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Ils se sont fait des millions grâce à l'attaque du Hamas

RE'IM, ISRAEL - NOVEMBER 29: A man sits among a display of photos of people killed during Hamas' attack on the 'Nova' festival at the site on November 29, 2023 in Re'im, Israe ...
Un terrain près du kibboutz Re'im, où le Hamas islamiste a massacré des centaines de jeunes, le 7 octobre. Getty Images Europe

Ils se sont fait des millions grâce à l'attaque du Hamas

Une enquête révèle que, quelques jours avant l'attaque du Hamas sur Israël du 7 octobre, des investisseurs auraient parié sur ses effets sur l'économie israélienne - empochant des millions de dollars au passage.
05.12.2023, 18:5206.12.2023, 06:53
Lara Knuchel
Lara Knuchel
Lara Knuchel
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L'attaque du 7 octobre a pris la population et l'armée israéliennes totalement au dépourvu. Pourtant, certaines personnes ont été au courant à l'avance de la plus grande attaque contre des Juifs depuis la Seconde Guerre mondiale. Cette personne – ou ce groupe de personnes – a en effet parié sur les actions israéliennes sur les marchés locaux, mais aussi à Wall Street à New York, exactement cinq jours avant l'attaque.

C'est le constat des Américains Robert J. Jackson, Joshua Mitts et leurs collègues dans un papier récemment publié et intitulé «Trading on Terror». Les conclusions de ce document ont été reprises par le journal israélien Haaretz. Selon l'étude, peu avant le 7 octobre, on a assisté à une brusque augmentation de ce que l'on appelle les «ventes à découvert» d'actions israéliennes. La quantité de ces ventes à découvert a massivement dépassé celle de «nombreuses autres périodes de crise», écrivent les auteurs dans le document paru dimanche sur le site Social Science Research Network (SSRN).

Les auteurs de l'étude
Robert J. Jackson est professeur de droit à la New York University School of Law. Le démocrate fait en outre partie de la Commission américaine des valeurs mobilières et des opérations de bourse.

Joshua Mitts est professeur de droit à l'université de Columbia. Il s'est fait un nom en tant que spécialiste des ventes à découvert. Il est également familier du marché israélien.

Des centaines de milliers de ventes

Les ventes à découvert (en anglais: «shorting» ou «short selling») consistent à profiter d'actions qui, en réalité, ne vous appartiennent pas. Lors d'une vente à découvert, un participant au marché emprunte d'abord un certain nombre de titres. Lorsqu'il pense que les titres s'apprêtent à perdre de la valeur, il les revend à d'autres acteurs du marché. Plus tard, le «vendeur à découvert» rachète des actions de la même entreprise sur le marché – à un prix plus bas, si son hypothèse était correcte. Il peut ainsi rendre à la fin les actions empruntées et garder le bénéfice pour lui.

Selon Robert Jackson et son équipe, des indices montrent que quelqu'un «dans les cercles du marché boursier américain» a anticipé, début octobre, un événement en Israël qui entraînerait un crash des marchés boursiers. Concrètement, une personne – ou plusieurs – aurait effectué d'énormes quantités de ventes à découvert d'actions EIS.

EIS est un fonds négocié en bourse. Il reproduit les actions israéliennes à la bourse de New York. Le fonds offre ainsi la possibilité de miser sur les actions israéliennes sans acheter les différents titres – ils sont regroupés et représentés dans un fonds. L'EIS reproduit les principaux indices de la Bourse de Tel-Aviv, dont font partie de nombreuses entreprises israéliennes. Investir dans l'EIS revient donc, d'une certaine manière, à investir dans l'économie israélienne.

Le 2 octobre, le nombre de ventes à découvert EIS s'envole

Short Volume in EIS, September 1 to October 6, 2023
L'image montre le nombre d'unités EIS (en milliers) vendues via des transactions de vente à découvert.Image: Jackson, Mitts et al., SSRN 2023

Selon les auteurs de l'étude, le volume des transactions du 2 octobre était si important que cela ne ressemble pas à un simple pari dans le vent: environ 227 000 contre quelques milliers les jours précédents et suivants.

Plus de 17% de perte de valeur

Le «pari» s'est avéré payant pour les investisseurs: le 11 octobre – le premier jour où la bourse américaine a rouvert ses portes – la valeur de l'EIS a chuté de 7,1%. Mais ça ne s'est pas arrêté là: au cours des 20 jours suivant le massacre du Hamas, le fonds israélien a encore perdu 17,5%. Cela signifie qu'un commerçant qui avait emprunté des parts du fonds EIS et les avait revendues pour 54 dollars a pu racheter ces mêmes parts pour 44,5 dollars après le crash – et générer 9,5 dollars de profit par part (selon les calculs du journal Haaretz).

Comme l'écrivent maintenant les auteurs, les vendeurs à découvert ont enregistré des millions de dollars de bénéfices avec les parts qu'ils ont négociées. Les conclusions de l'étude se basent sur des données officielles de l'autorité américaine de surveillance des marchés financiers.

Selon les auteurs, il s'est passé la même chose à la Tel Aviv Stock Exchange (TASE), la seule bourse des valeurs d'Israël à Tel-Aviv: là aussi, les volumes de ventes à découvert ont été inhabituellement élevés, et ce dès le mois d'août. Le volume de trading a donc culminé peu avant l'attentat en Israël.

Le hasard est presque exclu

Selon les auteurs de l'étude, ce résultat ne peut guère être une simple coïncidence. Plusieurs détails indiquent que quelqu'un devait être au courant des événements à venir.

Tout d'abord, le nombre de ventes à découvert ce jour-là a dépassé celui qui a eu lieu pendant de nombreuses autres périodes de crise, y compris la récession qui a suivi la crise financière de 2008, la guerre entre Israël et Gaza en 2014 ou la pandémie de Covid.

Deuxièmement, les transactions ont eu lieu pendant les fêtes juives de Souccot. Un jour durant lequel, en général, il ne se passe rien de spécial et les bourses restent assez calmes.

Troisièmement, les ventes à découvert sont une affaire extrêmement risquée: si ce qui est attendu ne se produit pas et que l'action prend encore de la valeur, on peut perdre beaucoup d'argent. Par ailleurs, les transactions d'octobre ont été effectuées à un moment où les marchés étaient plutôt orientés à la hausse.

Finalement, les chercheurs américains ont découvert d'autres anomalies: des mouvements similaires de ventes à découvert de parts de l'EIS ont déjà eu lieu début avril.

«Le 3 avril, le volume des ventes à découvert dans l'EIS a atteint un pic très similaire au niveau observé le 2 octobre»

En effet, des rumeurs auraient alors circulé selon lesquelles le Hamas envisageait une attaque contre Israël. Comme l'écrit le journal Haaretz, des terroristes capturés en Israël ont informé que l'attaque devait avoir lieu le soir de Pessah (une autre fête juive), qui commence le 15 avril.

Pour l'instant, on ne peut que spéculer sur l'identité des personnes qui se cachent derrière ces transactions – il pourrait s'agir de personnes appartenant au cercle des combattants du Hamas, ou qui sont en contact avec le groupe islamiste. Seules des enquêtes menées par les autorités de poursuite pénale en Israël et aux Etats-Unis pourraient révéler qui a profité de ces ventes à découvert.

Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder

Gaza après les bombes
Video: watson
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