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Pourquoi Credit Suisse ne fera pas faillite

Samuel Bendahan, Credit Suisse
Samuel Bendahan, économiste à la HEC de Lausanne et à l'EPFL tient à relativiser quelque peu la chute de Credit Suisse.keystone/dr

Pourquoi Credit Suisse ne fera pas faillite

Avec la chute de Credit Suisse en cours plane le risque du désormais fameux «too big to fail»: ces entreprises d'importance systémiques tellement massives qu'on ne peut, simplement, pas les laisser couler. Alors, qu'en est-il?
16.03.2023, 06:1022.03.2023, 18:31
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Ce mercredi, l'action de Credit Suisse s'enfonce, encore et encore, laissant planer le risque de gros troubles économiques en Suisse, en Europe, et peut-être dans le monde.

Mais pourquoi la chute d'une banque suisse pose-t-elle problème au-delà de nos frontières? Vivant dans un monde globalisé, interconnecté et où les créances (en milliards) des uns sont les débits des autres, Credit Suisse fait partie des institutions Too big to fail.

Importance systémique

Car Credit Suisse est classé «d'importance systémique» par le régulateur suisse. Comprendre: son portefeuille, ses actionnaires, les entreprises qui y ont investi et les tenants et aboutissants de ses investissements ont pénétré tellement de secteurs et de zones géographiques que sa faillite serait une catastrophe commune, que tout le monde veut éviter.

Le principal actionnaire de CS, la banque nationale saoudienne (SNB), a d'ores et déjà déclaré qu'elle ne volerait pas à la rescousse de Credit Suisse. La banque pourrait-elle être sauvée? Et donc, la question qui se pose est: par qui?

Alors: la Confédération (et donc nos impôts) va-t-elle devoir voler à la rescousse de CS? Dans une interview à Bloomberg, le président du Conseil d'administration de CS l'a toutefois exclu.

Too big to fail: les externes paient les pots cassés

Samuel Bendahan, conseiller national (PS/VD), mais également docteur en sciences économiques et maitre d’enseignement et de recherche à la HEC Lausanne et à l'EPFL, répond à nos questions. Alors, le too big to fail, c'est quoi les enjeux?

«C'est quand une entreprise qui, lorsqu’elle fait faillite, cause du tort à l’ensemble de la société et à la population, plutôt que seulement aux investisseurs qui ont pris le risque»
Samuel Bendahan, économiste

Car il rappelle que le risque reste inhérent à toute entreprise, même les plus grosses. Mais pour celles-ci, le risque devient, alors, systémique. En Suisse, relève l'économiste, cela peut aussi fragiliser la confiance dans les institutions bancaires et financières du pays.

Danger pour la population

Car si l'Etat devait intervenir, à un moment ou à un autre, c'est dans un cas de figure précis: celui où la chute de l'établissement provoque un danger pour la population:

«En 2008 comme aujourd'hui, l'Etat doit d'abord estimer si la situation peut poser des problèmes à la population. Pour l'heure, on ne peut pas encore vraiment savoir si ca va mal aller»
Samuel Bendahan, économiste

Et les «petits clients» de la grande banque, risquent-ils quelque chose?

«Non, pas vraiment, car il y a une garantie des petits dépôts en Suisse. Mais certaines personnes peuvent voir leur emploi menacé et si l’économie souffre, tout le monde paie»
Samuel Bendahan, économiste

«Les investisseurs n'ont pas forcément raison»

La situation risque-t-elle de ricocher ailleurs en Europe et aux Etats-Unis? En France, la première ministre Elisabeth Borne demande déjà à la Suisse de régler le problème et la Banque centrale européenne (BCE) doit se saisir du dossier demain.

L'économiste tient également à relativiser quelque peu la chute de la banque: «Il y a plusieurs choses qui arrivent en même temps. L'inflation, la hausse des taux d'intérêts et des incertitudes liées aux investisseurs, ainsi que les difficultés de Credit Suisse sont difficile à identifier précisément. La banque avait déjà été affaiblie avant par de nombreuses affaires et plusieurs problèmes». Il précise:

«Il ne faut pas oublier que si le cours de la bourse représente le degré de confiance des investisseurs dans une entreprise, cela ne veut pas dire qu'ils ont raison»
Samuel Bendahan, économiste

Pour l'économiste, le vrai problème est ailleurs, et plus profond: une «crise» de confiance dans les institutions financières, ou en tous cas certaines d’entre elles.

«Nous n'y sommes pas encore aujourd'hui, mais le risque est de créer une crise de confiance, qui fait que tout le monde le paie»
Samuel Bendahan, économiste

Le politicien prend alors le pas sur l'économiste: «La Banque nationale suisse (BNS) et la Confédération doivent être prêts et suivre la situation avec attention. Ils sont à même de prendre des décisions qui peuvent influencer positivement la confiance dans le système bancaire suisse».

«La balle est dans le camp du Conseil fédéral et de la BNS, qui doivent analyser la situation et évaluer les risques pour être prêts à agir au bon moment. Il n'y a pas encore de garantie que ce soit le cas actuellement.»
Samuel Bendahan, conseiller national (PS/VD)

Samuel Bendahan avertit qu'il est «important que la BNS ne prenne, notamment, pas de décision hâtive en matière de taux directeurs qui pourrait avoir des conséquences néfastes au niveau suisse, comme l'explosion des loyers». Il appelle les autorités à rester prêtes, garder la tête froide et à agir consciencieusement.

(acu)

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