie est comme une étreinte douloureuse, le cœur serré par la tristesse depuis son départ précipité de l'Arizona pour suivre le paternel, génie de l'informatique, dans sa nouvelle expérience professionnelle.
Son déménagement va définitivement le projeter dans une dimension nettement plus sombre, perdant de ses élans d'aspirant réalisateur. Mais chassez le naturel, il revient au galop; l'appel de la caméra et le désir de s'arracher à la vie estudiantine va pousser Sammy à finir dans le bureau de John Ford (David Lynch), tirant inlassablement sur son gros cigare, pour assoir son amour de la pellicule.
La performance de Gabriel Labelle est juste, belle et poignante. Paul Dano est excellent et Michelle Williams livre une prestation d'une grande qualité, d'une extrême délicatesse. Cette dernière fonctionne en détonateur, comme égarée dans son mariage, comme éreintée par ses envies.
A travers la supposée tendresse du réel, la caméra révèle toute sa complexité. Alors si le gamin souhaite capturer le présent et la beauté de l'instant à tout prix, guidé par sa passion, la somme de ses plans va lui brosser une conscience, celle des adultes, celle des images qui parlent.
Spielberg, dans sa maîtrise du cadre et de la narration, déroule avec The Fabelmans une tendre histoire sur l'apprentissage de la vie, sur la puissance irréfragable d'un médium tel que le cinéma, surtout pour raconter la mélancolie familiale et un portrait profondément intime d’une enfance américaine au XXe siècle. Une déclaration d'amour au septième art.