La première sanction internationale infligée à la Russie en rétorsion à son invasion de l'Ukraine survenait le 27 février. Depuis, une série d'autres punitions toujours plus restrictives a afflué. Lesquelles n'ont, néanmoins, pas empêché le Kremlin d'user de moult parades pour les contourner. Du moins, jusqu'à ce week-end au cours duquel les événements ont semblé prendre un tournant historique.
Dans la soirée de dimanche 26 juin, environ 100 millions de dollars de paiements de deux obligations dues au 27 mai 2022 n'avaient toujours pas été versés en devises étrangères par la Russie, a rapporté lundi The guardian. Le délai de 30 jours ayant été dépassé, le gouvernement de Vladimir Poutine pourrait être sur le point de déclarer un défaut sur sa dette internationale. Si tel était le cas, ce serait la première fois depuis 104 ans. Le conditionnel demeure toutefois de mise.
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Seules les agences internationales de notation sont officiellement aptes à déterminer le défaut de paiement d'un pays. Difficile de faire appel à elles sur la question russe depuis que les sanctions européennes ont induit le retrait de toute entité de notation sur les terres de Poutine. Elles peuvent, cependant, encore intervenir à la demande d'au moins 25% des détenteurs des obligations en circulation.
Mais comme l'avance Takahide Kiuchi, économiste au Nomura research institute de Tokyo s'étant entretenu avec Bloomberg, «la plupart des détenteurs d'obligations opteront pour l'approche attentiste». En clair, certains d'entre eux préféreront suivre l'évolution de la guerre dans l'espoir que les sanctions soient éventuellement assouplies. Les créances ne devenant caduques que trois ans après la date de paiement, selon les documents de cautionnement que s'est procuré le média américain, le temps pourra peut-être jouer en leur faveur. Ce qui pousse, par ailleurs, de nombreux experts à faire le choix de la prudence dans leurs rapports à propos du défaut de paiement potentiel de la Russie.
D'une part parce que seule une petite partie de la dette nationale est entre les mains de créanciers étrangers. En ce sens, les conséquences à moyen terme sont difficiles à prévoir. D'autre part parce qu'à y observer de plus près, le ratio de la dette totale par rapport à la production économique est actuellement d'environ 20%. Ce qui représente, du point de vue de ces experts, un taux plutôt faible compte tenu des normes internationales. C'est, d'ailleurs, un argument férocement défendu par Moscou.
La Russie a réfuté tout défaut de paiement qui se produit généralement lorsqu'un gouvernement refuse sciemment de payer ses dettes ou que ses économies ne le lui permettent pas. Le pays, qui a déclaré être capable et pleinement disposé à rembourser sa dette aux créanciers occidentaux, se serait vu empêché de le faire. Fin mai, la Russie avait en effet prévu de régler ses dettes, mais en roubles. Ce qui a rendu le versement aux créanciers impossibles dû aux sanctions européennes.
Les analystes de Dekabank, interviewés par Keystone-ATS, estiment, par conséquent, que ce défaut de paiement «imminent» s'apparente davantage à quelque chose de symbolique. Le but étant d'influer sur le prestige du Kremlin rendu – contre son gré – incapable de tenir ses promesses autant que ses responsabilités.
Faire défaut à ses dettes internationales restreindrait l'accès de la Russie aux réseaux bancaires internationaux qui traitent les paiements du pays aux investisseurs du monde entier, précise BBC. Une situation que le gouvernement russe n'a pas connue depuis plus d'un siècle, lorsque les bolchéviques sous Vladimir Lénine ont répudié l'énorme endettement de la nation à l'époque tsariste en 1918.