«L'homme le plus désiré du monde», entend-on, quand Brad Pitt s'avance sur le plateau d'Oprah Winfrey en 1998. L'incipit d'une carrière, les angles du mythe Brad Pitt, de l'acteur aux 35 années de carrière.
Dans ce documentaire fascinant intitulé Brad Pitt, la revanche d'un blond, ce puzzle d'images d'archives permet de revenir sur son chemin prodigieux et son fardeau: une perfection physique qui lui a posé de gros problèmes. Car oui, dans le documentaire de Thibaut Seve et Adrien Denouette, diffusé sur Arte le 16 octobre et visible sur le compte YouTube de la chaîne, c'est une brillante introspection des difficultés rencontrées par l'acteur dans sa carrière. Une quête de la perfection qui se mue en quête d'imperfection.
L'Américain est disséqué, de sa «naissance» au cinéma dans le film Thelma et Louise, à son désir de briser son image lisse (et maudite) dans l’œuvre culte Fight club. L'exercice analytique est un tout, un emballage artistico-personnel parfaitement maîtrisé et décrit, d'un gamin qui a fui le Missouri pour embrasser une carrière d'acteur.
Lancé dans une course en direction du grand Hollywood avec 275 dollars en poche et sans diplômes, Brad Pitt n'a jamais vu sa carrière décliner. Des débuts euphoriques puis chaotiques (ses pubs, ses cinq ans dans des rôles secondaires à la télévision) lui ont ensuite ouvert des portes, avant qu'une pub Levi's en 1991 ne transforme son existence.
C'est bien sa plastique qui lui ouvre les portes du septième art; son ticket pour la gloire. La mania Brad Pitt est lancée, le sex-symbol est né. Quand il apparaît à l'écran, le cinéma s'efface, son physique l'enferme et l'effondre derrière le cliché du beau gosse. Ses performances ne sont que secondaires, tant que son beau minois crée l'émoi, et l'industrie du cinéma en profite pleinement.
Avec ce fil rouge tiré vers la beauté envahissante de l'acteur, le documentaire extrait cette malédiction d'être beau, trop beau. Le cinéaste David Fincher lui a offert un rôle pour se départir de son costume d'homme sexy. Seven ou encore L'armée des 12 singes de Terry Giliam participent à ce pas (artistique) de côté.
Brad, le natif de Springfield, en a ras le bol d'entendre cette phrase comme une épée de Damoclès sur sa carrière: sois beau et tais-toi. Basta.
En 1999, Fincher, encore lui, ouvre les portes d'une nouvelle carrière pour Brad avec Fight club. La gueule écorchée et le corps griffé, ecchymosé, troué, Brad Pitt a fait tomber le masque et se moque de sa gueule parfaite.
Après cela, plus rien ne sera comme avant et Brad Pitt a désormais réussi à amocher son statut. Le voilà devenu un comédien qui affectionne l'absurde, le violent, la comédie, le contre-emploi. Les romances sont aux oubliettes, le voilà débarrassé du glamour.
Eternelle proie des paparazzis et de la presse people, Brad Pitt injectera de sa solitude dans plusieurs de ses films. Sa performance dans Ad astra (du maestro James Gray) est un reflet de la solitude du star-system qui l'a consumé durant tant d'années.
Le documentaire oppose les deux visages d'un acteur: celui qu'il devait interpréter à contrecœur et l'autre qui le définit. Un miroir de la superficialité qu'adore façonner Hollywood et que Brad Pitt a dû combattre pour enfin vivre pleinement sa passion de comédien.