«Nous sommes ravis de vous annoncer que notre cher ami Shia LaBeouf est pleinement entré dans l'Eglise». C'est par le biais d'un post Instagram des Capucins Franciscains de Californie que l'annonce de la confirmation du comédien, le 31 décembre dernier, a été faite.
Transfiguré par son rôle dans Padre Pio d'Abel Ferrara, l'enfant terrible d'Hollywood fait désormais la fierté de l'Eglise catholique. «Shia LaBeouf s’est lancé dans un profond voyage spirituel qui l’a amené à embrasser les enseignements de l’Eglise catholique», se félicitaient les autorités religieuses sur Instagram. L'ancienne star de Transformers disait chercher la «sécurité» et l'a trouvée à la table des Capucins.
Le bougre s'est laissé dériver vers la religion, trouvant refuge dans une communauté qui le met en sécurité. Une sécurité qui opère comme un bol d'air frais dans son existence chaotique de ces dernières années.
D'enfant star Disney à jeune homme déjanté de la Toile («Just do it!»), LaBeouf a franchi la ligne à maintes reprises. Pire, il est accusé par l'actrice FKA Twigs de faits de violences physiques, sexuelles et psychologiques répétées, en 2020. Dans la foulée, l'artiste australienne Sia lui reprochait, elle aussi, dans une série de tweets, d'être un «menteur pathologique» qui l'a manipulée et «blessée émotionnellement».
Chose à laquelle le comédien a répondu:
Il avait ensuite accepté de sonder sa relation tumultueuse avec FKA Twigs dans le podcast Real Ones de Jon Bernthal.
Le Californien est loin d'être un saint. Choisi par Abel Ferrara pour camper Padre Pio, considéré comme la deuxième incarnation du Christ par certains catholiques et longtemps désapprouvé par le Vatican (puis canonisé en 2002), l'Américain a retrouvé le grand écran et un rôle complexe, qui laissera entrer une lumière dans sa vie.
Bien qu'agnostique, malgré une enfance baignée dans la religion juive, LaBeouf a pu s'immerger – lui, l'adepte des expériences immersives – et entamer son virage religieux. «C'est un rôle qui semble miraculeux et immérité», avouait-il à l'évêque Robert Barron, du diocèse de Winona-Rochester. Un rôle qui, comme Francesco Fangione, le nom séculier du Père Pio, l'a dirigé vers les voies du Seigneur.
Surtout, il confesse:
Un premier pas dans les traces christiques en forme de quête pieuse déjà effleurée en 2014, dans le film Fury de David Ayer. Le comédien affirmait déjà avoir «trouvé Dieu» dans son rôle de soldat.
Il faut dire que le bonhomme a bâti sa carrière sur une somme d'aventures, entre polémiques et procès. Il aime se qualifier de «dur à cuire qui s'est retrouvé dans ce monde sauvage».
En milieu hostile, griffé par le business, le Californien sort à son tour les griffes. Sanguin, l'artiste indiscernable se plaît à user de la provocation, comme lors de la conférence de presse de la Berlinale en février 2014, récitant une phrase devenue mythique d'Eric Cantona:
Il récidivera quelques heures plus tard, lors du tapis rouge du film (Nymphomaniac de Lars von Trier), en s'affichant avec un sac sur la tête où cette phrase était inscrite: «Je ne suis plus célèbre».
Ajoutez à cela, en 2015, lors de la Mostra de Venise, une énième mésaventure. Il venait présenter le film Man Down, dans lequel il incarnait une nouvelle fois un soldat en proie à un stress post-traumatique. Durant une soirée, il voit rouge lorsqu'un paparazzi le photographie avec une amie. Le verre est plein et déborde.
Plus tard, en 2020, il apparaît stone dans une pièce (Fast Times at Ridgemont High) que des acteurs et actrices prestigieux interprètent via Zoom - pandémie oblige. LaBeouf, lunettes fluo sur le tarin, joint à la main, torse nu luisant, incarnait (à fond) son personnage de lycéen.
Symptomatique de la dérive de l'acteur. Cette période lui causera de gros tourments. Lui, ce fils d'un père junkie absent et d'une mère danseuse hippie. Shia LaBeouf s'est dépatouillé pour jouer la comédie et tracer sa route vers les sommets du box-office. Il n'a d'ailleurs que 10 ans lorsqu'il commence à appeler seul des agents; 13 ans lorsqu'il décroche son premier rôle.
Son culot l'envoie dans les castings de machines à fric telles que Transformers ou Indiana Jones, tout en jouant sous les ordres de cinéastes exigeants. On l'a vu dans American Honey d'Andrea Arnold, ou encore sous les traits de John McEnroe dans Borg & McEnroe.
Mais le monde du cinéma, cette sauvage matrice, essore plus d'un acteur à force d'excès. La culbute est abrupte pour lui, happé dans le trou noir de la boisson. Désormais, le voilà cantonné aux faits divers plutôt qu'aux succès cinématographiques, avant qu'il ne trouve le chemin d'un établissement spécialisé pour se remettre d'aplomb. La case de la cure de désintoxication est cochée.
Un naufrage personnel qui lui vaudra des pertes de contrat, comme son licenciement de la production Don't Worry Darling d'Olivia Wilde. L'ancienne star de Dr. House justifiait cette mise à l'écart par sa politique «pas de connard» sur son plateau.
Mais pour cerner les fêlures du personnage, il faut s'attarder sur son film autobiographique: Honey Boy. Saignant, tranchant, poignant, le scénario pondu lors du séjour en cure de l'acteur est une exploration des démons collants à l'existence de LaBeouf – même s'il peine à faire oublier les frasques de son auteur.
Il lui fallait donc pénétrer les frontières religieuses, tel un taulard qui ouvre la Bible pour mieux digérer ses errances passées. Dans la prière et la foi, LaBeouf a trouvé refuge, loin des plateaux de tournage. Or, il est annoncé à l'affiche de Megalopolis de Francis Ford Coppola et dans un autre projet piloté par le réalisateur Barry Levinson.
Mais c'est bien en incarnant Padre Pio qu'il renaîtra, à travers l'homme de foi qui concevait la religion comme «l’académie de la correction exacte» (réd: dans l'Evangile de Padre Pio, publié en 2000). Des mots qui ont résonné en Shia LaBeouf, à la recherche d'un cercle vertueux pour expier ses péchés.