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L'Allemagne lutte pour que Poutine ne prenne pas la Moldavie

Annalena Baerbock à Bucarest : la ministre des Affaires étrangères promet solidarité et argent, mais n'a pas grand-chose d'autre à offrir pour protéger la Moldavie de la Russie
Annalena Baerbock à Bucarest : la ministre des Affaires étrangères promet solidarité et argent, mais n'a pas grand-chose d'autre à offrir pour protéger la Moldavie de la Russieimage: keystone

Comment l'Allemagne fait tout pour que Poutine ne dévore pas la Moldavie

Vladimir Poutine ne veut pas la paix et les sanctions contre la Russie ont encore peu d'effet. Avec une France affaiblie sur le front intérieur, les Allemands prennent le rôle de leader.
19.07.2022, 18:58
Patrick Diekmann, Bucarest / t-online
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La situation provoquée par la guerre en Ukraine ne sera pas facile à naviguer, de nombreux politiciens occidentaux l'ont compris dès le début. Vladimir Poutine poursuit sa guerre d'agression sanglante en Ukraine, malgré les problèmes militaires pour l'armée russe et les sanctions contre le pays.

Le chef du Kremlin mise sur le fait qu'il aura davantage de souffle que l'alliance occidentale. Alors que le régime russe étouffe toute critique, y compris celles venant de sa population, l'Allemagne et l'Europe tremblent devant une pénurie de gaz et une méga-inflation. Et Poutine y voit un avantage.

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Le conflit ukrainien se trouve dans une phase où l'alliance occidentale doit consolider son cap vers une solidarité durable avec l'Ukraine et les Etats menacés par la Russie. Lors de sa visite en Roumanie, la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock (Verts), apportait son soutien à la Moldavie, qui risque de s'effondrer en raison de sa déstabilisation. Mais Baerbock doit se battre sur plusieurs fronts, car en Allemagne aussi, les sanctions contre la Russie ne font plus l'unanimité au sein de la population.

Pour la ministre, il s'agit actuellement de resserrer les rangs au niveau international lors de la conférence sur la Moldavie à Bucarest et au niveau national, en Allemagne. Pour cela, il faut mettre fin au mode «panique», car ce sont les nombreuses peurs en Europe qui font que la solidarité avec l'Ukraine s'effrite quelque peu. Il est clair que Poutine profite de ces craintes pour ses objectifs politiques, mais personne en Occident ne peut dire actuellement si ces craintes sont vraiment justifiées. En effet, si la guerre d'agression du président russe a mis une chose en valeur, c'est imprévisibilité de Poutine.

La Moldavie tremble face à Poutine

A Bucarest, la ministre allemande des Affaires étrangères a rencontré au moins une unanimité sur un principe: la Roumanie, pays hôte, ainsi que l'Allemagne, la France et de nombreux autres pays sont d'accord sur le fait qu'il faut soutenir la Moldavie contre Poutine. Une chose est claire, la petite république souffre, elle aussi, énormément de l'agression russe en Ukraine.

Baerbock à la conférence des donateurs à Bucarest
Baerbock à la conférence des donateurs à Bucarestimage: keystone

Une partie du territoire de la Moldavie – la Transnistrie – est actuellement occupée par l'armée russe. Il est donc compréhensible que l'on craigne que le pays devienne la prochaine victime de la politique d'expansion violente de Poutine. Selon le gouvernement de Chisinau, l'armée russe tenterait d'ores et déjà de recruter des soldats en Moldavie.

Même si aucun char russe n'a encore attaqué la petite république, le pays est déstabilisé depuis longtemps. En effet, la Moldavie se voit confrontée à de graves perturbations économiques depuis le début de la pandémie Covid-19, et la menace russe dissuade les entreprises d'investir dans le pays.

La Moldavie compte parmi les pays les plus pauvres d'Europe, l'inflation est supérieure à 30% et les professionnels et les élites intellectuelles quittent le pays par peur d'une attaque russe. En outre, 70 000 Ukrainiens ont entre-temps fui vers la petite république.

Annalena Baerbock: en mars déjà, elle s'est rendue en Moldavie et a rencontré des réfugiés à la frontière avec l'Ukraine.
Annalena Baerbock: en mars déjà, elle s'est rendue en Moldavie et a rencontré des réfugiés à la frontière avec l'Ukraine.image: imago

Résultat? La Moldavie est, elle aussi, attaquée, victime de Poutine dans une guerre hybride. La république est actuellement un pays en panique et l'Occident tente de permettre au gouvernement local de sortir de cette crise en le soutenant.

L'Allemagne prend les devants

Ce «deuxième» front dans le conflit ukrainien ne pouvait pas être ignoré. La réunion de Bucarest a tout de même permis de réunir 600 millions d'euros de soutien dans différents domaines pour la Moldavie. Ce soutien a une fonction double:

  • D'une part, cet argent est nécessaire pour que le pays ne se brise pas en fin de compte à cause de la situation actuelle.
  • D'autre part, c'est aussi un signal fort envoyé à Poutine.

