«Nous devrions interdire les bitcoins.» Paul Niggli, ancien gestionnaire de crise de l'exploitant du réseau électrique Swissgrid, fait sensation avec sa revendication dans une interview accordée aux journaux alémaniques. L'ingénieur électricien se dit «choqué» que personne n'ait encore eu cette idée. Après tout, le commerce des bitcoins et autres cryptomonnaies repose sur «des ordinateurs qui nécessitent une puissance informatique incroyable et consomment, en conséquence, de l'électricité».
Paul Niggli fait le calcul suivant:
La consommation mondiale d'électricité en bitcoin correspondrait à environ deux fois la consommation annuelle de la Suisse.
Une étude menée par des chercheurs de l'université de Cambridge montre des résultats similaires. Ils ont calculé que la consommation d'électricité du bitcoin s'élevait à environ 134 térawattheures l'année dernière. Ce chiffre est comparable à la consommation annuelle d'électricité de pays comme la Suède, l'Ukraine ou la Norvège.
Le mécanisme de consensus, qui est à la base de la technologie blockchain, est responsable de la forte consommation d'électricité. Pour que toutes les transactions se déroulent en toute sécurité et qu'aucune manipulation ne soit possible, il faut une immense puissance de calcul. On sait depuis longtemps que cela nécessite beaucoup d'électricité.
Dans ce contexte, c'est surtout l'extraction de Bitcoins, Ethereum et autres, appelée «minage» dans le jargon technique, qui est particulièrement gourmande en énergie et «vraiment inquiétante». C'est ce qu'écrit l'expert en blockchain Vlad Coroamă de l'ETH Zurich dans une étude qu'il a réalisée pour le compte de l'Office fédéral de l'énergie.
Selon Vlad Coroamă, la consommation d'électricité générée par cet algorithme représente aujourd'hui, selon les estimations, 0,5% de la consommation annuelle d'électricité dans le monde. Cette part devrait encore augmenter à l'avenir, l'étude indique:
Bitcoin Suisse, le plus grand prestataire de services crypto-financiers en Suisse, est également conscient de la forte consommation d'énergie. L'entreprise, dont le siège est à Zoug, précise, toutefois, que «la principale consommation d'électricité est liée à l'extraction du bitcoin, qui protège le réseau contre les attaques».
Mais ce processus n'a pas du tout lieu en Suisse en raison des prix élevés de l'électricité, explique Marcus Dapp, responsable de la recherche chez Bitcoin Suisse:
Les entreprises de blockchain sont particulièrement présentes dans le canton de Zoug. C'est là que la «Crypto Valley» a vu le jour ces dernières années, et plus de 500 entreprises de blockchain y ont désormais leur siège.
Par ailleurs, le directeur des Finances zougoises, Heinz Tännler, est président de la Swiss Blockchain Federation. Il considère l'affirmation de Niggli comme osée:
Interdire les transactions en bitcoin revient, en fin de compte, à interdire une nouvelle technologie, selon Tännler. Et de nombreux emplois en dépendent, et pas seulement dans le canton de Zoug. Il n'est pas possible de bloquer tout un secteur économique.
«Cela n'arrêtera pas le développement», affirme Heinz Tännler avec conviction qui complète:
Il faut en outre tenir compte du fait que les transactions par blockchain «ne cessent de s'améliorer en termes de consommation d'énergie», explique Tännler. Enfin, il est également dans l'intérêt des exploitants des centres de calcul de maintenir les coûts d'électricité aussi bas que possible. Autrement dit: ils s'installent là où l'énergie est bon marché et facilement disponible. Ou alors, ils se tournent vers des algorithmes qui consomment moins d'énergie. Ce que confirme Marcus Dapp: