Vivant à Dubaï, je lis régulièrement un site qui s'appelle Whats'on. Pas watson. Whats'on. C'est un peu le Time Out des Emirats arabes unis. Un de leurs articles a récemment attiré mon attention:
Qu'est-ce que c'est que cette histoire? Un Espagnol et un Portugais qui ouvrent un resto italien qui s'appelle Toto... c'est une blague?
L'établissement s'appelle en vérité Totò en hommage à Antonio Vincenzo Stefano Clemente surnommé ainsi. Il était l'un des acteurs italiens les plus connus de sa génération dans les années 1950-1960. C'est cette ambiance que le restaurant a voulu recréer: celle de l'âge d'or du cinéma italien. Il se trouve qu'il existe un autre Totò à Madrid depuis 2021, ce qui explique peut-être le lien avec Nadal. Aussi, beaucoup de restaurants haut de gamme à Dubaï et à Abu Dhabi sont des concepts importés d'autres grandes villes comme Cipriani, Coya et Zuma à Londres, La Petite Maison à Cannes ou encore Nobu à Los Angeles.
L'endroit en jette. La salle est énorme et les plafonds sont vertigineux. Côté déco, on ne réinvente pas la roue, mais on est dans une ambiance cossue. Ici, la vaisselle est personnalisée et il y a le genre de serviettes de table qu'on a envie de voler, celles où le nom du resto est cousu dessus. On peut regretter la présence d'une ou deux plantes artificielles, notamment dans les toilettes. Ça fait tache dans un établissement de ce standing qui habille ses serveurs en nœud papillon et veste blanche. Et puis on est à Abu Dhabi, chaque détail compte, car la clientèle est habituée au luxe.
J'ai réservé une table pour deux à 13 heures un vendredi. On était les seuls dans l'établissement. J'ai demandé à l'une des serveuses s'il y avait plus de monde d'ordinaire, elle m'a répondu: «Oh oui, le soir!» Pour voir tout le gratin d'Abu Dhabi, il faudra donc repasser.
Et Nadal et Ronaldo, ils sont venus? «Pas encore» me répond la serveuse, un poil déçue.
J'ai pas envie de faire mon François-Régis Gaudry, le critique de Top Chef, mais c'est une cuisine «honnête» qui est proposée. Il y a par exemple la Fregola, un plat fait avec un type de pâtes du même nom produites en Sardaigne. Chez Totò, ces pâtes de blé dur en forme de petites billes sont cuites dans un plat à paella avec des fruits de mer. Et n'y voyez pas Nadal y mettre son grain de sel. Ce plat existe depuis 2003 en Sardaigne. On l'appelle «paella algherese» et il a été créé à l'occasion du 900e anniversaire de la ville Alghero, influencée par la culture catalane.
C'est ce que nous avons commandé même si l'oreille d'éléphant de 500 grammes, la pizza capriccioso et les cannellonis de canard et foie gras faisaient tout autant envie. Mais il y a aussi des plats avec une touche bling-bling made in Abu Dhabi, comme la focaccia à la mozzarella et à la truffe noire, la pizza au carpaccio de thon et caviar et des boulettes de viande au wagyu, la race de bœuf japonaise la plus chère du monde.
On a aussi pris en entrée un tartare de sérioles et une burrata des Pouilles bien dodue. Le cœur des tomates qui l'accompagnaient avaient été retiré pour éviter de détremper le plat. Ce sont des détails qui comptent.
La Fregola a été servie comme une paella traditionnelle, directement depuis le plat. La présentation était magnifique avec ses pétales de fleurs comestibles et ses gros morceaux de pieuvre et de seiche. Mais retrouvait-on la «socarrat», la fameuse croûte très aromatique qui se forme normalement avec le riz qui cuit au fond de la poêle? Pas vraiment. Les pâtes sont plus fragiles que du riz, alors difficile de reproduire le même effet. En tout cas, les portions étaient aussi généreuses que la burrata. Si généreuses qu'on a pris le reste en take-away.
Ok, j'avais trop mangé, mais quel rapport a la faim avec les desserts? Pour les douceurs, la carte était succincte: quatre au total dont un cheesecake au fromage de burrata, une crème brûlée, un gâteau au chocolat, une panna cotta et évidemment... un tiramisu, un classique, mais néanmoins périlleux exercice tant il peut être trop imbibé, pas assez caféiné, trop crémeux, trop sucré.
Celui de Totò était tout à fait respectable avec une belle crème et un biscuit franc en café même si le cacao saupoudré aurait pu être plus amer. Encore une fois, c'est une grosse portion. En général, à Dubaï et à Abu Dhabi, les plats sont généreux. On est dans un pays du Middle East, il y a toujours trop que pas assez. Ça fait partie de la culture.
Et maintenant, le moment que vous attendiez tous: le prix. A deux, nous avons pris deux entrées, deux plats, un dessert, deux grandes bouteilles d'eau et deux espressos. La facture s'élevait à 580 dirhams (143 francs) ce qui équivaut à 73 francs par personne. Ce n'est pas excessif, mais ajoutez-y une bouteille de vin et deux verres d'apéritif et le prix s'envole, car aux Emirats, pays musulman, l'alcool est fortement taxé. Pour vous donner une idée, un verre de Merlot coûte 20 francs dans ce restaurant et la bouteille la plus chère coûte 3160 francs.
Je reviendrai chez Totò car la qualité de la nourriture était bonne et parce que d'autres plats me faisaient très envie, mais cette fois-ci, j'irai le soir... apparemment il y a des gens.