La Suisse et les accords de libre-échange, c'est une histoire qui roule. Nous en avons par exemple signé un avec la Chine, en 2013, un pas en avant novateur pour un pays occidental. Mais il restait à le faire avec ce qui est désormais le pays le plus peuplé au monde: l'Inde.
En 2017, Doris Leuthard est présidente de la Confédération. Ce jour-là, en Inde, elle défile devant une garde d'honneur avec des salves de canons en arrière-plan. Elle s'avance devant le microphone et déclare espérer la mise en place d'un accord de libre-échange entre la Suisse et l'Inde. Mais tant l'Argovienne démocrate-chrétienne que le PLR Johann-Schneider Ammann, se sont cassé les dents sur ce dossier.
Aujourd'hui, seize ans après le début des négociations, une étape décisive tant attendue a été réalisée au Forum économique mondial (WEF). Le ministre de l'Economie Guy Parmelin (UDC) a conclu un accord avec son homologue indien Piyush Goyal après d'intenses débats au cours des derniers mois. Le conseiller fédéral a ensuite quitté le WEF pour se rendre directement en Inde suite à «une invitation de dernière minute» de Piyush Goyal. Tant l'Inde que la Suisse souhaitent conclure un accord le plus tôt possible.
L'Association européenne de libre-échange (AELE) est en quelque sorte l'alliance des outsiders européens: c'est ici que la Norvège, l'Islande, le Liechtenstein et la Suisse coordonnent leurs intérêts économiques en dehors de l'Union européenne (UE).
Car l'UE est considérée comme un adversaire dans la course à un partenariat plus intense avec l'Inde, qui dispose d'une économie en pleine croissance.
Mais qu'est-ce qu'un accord de libre-échange exactement? Le Secrétariat d'Etat à l'économie écrit sur son site qu'un tel accord vise à «faciliter les échanges commerciaux entre deux ou plusieurs pays en réduisant ou en éliminant les barrières commerciales». Le but? Encourager et stimuler le commerce international. Un accord de libre-échange règle par exemple le montant des droits de douane, les prescriptions techniques pour les produits ou la protection des brevets et de la propriété intellectuelle.
Ce dernier point est particulièrement important dans le cas de l'Inde et a été fortement contesté par le passé. Il faut dire que ce pays d'Asie du Sud est le plus grand producteur de médicaments génériques au monde. Ce sont surtout les pays en développement qui dépendent de ces médicaments abordables. Et les génériques ne peuvent être fabriqués qu'après l'expiration du brevet du médicament originel, souvent très coûteux.
Contacté, le département fédéral de l'Economie a confirmé qu'un accord avait été trouvé dans le domaine de la protection des brevets. Le texte doit encore être finalisé et les négociations ne sont pas encore terminées. Il ajoute:
C'est justement parce qu'aucun détail n'est encore connu que l'organisation non gouvernementale (ONG) Public Eye estime que l'euphorie est exagérée:
L'organisation Alliance Sud, craint également un durcissement du droit des brevets:
L'UE et le Royaume-Uni veulent également conclure un accord de libre-échange avec l'Inde. L'accord entre les Etats de l'AELE et l'Inde devrait donc faire jurisprudence. Ce que la Suisse négocie aura des conséquences importantes, estime Isolda Agazzi.
Les deux ONG pourront éventuellement compter sur un allié puissant: la branche pharmaceutique. L'association Interpharma porte depuis longtemps un regard critique sur un accord de libre-échange avec l'Inde. «Si l'accord ne contient pas un chapitre substantiel sur la protection de la propriété intellectuelle, nous le combattrons», clamait-elle déjà il y a dix ans. Et elle n'a pas changé d'avis. Interpharma n'a toutefois pas encore pris position depuis l'annonce de l'accord. L'association pharmaceutique veut d'abord en connaître les détails.
Adapté de l'allemand par Tanja Maeder. Cet article contient des ajouts de l'ATS.