Le fait que la Moldavie soit devenue candidate à l'adhésion à l'UE en même temps que l'Ukraine est néanmoins avant tout un symbole. Car en principe, tant l'UE que la Moldavie savent que cette dernière doit encore mettre en œuvre de nombreuses réformes avant de rejoindre l'Union, notamment en matière de lutte contre la corruption.

Annalena Baerbock a déclaré à Bucarest:

«Le statut de candidat à l'UE permet de souligner: Nous ne laissons aucun pays, aussi petit soit-il, aussi forte soit la pression, notamment de la Russie, seul dans cette situation difficile».

La ministre allemande des Affaires étrangères prend les rênes du soutien à ce petit pays. En effet, sur le plan diplomatique, il était tout de même frappant que la ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, ne se soit pas rendue en personne à la conférence, mais ait seulement envoyé sa secrétaire d'Etat.

Problèmes intérieurs en France

Après les élections législatives, la France doit faire face à de gros problèmes de politique intérieure. Le fait que la ministre française des Affaires étrangères ne se soit pas rendue à Bucarest est un mauvais présage – en Europe, c'est surtout l'axe Berlin-Paris qui est essentiel dans la lutte contre Poutine.

Donc si la France est affaiblie sur le plan intérieur, cela signifie automatiquement une plus grande responsabilité pour l'Allemagne. L'objectif est de renforcer encore l'unité et la solidarité au sein de l'alliance occidentale. Pour citer Annalena Baerbock: dans la question de la Moldavie, il s'agit de «faire front commun» contre les déstabilisations en provenance de Moscou.

«Nous sommes unis»
Annalena Baerbock

Il y a, cependant, un autre front sur lequel l'Allemande doit se battre et il se situe en Allemagne. La guerre en Ukraine marque un tournant qui va également affecter la prospérité de nombreux citoyens allemands. C'est pourquoi la crainte y règne également face à la hausse des prix du gaz, au froid en hiver, à un effondrement économique ou à une troisième guerre mondiale. Nombre de ces inquiétudes sont certes justifiées, mais la question de savoir si l'on en arrivera vraiment là est exclusivement entre les mains de Vladimir Poutine.

Deux positions s'opposent au sein du gouvernement fédéral au sujet de nombreuses questions: la prudence ou une action ferme? C'est surtout le chancelier Olaf Scholz (SPD) qui souhaite plutôt agir avec modération. Sa ligne de conduite? L'Allemagne ne fait rien que les Etats-Unis et les autres partenaires occidentaux ne fassent pas. Avec cette ligne directrice, il rejoint probablement l'opinion majoritaire , mais cela pose aussi des problèmes.

Désaccord sur la question des chars

Ces hésitations et cette attente ont pour conséquence de repousser des problèmes que l'Occident doit de toute façon confronter. Prenons l'exemple des livraisons de chars: il est clair que l'Ukraine ne perd pas seulement de nombreux soldats dans la guerre, mais qu'elle arrivera aussi à un moment où l'armée sera à court de chars de combat et où l'Occident ne disposera plus de matériel de conception soviétique à livrer. Que se passera-t-il alors?

Le gouvernement fédéral et l'alliance occidentale évitent actuellement de répondre à cette question. Même Annalena Baerbock l'a esquivée lors de la conférence de presse à Bucarest, soulignant que l'Allemagne fournirait des obusiers blindés. Mais il est en principe clair depuis longtemps que les Verts de la coalition en feu tricolore au pouvoir chez notre voisin soutiendraient également l'Ukraine avec des chars.

Annalena Baerbock préserve la paix de la coalition en Roumanie, mais explique également que l'Espagne souhaiterait donner des chars Leopard 2 à l'armée ukrainienne. Les Ukrainiens sont, désormais, invités à inspecter ce matériel. Cela augmente également la pression sur Scholz, car l'Allemagne devrait donner son accord pour une livraison.

L'Allemagne à la tête des opérations

En fin de compte, la République fédérale se retrouve de plus en plus dans un rôle de leader international dans la crise ukrainienne. En politique intérieure, la France se dirige vers un avenir plus agité, le président américain Joe Biden est lui aussi au plus bas dans les sondages en amont des élections de mi-mandat de novembre; et on ne sait absolument pas qui gouvernera le Royaume-Uni à partir de septembre. Sur le plan politique, l'Occident traverse une période orageuse qui ne profite finalement qu'à une seule personne: Poutine.

Scholz et Baerbock en particulier devront travailler dur pour que, malgré ces nombreuses secousses politiques, l'unité dans la lutte contre la Russie ne se fissure pas. Malgré une conférence sur la Moldavie en Roumanie globalement réussie sur le plan du contenu, cela reste néanmoins une tâche colossale pour la ministre des Affaires étrangères.

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