Le bruit blanc prend des airs de peste noire pour Spotify. La plateforme musicale ultra-populaire perd des millions avec cette tendance: certains épisodes de bruit blanc, des sons d'ambiance, apparemment destinés aux auditeurs endormis, sont un franc succès. Sauf que voilà, des abonnés écoutent jusqu'à 3 millions d'heures de bruits blancs quotidiennement, rapporte Bloomberg.
Mais où est le problème? Le hic est que le bruit blanc n'est pas très rentable. L'entreprise gagne plus en poussant ses abonnés vers ses abonnements musicaux payants (premium), la principale source de revenus pour Spotify, qui s'appuie sur des marges plutôt minces pour faire tourner la boutique. Selon les différents chiffres, la société perd toujours de l'argent et désire mettre les bouchées doubles pour être rentable. Les prévisions annoncent que la plateforme fondée par Daniel Ek perd des abonnés premium.
Pour tenter d'appâter de nouveaux utilisateurs, Spotifiy a procédé au rachat d'Anchor en 2019, une application de création de podcast. L'opération devait ouvrir une brèche lucrative. Or la société suédoise a vu naître un pan d'utilisateurs encombrants: les créateurs de bruit blanc.
Ces podcasteurs ont gagné, selon Bloomberg, jusqu'à 18 000 dollars par mois grâce à des publicités placées dans leurs épisodes de vagues déferlantes s'écrasant contre les rochers, ou à des enregistrements de pluie ruisselante, balayée par les vents.
Spotify, qui compte 551 millions d'utilisateurs, a vu ses utilisateurs financés par la publicité dépasser les auditeurs premium. Une belle épine dans le pied du leader du streaming musical. Selon le document inspecté par Bloomberg, Spotify a pris pour cible ces podcasts de bruit blanc et tente de les supprimer. Une opération qui pourrait rapporter à l'entreprise un bénéfice de 38 millions de dollars.
Même si un porte-parole du leader du streaming musical a récemment affirmé que la plateforme n'avait pas décidé de supprimer les podcasts de la discorde, des utilisateurs ont remarqué que certains de leurs bruits blancs se sont mystérieusement envolés. L'un d'eux a également déclaré à Bloomberg que certains de ses épisodes avaient disparu sans le moindre avertissement.
Une tendance qui n'agace pas uniquement les pontes de Spotify. Des dirigeants de gros labels sont montés aux barricades pour nourrir la controverse du «white noise gate». Pour l'industrie musicale, il est impensable de voir des morceaux d'artistes réputés être au même niveau que des bruits de pluie.
Robert Kyncl, PDG du Warner Music Group, s'est plaint du traitement des artistes et souhaite que la redistribution des royalties soit revue. Il a pris la parole au mois de mai sur le site spécialisé Musicbusinessworldwide.com et a usé d'un petit clin d'oeil (sportif) pour mettre des mots sur son mécontentement:
Kyncl en a rajouté une couche sur le bruit blanc, ajoutant qu'il est impossible que «des morceaux d'Ed Sheeran aient la même valeur que de la pluie tombant sur le toit».
Les petits problèmes de l'univers de la musique ne se cantonnent pas au bruit blanc. La plateforme a dû faire face à un tsunami de musique générée par l'IA, parfois avec des bots gonflant artificiellement le nombre de vues.
Des soucis révélés par Financial Times, soulignant que Spotify a supprimé «des dizaines de milliers», soit environ 7% des chansons téléchargées par la startup de musique IA Boomy, qui génère des pistes basées sur les entrées des utilisateurs. Ces pistes peuvent ensuite être partagées sur Spotify où elles peuvent générer des redevances.
Un phénomène appelé «streaming artificiel». En résumé, ce sont des réseaux de bots qui «écoutent» ces pistes pour gonfler artificiellement le nombre de flux. Business Insider affirme que Boomy a généré 14,5 millions de chansons, soit 14% de la musique enregistrée dans le monde.
Spotify a déclaré, par le biais d'un communiqué, que «le streaming artificiel est un problème de longue date à l'échelle de l'industrie que Spotify s'efforce d'éradiquer sur l'ensemble de notre service». Plus graves, les inquiétudes sont prégnantes pour les artistes dits humains, eux qui ne reçoivent qu'une infime somme d'argent des revenus générés par le streaming.