Difficile de ne pas revenir en 2014, lorsque Nic Pizzolato nous crache une série ensorcelante, profonde, qui a opéré comme un choc sériel et marqué une foule de fans de séries. Le duo Woody Harrelson/Matthew McConaughey détalait, enquêtait pour trouver la trace d'un mystérieux meurtrier. La noirceur de l'être humain dans toute sa splendeur.
S'ensuit une deuxième saison pour continuer à surfer sur la vague populaire et critique. HBO commande vite (trop vite?) une nouvelle saison à son créateur, Nic Pizzolato, et se munit d'un casting étoilé (Colin Farrell, Rachel McAdams, Taylor Kitsch, Vince Vaughn). Le nouveau volet essuie des critiques désastreuses et le public déserte.
En 2019, retour à la recette gagnante, avec une distribution solide, avec Mahershala Ali et Stephen Dorff dans le duo d'enquêteurs. Une bonne saison, solide, qui repose surtout sur un très bon casting.
Pour 2024, la «True Detective mania» a retrouvé de ses lettres de noblesse. Les flocons qui tourbillonnent dans un froid à vous en gercer les lèvres. Un environnement hostile dont Liz Danvers (Jodie Foster), chef de la police d'Ennis, patelin paumé (et imaginaire) de l'Alaska, connaît bien les recoins et ses pièges.
Liz est veuve et élève seule sa belle-fille à moitié native. Un brin bougonne, la langue bien pendue quand il s'agit de remettre en place son interlocuteur, la flic est appelée à mener l'enquête concernant la mort suspecte de huit scientifiques. Les huit «intellos», comme qualifiés, travaillaient dans la station Tsalal, pour étudier les chamboulements de l'écosystème.
Comme souvent dans les intrigues de True Detective, les symboles viennent agrémenter le tout. Des spirales sont retrouvées sur les fronts, des corps mutilés et gelés par-dessus le marché; des souvenirs remontent et ravivent un meurtre ultra violent d'une Amérindienne, trois ans plus tôt. C'est là qu'entre en scène la native amérindienne Evangeline Navarro (Kali Reis, ancienne boxeuse reconvertie en actrice) persuadée d'y voir des liens entre les meurtres.
Dans ce coin au charme étouffé (ou inexistant), la créatrice à la barre de cette quatrième saison, Issa Lopez, protégée de Guillermo Del Toro, emprunte la même recette que Pizzolatto (producteur exécutif, cette fois-ci):
L'écriture prend en ampleur, la mise en scène (assez) clinique dessine des silhouettes dans la nuit infinie. Le village a des allures de pays abandonné, de monde oublié.
Les différents personnages qui gravitent autour du tandem d'enquêtrices trompent aussi la solitude entre bières et boulot. On pense à Hank Prior (John Hawkes) et son fils Peter (Finn Bennett), lui aussi policier, qui se démène pour faire bonne figure face à sa boss Liz.
Cette capsule polaire (les plans ont été tournés en Islande), tel un dôme qui emprisonne les rancœurs d'antan, capture cette étrangeté comme le faisait The Thing, une référence avancée par la créatrice.
A l'image d'une série comme Katla, sur Netflix, où les glaces font barrière aux douleurs, True Detective Night Country ressemble à un tombeau, tenu par des vivants qui au fond d'eux sont déjà morts.
«True Detective Night Country» à partir du 15 janvier, un épisode chaque lundi sur RTS.