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Glencore pourrait racheter Teck et quitter la Suisse

Le plus gros contribuable de Suisse pourrait quitter le pays

Depuis des semaines, Glencore fait pression pour une fusion avec son concurrent canadien Teck. Ce mercredi, l'assemblée générale de Teck sera décisive. Si l'accord se concrétise, cela aura probablement des conséquences pour le siège de Glencore à Zoug.
26.04.2023, 11:5826.04.2023, 18:23
Gregory Remez / ch media
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Glencore a toujours été un géant timide. Même après son entrée en bourse en 2011, le groupe de matières premières est resté entouré d'une aura d'inaccessibilité. Malgré les efforts de transparence et la multiplication des campagnes d'image, cela reste vrai, aujourd'hui, surtout lorsqu'il s'agit des affaires. L'entreprise, basée dans le canton de Zoug, est considérée comme rusée, parfois impitoyable, mais surtout très discrète.

Le groupe anglo-suisse a dû être d'autant plus contrarié lorsque son concurrent canadien Teck Resources a annoncé publiquement, début avril, qu'il refusait son offre de reprise. Les Canadiens n'ont pas seulement révélé les plans d'acquisition de Glencore, inconnus jusqu'alors. Cela a aussi donné un éclairage sur les réflexions stratégiques de la multinationale des matières premières.

Gary Nagle, patron de Glencore, en 2021 lors de sa nomination.
Gary Nagle, patron de Glencore.Image: Glencore

Les négociations se sont déroulées à huis clos pendant plusieurs mois. Mais les avances de Glencore à Teck sont devenues manifestement trop pressantes – et l'entreprise canadienne a tiré le frein à main.

Séparer «bonnes» et «mauvaises» matières premières

L'idée de Glencore, derrière la fusion, que la direction de Teck interprète comme une tentative de prise de contrôle hostile, est simple: les deux groupes ont dans leur portefeuille de «bonnes» et de «mauvaises» matières premières en ce qui concerne leur bilan climatique. Ces dernières seraient d'abord dissociées après une fusion des deux entreprises, puis introduites en bourse en tant qu'entreprises séparées.

Deux nouvelles sociétés verraient le jour, selon la proposition de Glencore:

  • CoalCo avec le secteur du charbon, sale, mais toujours rentable.
  • MetalsCo avec des métaux comme le cuivre, le cobalt, le nickel et le zinc, considérés comme importants pour la transition énergétique.
La mine de Mont Isa, en Australie, propriété de Glencore.
La mine de Mout Isa, en Australie.Image: Shutterstock

La valeur boursière de la division Métaux augmenterait aussitôt, car les investisseurs orientés vers le développement durable pourraient alors acheter les actions.

Le plan paraît simple, mais reste toutefois compliqué à mettre en œuvre. Cela n'est pas seulement dû aux obstacles juridiques en matière de concurrence et aux différentes catégories de poids des groupes – Glencore pèse environ 70 milliards de dollars américains en bourse, contre 23 pour Teck. La structure particulière des actions de Teck joue également son rôle, car c'est surtout une seule personne qui est aux commandes: Norman Keevil. Aujourd'hui âgé de 85 ans, le Canadien a fait passer Teck d'une petite mine d'or à la plus grande entreprise de matières premières de son pays, où il est considéré comme une légende vivante de l'industrie minière.

Norman B. Keevil, patron de Teck.
Norman Keevil.Image: DR

Bien que Norman Keevil ne détienne que 1% du capital-actions, il possède plus de la moitié des droits de vote. Ces dernières semaines, il a refusé à plusieurs reprises la proposition de Glencore, arguant que «ce n'était pas le moment d'explorer une telle transaction». L'une des raisons pourrait être le rapport de force clair après la fusion: selon les plans de Glencore, les actionnaires de Teck ne détiendraient que 24% des deux nouvelles entités, les 76% restants revenants à Glencore.

Une date importante ce mercredi

Teck nourrit d'ailleurs des projets similaires. En février, le conseil d'administration a déjà proposé aux actionnaires de séparer les activités «métal» et «charbon».

Ce mercredi 26 avril, les actionnaires voteront sur cette proposition. L'assemblée générale de Teck sera également décisive pour Glencore. Car le vote est aussi un référendum sur l'offre d'achat. Si les actionnaires de Teck approuvent leurs propres plans de scission, l'offre de l'entreprise anglo-suisse sera balayée.

Malgré les rejets, Glencore est toujours convaincu de la logique de l'accord. Récemment, l'entreprise a adouci son offre initiale en proposant une somme d'argent supplémentaire et en soulignant, dans une lettre ouverte, les nombreux avantages pour les actionnaires de Teck.

«Deal de matières premières de la décennie»

Dans différents médias, les projets d'acquisition de Glencore ont été qualifiés du «deal de matières premières de la décennie» et de coup de force potentiel du nouveau patron Gary Nagle. En fait, c'est probablement quelqu'un d'autre qui se cache derrière ce projet: Ivan Glasenberg, le mentor et prédécesseur de Nagle. Il a dirigé le groupe de 2002 à 2021 et est toujours le plus gros actionnaire individuel de Glencore, avec une part de plus de 9%.

Ivan Glasenberg, CEO Glencore, ist auf dem Weg zur Glencore-Jahresversammlung am Mittwoch, 2. Mai 2018, in Zug. (KEYSTONE/Alexandra Wey)
Ivan Glasenberg, en 2018, à Zoug.Image: KEYSTONE

Pour lui, toute revalorisation de l'action Glencore signifierait un bond de fortune considérable. Selon les analystes, le groupe est sous-évalué en bourse depuis des années avec 70 milliards de dollars américains, car de nombreux gros investisseurs évitent les actions pour des considérations climatiques. La séparation de l'activité charbon rendrait les titres à nouveau présentables pour les investisseurs institutionnels comme les caisses de pension.

Le baron canadien de l'industrie minière, Norman Keevil, sent lui aussi l'influence de l'ex-patron dans l'ombre. Dans sa réponse ouverte, il écrit:

«Ivan Glasenberg est un homme intéressant et intelligent, et le timing est certainement bon pour Glencore, mais pas pour Teck ou nos actionnaires»

Un possible déménagement

Si l'accord se concrétise, il s'agira pour Glencore de la plus grande acquisition depuis le rachat du groupe minier zougois Xstrata en 2013. Une fusion avec Teck serait toutefois bien plus lourde de conséquences, y compris pour le site suisse. Car comme Glencore l'a esquissé dans son offre de reprise, la direction du groupe n'exclut pas une délocalisation du siège social.

Le siège social de Glencore à Zoug. Glencore est l'une des plus grandes sociétés de négoce de matières premières et d'exploitation minière au monde.
Le siège de Glencore, à Zoug.Image: Shutterstock

MetalsCo pourrait donc être domiciliée au Canada et y obtenir une deuxième cotation, la première restant à Londres. CoalCo serait à son tour introduite en bourse aux Etats-Unis. Selon Gary Nagle, c'est là que l'intérêt des investisseurs pour une entreprise axée purement sur le charbon est le plus grand. Dans ce cas, le siège suisse, qui compte actuellement près de 1000 employés, subirait probablement une réduction de son effectif. Rappelons encore qu'en 2022, selon Handelszeitung, Glencore est l'entreprise suisse qui paye le plus d'impôts dans le pays: 2,841 milliards, devant Nestlé (2,616 milliards). (aargauerzeitung.ch)

Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder

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