Le payement par carte devrait changer en Suisse: Coop et Denner sont ravis
Approcher sa carte du terminal, attendre qu’une petite coche apparaisse à l’écran, et la transaction est réglée. Beaucoup d’entre nous se sont habitués à ce processus simple et numérisé, à la caisse du supermarché ou au restaurant.
De plus en plus de personnes ne transportent même plus d’argent liquide. Cette commodité, pourtant, a un prix.
Un accord qui peut changer la donne
Contrairement au paiement en espèces, chaque transaction par carte entraîne des frais. Ceux-ci varient selon le type de carte utilisée, entre celle de débit et de crédit. Dans tous les cas, ils irritent commerçants et restaurateurs, qui doivent les assumer s’ils acceptent les paiements électroniques. Pour une petite boutique ou un bistrot, cela finit par peser lourd. Et, indirectement, les clients paient aussi, car ces frais imposés par les réseaux de cartes finissent par se refléter dans les prix.
Depuis des années, les associations de détaillants et de consommateurs dénoncent cette «distorsion du marché». Mais la situation pourrait bientôt s’améliorer pour les commerçants. Un litige opposant des distributeurs américains à Visa et Mastercard depuis 20 ans a en effet abouti récemment à un accord qui devrait avoir des répercussions mondiales sur les paiements électroniques.
Le casse-tête des frais additionnels
L’accord, qui doit encore être validé par un tribunal américain, prévoit notamment une réduction des frais que les commerçants doivent payer lorsque leurs clients règlent avec une carte de crédit. Cette commission d'interchange, qui se situe généralement entre 2% et 2,5%, doit diminuer de 0,1 point de pourcentage par an durant les cinq prochaines années. Les commerçants disposeront aussi d’une plus grande liberté pour refuser certaines catégories de cartes de crédit.
Ces changements concerneraient également la Suisse, où Visa et Mastercard dominent le marché. Les réactions des détaillants helvétiques sont donc plutôt positives. Sollicité, le discounter Denner écrit:
Coop déclare quant à elle:
Mais c’est là que les choses se compliquent. En réalité, ce qui profite aux commerçants ne se traduit pas toujours par un avantage pour les consommateurs. L’accord donne en effet aux détaillants et aux restaurateurs la possibilité d’imposer de nouveaux frais supplémentaires pour certains types de cartes de crédit. Certains commerces appliquent déjà une «surcharge» aux clients qui ne paient pas en espèces, mais celle-ci était jusqu’ici limitée et identique pour toutes les cartes.
Les consommateurs seront peut-être lésés
A l’avenir, des frais additionnels pourraient s’appliquer notamment aux cartes «reward» dotées de programmes de «cash back» ou de miles aériens. Les commerçants doivent en effet payer davantage pour ces cartes auprès des réseaux. Pour eux, cela offrirait une meilleure maîtrise des coûts. Mais des observateurs craignent que les consommateurs ne finissent par payer plus cher au total et que le processus de paiement se complique, les vendeurs devant désormais informer chaque fois de la «surcharge».
S’ajoute à cela que les commerçants pourraient aussi choisir de refuser certaines cartes «reward». Jusqu’ici, ils étaient obligés d’accepter toutes les cartes d’un même réseau: signer un contrat avec Visa ou Mastercard signifiait accepter l’ensemble de leurs produits. La nouvelle règle permettrait de sélectionner. Mais pour éviter la confusion en caisse, les émetteurs devraient apposer des marquages visibles sur les cartes, une mise à jour qui pourrait prendre des années.
Interrogés, les détaillants suisses se montrent plutôt réservés. Coop déclare simplement qu’elle accepte «tous les moyens de paiement courants en Suisse» et laisse «le choix aux clients». Migros affirme qu’elle ne communique «ni chiffres ni frais», et qu’elle ne peut donc fournir d’informations supplémentaires.
Plainte contre Twint auprès de la Comco
En Suisse, les détaillants ont pourtant remporté récemment plusieurs victoires face à Visa et Mastercard concernant les cartes de débit. En juillet, la Commission de la concurrence (Comco) a imposé une réduction de la commission d'interchange moyenne des cartes Visa Debit à un maximum de 0,15%, après avoir déjà obtenu l’an dernier une baisse comparable à 0,12% pour Mastercard Debit.
Selon le dernier Swiss Payment Monitor, la carte de débit est aujourd’hui le moyen de paiement le plus utilisé dans les commerces suisses (33,3%), devant l’argent liquide (28,1%), la carte de crédit (22,4%) et Twint (11,3%). Ce dernier fait également l’objet de critiques de la part des détaillants, comme l'affirme la Swiss Retail Federation, qui regroupe environ 2300 commerces hors grands distributeurs:
Les frais facturés par Twint cette année seraient «souvent aussi élevés, voire plus élevés que ceux des cartes de crédit».
L’association a déposé en juillet une plainte auprès de la Comco. Malgré les récents accords avec Visa et Mastercard, elle estime qu’il existe en Suisse «un important besoin d’agir» et «un potentiel significatif de réduction des frais pour plusieurs moyens de paiement électronique».
Ces efforts visant à réduire les frais se traduiront-ils un jour par un avantage pour les consommateurs? Cela reste à voir.
