39%, c'est le taux des droits de douane punitifs que le président des Etats-Unis a imposés à la Suisse à la veille du 1ᵉʳ août. Une semaine plus tard, ils sont entrés en vigueur. La présidente de la Confédération, Karin Keller-Sutter et le ministre de l'Economie, Guy Parmelin se sont rendus à Washington, mais en vain. Aucun revirement de dernière minute. Au moins, le dialogue avec l'administration Trump a été renoué.
Depuis son entretien téléphonique infructueux avec son homologue américain, la Saint-Galloise fait l'objet de critiques. Elle aurait «commis de graves erreurs», aurait été trop naïve, à la fois trop sûre d'elle et trop complaisante, se serait trop peu préparée et aurait trop compté sur ses soi-disant «bonnes relations» avec Donald Trump.
Elle s'était déjà présentée devant les médias à Berne jeudi avec son collègue, Guy Parmelin. Lundi soir, elle a accordé sa première longue interview depuis le diktat douanier. C'était dans l'émission TeleZüri-Sommertalk.
Elle a refusé de dire que les négociations auraient été mal menées. Selon KKS, la Suisse a très bien discuté et est parvenue à un accord. Mais cela n'avait manifestement «aucune importance» pour le président américain, a constaté Keller-Sutter. Une allusion à leur entretien téléphonique:
On savait déjà qu'il aurait le dernier mot et qu'avec lui, tout peut arriver: «Mais là, on était loin de ce qui avait été convenu».
Keller-Sutter ne prend pas personnellement le fait que Trump se soit, semble-t-il, agacé de son ton après leur conversation. Selon certaines sources, il l’aurait trouvée condescendante. Pour elle, les États-Unis ne cherchaient qu’à obtenir le maximum:
Contrairement à Trump, elle n’a pas le pouvoir de promettre «à la volée» 100 ou 200 milliards de plus. La Suisse cherchera désormais à améliorer son offre, mais pas à n’importe quel prix:
A gauche et dans une partie du camp bourgeois, on réclame des contre-mesures: renoncer au F-35, des droits de douane compensatoires et des actions en justice devant l'OMC. La présidente de la Confédération n'y semble guère sensible. Pour proférer des menaces, il faut des arguments. La Suisse est un petit Etat doté d'une économie innovante. Mais «politiquement, elle ne fait absolument pas le poids».
Lors d'une conférence de presse, lundi, en marge du Festival du film de Locarno, le ministre des Affaires étrangères, Ignazio Cassis a également rejeté les accusations selon lesquelles lui et son département seraient restés trop passifs dans ce dossier, et dans les relations avec les Etats-Unis. «Celles-ci relèvent d'une stratégie globale du Conseil fédéral et concernent donc les sept départements», a déclaré le ministre tessinois.
La responsabilité se répartit entre les différents départements en fonction du sujet, et sur la base de l'expertise respective. Le département de Cassis assure la coordination; il a lui-même présidé dix réunions du groupe central et du groupe de pilotage:
Il lance un appel au calme. Et invite, dans quelque temps, les Etats-Unis à un deuxième cycle de négociations sur les droits de douane. Selon lui, il est normal que l'objectif ne soit pas atteint du premier coup.
Ignazio Cassis refuse par ailleurs de rencontrer le secrétaire d'État américain, Marco Rubio. Celui-ci n'a en effet aucune compétence dans le conflit douanier. «Je rencontre volontiers toutes sortes de personnes, en tout temps, si cela a un sens», a déclaré le conseiller fédéral.
Karin Keller-Sutter reste sur la réserve à propos d'autres mesures envisagées. On pourrait suspendre l'impôt minimum de l'OCDE, mais cela signifie simplement que l'argent s'en irait à l'étranger. Une initiative isolée de la Suisse ne lui semble pas très judicieuse.
La Suisse paie déjà le prix de son indépendance. Ce dont elle a besoin aujourd'hui, c'est d'un «renforcement interne». Il faut «mettre de l'ordre dans son propre foyer» afin de pouvoir soutenir l'économie en cas de besoin. Si nécessaire, cela passe aussi par des mesures d'économie: «Il faut alors renoncer à certaines choses».
(Traduit et adapté par Valentine Zenker)