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On a des nouveaux détails sur l'appel entre Keller-Sutter et Trump

KKS/Trump/Taxes

«La Suisse n’a aucun respect pour nous», a lancé Trump à Keller-Sutter

On en sait plus sur la discussion entre la présidente de la Confédération et Donald Trump, qui a précédé le couperet des 39% de droits de douane imposés à la Suisse par le pays de l'oncle Sam. Anatomie d'un appel de 34 minutes aussi déconcertant que lourd de conséquences.
17.08.2025, 16:4017.08.2025, 16:40
PArtick Müller
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Lors du désormais tristement célèbre appel du 31 juillet entre Karin Keller-Sutter (KKS) et Donald Trump, qui a vu les taxes douanières imposées à la Suisse par les Etats-Unis grimper au lieu de descendre, Trump a réclamé à la Suisse «un chèque», en invoquant à titre d'exemple les 600 milliards qui lui sont «offerts» par l’UE, selon des fuites qui nous sont parvenues.

En retraçant les événements, on y apprend d'autres détails sur cette conversation houleuse. Et qui n'aurait, en réalité, pas été initiée par la Suisse, mais par un certain Jamieson Greer. Ou le représentant américain au commerce, décrit comme l'homme de l'ombre de la Suisse au sein du gouvernement des Etats-Unis par nos confrères.

Un appel direct

C'est à Guy Parmelin que le haut fonctionnaire aurait en réalité recommandé «vivement de téléphoner personnellement à Trump». Dans le même temps, «les collaborateurs de Greer ont fait du lobbying auprès du Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco) pour une prise de contact directe.»

L’entretien téléphonique était fixé au 31 juillet à 20h. Auparavant, l’administration fédérale procède à divers tests techniques. L’objectif est de parvenir à un accord douanier – un taux de 10 % est visé, voire moins – sans que la connexion technique fasse échouer les discussions.

«Pourquoi appelez-vous?»

Trump ne répond pas à l’heure convenue. Ce n’est qu’à 20h10, dix minutes de retard, qu’il décroche. Comme déjà rapporté dans plusieurs médias, la conversation commence par les remerciements de Keller-Sutter pour ses félicitations à l’occasion de la fête nationale du 1er août. Il les expédie rapidement, tout en se disant impressionné par le fait que l’histoire de la Suisse remonte à 1291. Puis il change de ton brutalement.

«Why are you calling?» («Pourquoi appelez-vous?»), lance Trump sèchement. N’a-t-il pas été informé par son propre département des Finances que cet appel avait été recommandé?

Keller-Sutter répond qu’elle souhaite évoquer avec lui la déclaration commune (« Joint Understanding ») négociée entre les Etats-Unis et la Suisse:

«J’aimerais connaître votre position à ce sujet»

Elle remercie aussi le président américain pour la collaboration de ses représentants commerciaux Greer, Bessent et Lutnick.

La réaction de Trump

C'est alors que Trump réagit sèchement. En entendant les noms de ses propres représentants, il lâche: «I don’t care about them» («Je m’en fiche d’eux»). Il aborde immédiatement le déficit commercial de 40 milliards, qui ne peut, selon lui, être corrigé qu’avec un taux douanier plus élevé. Keller-Sutter répond que l’accord élaboré traite précisément de ce point.

Elle ajoute que la Suisse ne compte que neuf millions d’habitants, ce qui conduit logiquement à un volume d’exportations élevé. Elle souligne aussi que la Suisse n’impose aucun droit de douane sur les produits industriels et qu’elle offre aux entreprises américaines un accès au marché presque complet: 99,3%.

Ce n’est pas Keller-Sutter, mais Trump qui sermonne

Ces arguments avaient impressionné Trump lors du premier appel, le 9 avril. Cette fois, il les balaie d’un revers de main. «Il n’est question que du déficit commercial », lance-t-il à la présidente. Dans cette conversation, c’est Trump qui joue au donneur de leçons: il affirme que l’excédent suisse équivaut à une perte annuelle de 40 milliards de dollars pour les Etats-Unis. En clair, la Suisse est un pays riche. Ça ne peut pas continuer comme ça.

Trump poursuit: «La Suisse profite des Etats-Unis et n’a aucun respect pour nous.» Il parle de «vol». Son monologue continue: face au déficit, un droit de douane d’au moins 30 voire 35 % est nécessaire. Le taux de 39 % finalement décidé n’est jamais évoqué lors de l’échange.

Keller-Sutter se permet d’évoquer la question de l’or. Le commerce du métal précieux fausse les statistiques commerciales, dit-elle. Peu importe à Trump que ses propres émissaires aient compris ce point. «Donc même avec l’or, vous gagnez de l’argent!», rétorque-t-il simplement.

600 milliards «cash» de l’UE

Le président américain évoque ensuite son accord conclu quelques jours plus tôt avec l’Union européenne. Selon lui, l’UE va lui verser 600 milliards de dollars. Keller-Sutter s’abstient de commenter cette affirmation manifestement fausse.

Pourtant, Trump a continué d'assurer par la suite publiquement que l’UE paiera effectivement 600 milliards. En réalité, il ne s’agit pas d’un transfert financier, mais d’un engagement de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen: les entreprises européennes devraient investir ce montant cumulé aux Etats-Unis dans les prochaines années. Bref, revenons à l'échange.

Lors de sa discussion avec Keller-Sutter, Trump insiste sur ce succès européen. «They pay me 600 billion, what do you pay me?» («Ils me versent 600 milliards, combien me payez-vous?»). La présidente suisse a anticipé l’attaque. Elle répond, sans donner de précision temporelle:

« Les entreprises suisses investiront au moins 150, voire 200 milliards»

Trump n’en a cure, ou juge la somme insuffisante. Keller-Sutter comprend qu’aucune solution n’est envisageable ce jour-là. Elle propose alors que «nos équipes réexaminent l’accord» et reprennent point par point. Trump manifeste peu d’intérêt. Il répète ses arguments: la Suisse cause aux Etats-Unis une perte de 40 milliards.

Fin après 34 minutes

Keller-Sutter dit devoir mettre un terme à l’entretien. Trump répond qu’il en parlera à son équipe. Elle demande si son émissaire Greer recevra un retour. Trump finit par confirmer. Elle lui arrache un minime engagement: que les droits de douane n’entrent pas en vigueur dès le 1er août. Un délai est finalement fixé au 7 août. Mais ce report n’aura servi à rien.

Mystérieux 39%

Le taux de 39% annoncé par Trump après coup sur les réseaux sociaux est apparu sans aucune logique. Jamais, au cours de la conversation, il n’a été question du taux d’1% que Keller-Sutter aurait soi-disant demandé. Quelques jours plus tard, Trump déclare à la télévision américaine: «Je ne connaissais pas cette dame. Elle veut payer 1%. » Une invention pure.

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Le mystère du SMS reçu par la secrétaire d’Etat Helene Budliger (Département fédéral de l’économie) le 31 juillet est également éclairci. A 20h45, elle reçoit un message du département américain des Finances recommandant d’interrompre l’appel avant que le ton ne se détériore.

Mais une minute plus tôt, à 20h44, Keller-Sutter et Trump avaient déjà raccroché. (adapt. jah dg

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