Cette comédie noire examine les classes et la prétention qui dégouline de la clientèle peuplant les restaurants guindés. Mais que se passe-t-il quand les clients font partie du menu, comme «mangés» par leur hôte?
Une brochette de clients triés sur le volet (et méthodiquement) est invitée à se rendre dans le restaurant très sélect et insulaire du chef Slowik, campé par Ralph Fiennes. On y retrouve une ancienne gloire du cinéma, une critique gastronomique, des traders, un couple de nantis, un fanatique de la cuisine du chef et une invitée surprise qui s'appelle Margot (Anya Taylor-Joy).
Pour diriger ce petit monde devant sa caméra, le chef d'orchestre Mark Mylod, l'un des artisans du succès de la série Succession, nous ramène à un format qui vous fera penser à la production HBO. Des plans ciselés, une musique qui injecte une profondeur au récit et une atmosphère grinçante. Un alliage explosif qui provoquera frisson et indigestion pour les invités.
L'arrivée sur l'île où se trouve le fameux établissement sonne comme une entrée dans les tons du film Midsommar d'Ari Aster. Mais cette fois-ci, c'est une entrée dans un temple gustatif où la virtuosité derrière les fourneaux dissimule une face sombre du menu pensé par Slowik. Le chef et son équipe, retirés de la civilisation, fonctionnent quasiment comme une secte, dans une ambiance militaire.
L'ambiance du restaurant chic se transmue rapidement en repaire d'un fou à lier, avec des discours de plus en plus lunaires, des annonces de plus en plus dérangeantes. Slowik va gentiment installer le malaise, rendre assujettis ses invités pour les enfermer dans une bulle d'inconfort - le chef a tout prévu.
La mise à mort de ses convives fait de Slowik un héros et un méchant à la fois. Lui aussi en prend pour son grade, lui aussi admet ses erreurs; tout le monde est voué à sombrer dans ses échecs et ses péchés. La haine est désormais au menu et le spectateur pourra picorer inlassablement pour en extraire tout le piquant du métrage.
The Menu n'est pas le film le plus subtil du siècle, mais les relents et le soin apportés à sa narration démoulent une humiliation dans les règles de l'art à une caste de snobinards. Marc Mylod, derrière une métaphore marrante autour de la cuisine pour les nantis et celle pour la classe populaire, enracine son propos dans l'éternel mépris des classes sociales pour formuler une satire satisfaisante.
On rit et on grince des dents, on se laisse embarquer et prendre par surprise, parfois, dans un divertissement porté par un casting impeccable d'une bande d'arrogants personnages.
«The Menu» est à découvrir au cinéma dès le 23 novembre.