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Les prix du gaz baissent: mauvaise nouvelle pour Poutine

Les prix du gaz baissent et c’est une mauvaise nouvelle pour Poutine

Les prix du gaz baissent: mauvaise nouvelle pour Poutine
Poutine aurait-il misé sur le mauvais cheval?shutterstock/keystone
Ce n'est pas ce que l'autocrate russe avait prévu: le prix du gaz est bien retombé depuis le pic de septembre, malgré la guerre énergétique qu'il mène.
04.11.2022, 06:0404.11.2022, 09:02
Niklaus Vontobel et Florence Vuichard / ch media
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Ce n'est pas ce qu'il s'était imaginé, le président russe Vladimir Poutine. Lorsqu'il a commencé à mener une guerre économique cet été et qu'il a fait des exportations de gaz vers l'Europe une arme en les réduisant drastiquement, il a d'abord eu ce qu'il voulait. Mais à l'approche de l'hiver, l'offensive économique de l'autocrate venu du froid semble échouer aussi tranquillement que son offensive militaire en Ukraine. Les prix du gaz se sont effondrés en octobre. Qu'est-ce que Poutine a négligé?

En été et en septembre, tout s'est déroulé comme Poutine l'avait prévu. Les prix du gaz ont explosé, éclipsant même les chocs pétroliers des années 1970. Et mieux encore pour le président russe: les prix records du gaz ont également fait grimper les prix de l'électricité. En Suisse, la population a pu en constater les conséquences lorsque la commission de l'électricité Elcom a présenté les nouveaux tarifs début septembre. L'année prochaine, un ménage type paiera 27% de plus, voire le double en cas de malchance.

Poutine aurait peut-être dû plus longuement s'entretenir avec ses économistes. Ceux-ci auraient été les plus à même de lui dire comment sa guerre énergétique pourrait se terminer, écrit le Financial Times. Lorsqu'un bien devient plus cher, les gens ou les industries le consomment moins ou avec plus de parcimonie. Ou alors, ils se rabattent sur un produit de substitution quelconque. La demande diminue, dans le cas extrême, elle est carrément détruite – et les prix redescendent.

Ainsi, en Europe, la production d'ammoniac pour les engrais, très gourmande en gaz, a été temporairement suspendue, au profit d'une augmentation des importations en provenance des Etats-Unis. Dans la production d'électricité, le gaz a été remplacé par du charbon et des énergies renouvelables. Grâce à de telles mesures d'économie, petites ou grandes, et à des manœuvres d'évitement, la consommation de gaz a pu être nettement réduite en Allemagne par exemple.

Remontrances des économistes

Cela s'était profilé. Dès le mois d'août, le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) s'interrogeait: «L'industrie passera-t-elle quand même l'hiver sans le gaz russe?» L'article donnait la parole à des économistes qui avaient très tôt osé prédire que sans l'énergie russe, la situation serait certes difficile pour l'économie, mais supportable. Ils ont, toutefois, été violemment contrecarrés par les grands noms de l'économie. Le patron du groupe chimique BASF a mis en garde contre «la crise la plus grave depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale».

Mais alors que les économistes maugréaient encore, sans doute aussi pour inciter les politiques à prendre des mesures d'aide, le secteur était déjà passé à l'action depuis longtemps. Certains se sont approvisionnés en produits de substitution, en secret, pour ne pas effrayer la concurrence. On a fait des économies, on est passé du gaz au pétrole, etc. Les économistes, auparavant très critiqués, ont tout de même adressé un petit reproche à l'industrie. Ils ont fait savoir par l'intermédiaire du FAZ qu'ils n'avaient pas l'intention d'augmenter les prix:

«Il aurait été possible de faire beaucoup plus si l'industrie avait commencé à travailler à haute pression plus tôt, au lieu de faire d'abord du lobbying.»

Une question de température

Les économistes et les experts en énergie prévoient même une nouvelle baisse des prix du gaz à court terme, chez Goldman Sachs ils affirment:

«Les prix du gaz naturel vont baisser de 30% dans les mois à venir»

Les raisons de ces hypothèses sont d'abord le temps doux. Le mois d'octobre relativement chaud a sensiblement retardé le début de la saison de chauffage – et par conséquent aussi la consommation de gaz.

Deuxièmement, Goldman Sachs évoque le rythme élevé de la livraison d'alternatives, notamment le transport par bateau de gaz liquéfié vers l'Europe. «Les réservoirs en Europe sont maintenant bien remplis», déclare également René Baggenstos, chef de la société de conseil en énergie Enerprice.

Le temps doux et la mise en place d'alternatives ont contribué à dissiper les craintes d'une crise hivernale. «Une certaine détente est effectivement perceptible», déclare Thomas Hegglin de l'Association suisse de l'industrie gazière (Asig). Cela se reflète à son tour dans la baisse des prix sur le marché du gaz à court terme. Et selon Goldman Sachs, cette baisse ne devrait pas encore être terminée: la banque de Wall Street s'attend à ce que le prix du gaz européen passe d'environ 120 euros aujourd'hui à 85 euros par mégawattheure au premier trimestre 2023.

Après l'hiver, c'est avant l'hiver

Mais même si cet hiver se déroule sans heurts: les prix du gaz devraient à nouveau augmenter par la suite – au plus tard l'été prochain, lorsque tous les pays tenteront de remplir leurs réservoirs de gaz, probablement assez vides d'ici là, pour l'hiver 2023-2024. Les experts de Goldman Sachs prévoient un prix du gaz de près de 250 euros par mégawattheure à la fin du mois de juillet.

Il y a un autre indice qui montre que le problème est loin d'être résolu et que les prix vont à nouveau augmenter: aujourd'hui – et c'est tout de même assez exceptionnel – les prix du gaz sur le marché spot à court terme sont nettement plus bas que ceux sur le marché à moyen terme, comme l'explique Hegglin. En d'autres termes: pour une fois, le gaz est moins cher pour les jours froids d'hiver que pour les mois chauds d'été. Car c'est à ce moment-là que les réservoirs vides doivent être remplis: et cela sera très exigeant, dit Baggenstos.

«Car en 2023, nous ne commencerons pas seulement en août, mais dès le début sans le principal fournisseur de gaz»

C'est-à-dire sans la Russie. La chute à court terme des prix du gaz sur les marchés à terme devrait également avoir un effet positif sur la facture de chauffage de certaines entreprises et peut-être aussi des ménages, ajoute Baggenstos. Mais selon lui, cela dépend de la stratégie d'approvisionnement du fournisseur.

Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder

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