Jouer à se faire peur, c'est vieux comme le monde. Et les pires monstres ne sont pas toujours ceux qu'on imagine au fond des placards, mais qui se profilent en pleine lumière. Dans le monde réel, les manipulateurs, prédateurs et autres pédophiles sont bien réels et vous risquez peut-être un jour d'être leur proie. C'est le sujet du film Le consentement.
Adapté de l'histoire vraie de Vanessa Springora, et déjà un succès en librairie en 2020, Le consentement est un drame qui cache dans ses bas-fonds un film d'horreur psychologique et social. La jeune Vanessa, 14 ans, introvertie et fleur bleue, est séduite par le charismatique Gabriel Matzneff, 50 ans. Cet auteur à succès qui raconte ses penchants pédophiles dans ses livres, sans jamais être inquiété, va la manipuler pour pouvoir abuser d'elle.
Tout d'abord, difficile de nier la performance de Jean-Paul Rouve dans la personne de Gabriel Matzneff. Celui qu'on connaît dans le rôle du beauf ultime Jeff Tuche se distingue ici dans un rôle à contre-emploi total. Raffiné et courtois, mais aussi manipulateur et calculateur, le personnage ne laisse pas de marbre. L'acteur joue de ses yeux bleus glacés pour nous épouvanter, tel un vampire des temps modernes.
Mais le meilleur atout du film est aussi son principal défaut: est-il possible de voir dans la prestation marquante de Jean-Paul Rouve autre chose qu'un prédateur terrifiant? Si l'on conçoit aisément que le vrai Gabriel Matzneff savait user de son charme pour mieux acculer ses proies tout en préservant son image publique, c'est un pervers parfois caricatural qu'on voit à l'écran.
Au début, il faut donc un peu s'accrocher. D'autant que les dialogues, très récités et qui ne confinent pas au réel, font parfois sortir du film. Mais il ne faut pas oublier que l'histoire est vue à travers les yeux de la jeune Vanessa, que Matzneff séduit par ses lettres et sa plume. Dans un deuxième temps, le film est plus rythmé, les répliques sortent naturellement et les conséquences des actes du pédophile sur la vie sentimentale et sexuelle de Vanessa, désormais majeure, se font durement sentir.
Certaines parties ne se laissent regarder que difficilement. Les scènes de nu sont crues sans être vulgaires et laissent au spectateur l'espace et les silences pour constater l'horreur sans pour autant en faire un morbide objet de spectacle. Il n'est pas à exclure que le film soit douloureux à voir pour ceux et celles qui auront été abusés, manipulés, ou dont un évènement aura pu troubler la sexualité.
Au-delà des émotions, Le consentement propose aussi un tableau social des années 1980 dans le milieu petit-bourgeois parisien. Miroir des temps modernes, le film pose un regard acéré sur une époque libérée et libertine qui laissait, dans le sillage de Mai 68, un peu trop les choses se faire aux dépens des plus jeunes. La brigade des mœurs veille peut-être, mais c'est bien le silence de tout un milieu, y compris la propre mère de Vanessa devenue complice, qui permet ces terribles abus.
Quant à Gabriel Matzneff, religieux en privé, mais très «cavalier» en public, il chasse tant bien dans les églises vides que dans les opéras pleins à craquer. Son profil, habilement représenté, se réfère tant à ses icônes de la Sainte-Vierge qu'à une lettre qu'il se gausse d'avoir reçue de François Mitterand, qui adore ses écrits selon ses dires. L'homme éprouve un sérieux mépris pour les femmes, qui finit par se révéler lorsque Vanessa le confronte.
Alors, Le consentement, c'est «bien» ou pas? C'est sûr qu'il ne s'agit pas d'un film que l'on ira voir juste pour le plaisir. Le long-métrage grossit le trait de la thématique de la prédation, au point parfois de rendre certaines scènes risibles. Mais le sujet, traité de manière si claire, explique aussi son succès auprès des plus jeunes, le film agissant sur certains comme un conte d'avertissement.
On aurait vite fait de ranger Le Consentement dans la catégorie des films «nécessaires», ce terme dont les intellos se gaussent dans les festivals. Mais il va au-delà de ça. Le succès populaire du film auprès des plus jeunes en France, notamment via TikTok, montre que le long-métrage est peut-être destiné à devenir un étalon de référence sur la question des abus sexuels pour les ados.
Car il serait aussi dommage de passer à côté de l'histoire vraie d'une femme manipulée et abusée qui s'est ensuite battue pour se reconstruire. Le consentement souffre certes de quelques défauts, mais réussit son but initial: illustrer la mainmise terrible que certains pédocriminels insidieux font peser sur leurs victimes. Et le faire ressentir dans les tripes. Pour cela, il faut aller le voir.
Le consentement sort en salles en Romandie le 6 décembre.