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Salaires en Suisse: «Ils devraient bientôt augmenter»

Salaires, vers une augmentation? Giovanni Ferro-Luzzi.
La restauration et l'hôtellerie, un secteur «assez compliqué», estime l'économiste Giovanni Ferro-Luzzi.keystone (montage watson)

«On devrait voir prochainement une augmentation des salaires»

Selon la dernière étude de l'OFS, l'évolution des salaires est stable ou en légère augmentation depuis 2008. Des chiffres réels, mais qui ne prennent pas en compte l'inflation et le renchérissement menant à la paupérisation de certaines strates de la société. Nous sommes allés en discuter avec un économiste.
19.03.2024, 18:4920.03.2024, 09:47
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Mardi matin, l'Office fédéral de la statistique (OFS) présentait son rapport biannuel sur l'état des salaires en Suisse. Un document complet axé sur l'année 2022 et qui indique une stabilité des salaires depuis 2008, une réduction lente, mais certaine du fossé salarial entre les hommes et les femmes et des différences salariales élevées entre les hommes et les femmes.

Si l'OFS était accompagné d'un représentant du patronat et d'un des syndicats pour présenter ces chiffres, il s'agit bien d'une démarche non partisane, destinée à dresser un état des lieux de l'évolution des salaires en Suisse.

Il n'empêche, ces conclusions pourront peut-être surprendre les citoyens les plus pauvres, qui peinent à joindre les deux bouts depuis le Covid et particulièrement depuis l'inflation qui a frappé la Suisse depuis 2022, dans le sillage de la guerre en Ukraine et des sanctions prises contre la Russie.

Pour nous éclairer sur le sujet, nous avons interrogé Giovanni Ferro-Luzzi, professeur d'économie à l'Université ainsi qu'à la Haute école de gestion de Genève.

Giovanni Ferro Luzzi, professeur a l'Universite de Geneve et a la Haute ecole de gestion de la HES-SO Geneve, s'exprime lors d'une conference de presse sur le bilan final de l'oper ...
Giovanni Ferro-Luzzi lors d'une conférence de presse, en 2020.KEYSTONE

Si on en croit le rapport de l'OFS, les salaires sont stables ou en augmentation légère depuis 2008. Comment expliquer la différence avec la paupérisation actuelle de la société?
C'est un problème concret. Premier élément à noter: il s'agit ici des salaires de 2022 et il y a un effet de retard par rapport à l'inflation subie depuis cette période.

«Mais les deux éléments sont vrais en même temps: les salaires ont un peu augmenté nominalement et dans le même temps, la paupérisation est réelle et existe bel et bien»

Comment l'expliquer?
Le salaire cité est nominal, c'est-à-dire celui que l'on reçoit sur son compte en banque. On peut lui opposer le «salaire réel», lié au pouvoir d'achat et qui tient compte que l'évolution des prix. En comparant le salaire nominal et l'indice des prix à la consommation, qui a augmenté récemment, on peut voir si son pouvoir d'achat augmente ou diminue. Le salaire réel a déjà diminué de 0,8% dans la période 2020-2022 et il faudra voir la prochaine étude de l'OFS pour constater à quel point il a diminué ces deux dernières années.

En utilisant la médiane et pas la moyenne comme outil de calcul, cela fait une différence, non?
Oui, la médiane ne va pas montrer les valeurs extrêmes.
Une moyenne serait biaisée par les salaires trop élevés.

«Cela donnerait une fausse image d'une valeur centrale et ne dit rien de concret sur les inégalités»

Les autorités nous gratifient-elles d'un genre de «tout va très bien, madame la Marquise»?
Non, car en principe, l'OFS n'a pas à porter de jugement et c'est un organisme indépendant du pouvoir politique. Et puis ces données reflètent bien le paysage économique suisse, puisqu'elles viennent des entreprises directement. Ce n'est pas son but de donner à tout prix une bonne image de l'économie. S'il y avait eu une diminution ou un écartement des inégalités, cela aurait été mentionné.

Le pouvoir d'achat et le salaire réel sont donc en baisse. Comment contrer cela?
En augmentant les salaires. On devrait voir prochainement des ajustements et réajustements de salaires nominaux, notamment dans les secteurs conventionnés et le public. Il s'agit de mécanismes d'ajustement à l'inflation. Après, la question se pose: doit-on juste couvrir la hausse des coûts ou bien suivre l'évolution de la productivité et se partager le gâteau en conséquence?

«Car il y a malheureusement des différences très nettes entre les secteurs et les métiers»

Par exemple?
Je pense aux métiers où il y a une suroffre et il est difficile de négocier un bon salaire, et où les syndicats ne sont pas assez puissants pour avoir un effet de levier bénéfique aux travailleurs. Les syndicats protègent plutôt bien les métiers de l'industrie, par exemple. Mais prenez les métiers du nettoyage ou du déménagement, qui sont particulièrement précaires, très pénibles et mal payés, c'est plus délicat.

«Dans le secteur privé, la question se pose toujours de savoir qui tient le couteau par le manche»

Dans des métiers avec des pénuries de main-d'œuvre où l'employeur n'a pas l'embarras du choix pour recruter, il est plus simple de négocier des compensations pour le pouvoir d'achat.

Il y aussi des secteurs qui comptent les deux, non?
Oui: prenez la restauration et l'hôtellerie. C'est un secteur assez compliqué. Il y a des tensions de tous les côtés, la pénibilité y est plutôt élevée et les rémunérations basses. Il y a une situation de pénurie pour certains métiers, comme les maîtres d'hôtel ou les cuisiniers, qui leur profitera pour négocier leur salaire. De l'autre côté, les hôtels seront empruntés, car ils n'auront pas assez d'argent pour employer convenablement ces employés, mais en auront besoin. Pour d'autres métiers, comme la plonge, il a une suroffre et le métier sera tout de même pénible. Cela se couple à la thématique des frontaliers, qui viendront faire le même travail pénible de l'autre côté de la frontière pour le double du salaire. C'est le cas notamment au Tessin et en Suisse romande.

Depuis 2022, la Suisse a plutôt bien réussi à gérer l'inflation et le renchérissement, sans l'éviter complètement. Va-t-il augmenter ces prochains mois?
En principe, l'inflation est sous contrôle en ce moment. Les experts et les marchés l'anticipent à moins de 2%. Ce n'est pas pour rien que Thomas Jordan a décidé de quitter la BNS en ce moment: l'inflation est sous contrôle, tout comme les taux de change et la politique monétaire. Il ne faut aussi pas oublier que durant une douzaine d'années, on a fait face à une inflation négative avec des prix qui diminuent, ce qui a promu l'augmentation du pouvoir d'achat. Le franc suisse renforcé a permis d'améliorer les importations et le tourisme des Suisses à l'étranger.

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Video: watson
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