Ce lundi à Kaboul, des talibans ont scandé des chants victorieux, près de l’ancienne ambassade américaine. «Nous avons rempli l’obligation du jihad et libéré notre pays», résume Niamatullah Hekmat, un combattant taliban entré à Kaboul le 15 août 2021. «C’est le jour de la victoire et du bonheur pour les musulmans et le peuple afghan. C’est le jour de la conquête et de la victoire du drapeau blanc» de l’Emirat islamique, a déclaré sur Twitter le porte-parole du gouvernement, Bilal Karimi.
Mais un an après leur prise de pouvoir, quel bilan pour les talibans et les Afghans? Réponse en 3 points.
«La vie des Afghans a totalement basculé le 15 août 2021. Aujourd'hui, ils meurent de faim et le pays est plongé dans l'une des pires crises humanitaires au monde», relate Fereshta Abbasi, spécialiste de l'Afghanistan pour l'ONG Human rights watch, cité par la chaîne France24.
Selon l'ONU, 95% de la population ne mange pas à sa faim. «Une situation précipitée par le gel des avoirs de la Banque centrale afghane aux Etats-Unis et les sanctions internationales qui ont mis l'économie du pays à l'arrêt», explique France24.
Le pays ne peut plus compter sur l’aide humanitaire qui constituait 80% de son budget. Résultat, l’économie s’est effondrée. Le paradoxe est que les vivres ne manquent pas, mais que l’argent manque aux Afghans pour se les procurer.
Toujours selon France24, «l'exode massif de la population afghane est loin d'être une nouveauté. Après quatre décennies de conflit, l'Afghanistan est l'un des pays qui compte le plus de réfugiés au monde. Selon l'Organisation des nations unies (ONU), ils seraient 2,6 millions, mais ce chiffre serait sous-évalué, selon plusieurs experts. La panique provoquée par l'offensive éclair des talibans sur Kaboul a amplifié le phénomène, accélérant de fait le départ pour l'étranger des Afghans les mieux formés. Une fuite des cerveaux qui a rapidement inquiété les talibans dont beaucoup sont issus de régions rurales et n'ont aucune qualification pour gouverner».
Les nouveaux talibans seraient-ils plus «progressistes» que les prédécesseurs des années 1990?, se demandaient certains en Occident il y a un an. La réponse, manifestement, est «non». Comme le déclare à BFMTV Myriam Benraad, professeure en relations internationales à la Schiller international university, auteure de Terrorisme, les affres de la vengeance (2021):
Les femmes ont été écartées des postes de fonctionnaires, des collèges et des lycées, interdites de voyager sans accompagner un homme, etc. Dernièrement, le port du voile intégral en public a été rendu obligatoire pour elles, poursuit le site français.
Avant le retour des talibans au pouvoir, «on avait quand même une situation très dégradée» pour les femmes afghanes explique Myriam Benraad, toujours citée par BFMTV. Le régime taliban avait été renversé en 2001 par l'intervention américaine, mais «depuis dix ans ils se réimplantaient dans les régions rurales où ils avaient réimposé leur idéologie». La professeure souligne que ces territoires ruraux sont plus conservateurs, plus aptes à entendre le discours des talibans, que les zones urbaines.
Si, sur un plan sécuritaire, le retour des talibans au pouvoir semble signifier plus de sécurité pour les citoyens, notamment dans leurs déplacements dans le pays, les nouveaux maîtres de l’Afghanistan font face à la menace de Daech (l’Etat islamique), un groupe concurrent en termes de fondamentalisme islamique. La propagande de Daech veut faire passer les talibans pour inféodés aux Etats-Unis. Vendredi 5 août, à dix jours de l’anniversaire de la prise de pouvoir talibane à Kaboul, un attentat dans le quartier chiite de la capitale Kaboul, revendiqué par Daech, a fait huit morts.
«Le nombre d’attentats a diminué en Afghanistan depuis que les talibans ont pris le pouvoir il y a près d’un an, mais une série d’attaques meurtrières à la bombe, dans lesquelles des dizaines de personnes ont trouvé la mort, a frappé le pays fin avril, pendant le mois saint du ramadan, et aussi fin mai», relève le quotidien La croix.
La plupart des attaques meurtrières ont été revendiquées par Daech, qui vise principalement les minorités religieuses afghanes chiite, soufie et sikhe. Le groupe terroriste considère notamment la minorité chiite comme hérétique. Les talibans assurent avoir vaincu Daech dans le pays, mais les analystes estiment que le groupe extrémiste constitue toujours le principal défi sécuritaire pour le nouveau pouvoir afghan, ajoute le journal français.
Quant à al-Qaïda, une organisation terroriste antérieure à Daech, à l’origine des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis et de la guerre menée sitôt après par les Etats-Unis en Afghanistan contre les talibans, accusés d’avoir hébergé al-Qaïda, elle est toujours présente sur le sol afghan. Preuve est l’exécution par les Etats-Unis, dans la nuit du 1er au 2 août, à Kaboul même, au moyen d’un drone, de son chef Ayman al-Zawahiri.
«Les talibans n’ont jamais rompu avec Al-Qaida», selon La Croix, pour qui «la mort d’Ayman Al Zawahiri au cœur de Kaboul illustre l’ambiguïté du nouveau régime vis-à-vis des groupes terroristes».
(amn avec les agences, France24, BFMTV et La Croix)