Les adversaires choisissent souvent de s'envoyer des noms d'oiseau au visage quand plus rien ne va. D'autres, étonnamment, décident de jouer avec la nourriture. Ce fut le cas, lundi en Allemagne, entre deux adultes aux responsabilités plutôt capitales en ce moment: l'ambassadeur ukrainien Andrij Melnyk et le chancelier allemand Olaf Scholz. Au menu? Le débat archi-sensible du voyage officiel à Kiev des dirigeants allemands. Oui, rien que ça.
La foire d'empoigne n'est pas nouvelle, mais la polémique gagne tous les jours un peu plus de mauvaises graisses diplomatiques. Aux origines de la baston, la proximité du président allemand avec la Russie de Poutine. Alors que Frank-Walter Steinmeier comptait se rendre à Kiev, comme quasiment tous les élus de planète, l'entourage de Zelensky a surpris tout le monde en mettant les pieds au mur au début du mois d'avril:
Le président de la République fédérale serait purement et simplement classé dans la catégorie de «ceux qui comprennent Poutine». Les fameux «Putin-Versteher». «J’étais prêt à y aller, mais apparemment ce n’était pas souhaité à Kiev et j’en prends acte», s'était-il contenté de répondre, manifestement vexé. On ne lui pardonnerait pas «son compagnonnage avec l’ancien chancelier social-démocrate, Gerhard Schröder, embauché par le géant russe Gazprom trois semaines après son départ du gouvernement, en 2005», comme le racontait Le Monde.
En gros, Zelensky veut bien accueillir un officiel allemand, mais ce sera le chancelier Olaf Scholz ou rien. Malaise! Le repas partagé en tête-à-tête par Berlin et Kiev est décidément d'une froideur de plus en plus indigeste pour tout le monde.
S'il est vivement désiré à Kiev, le chancelier marchait sur des oeufs depuis quelques jours. Pas question de doubler le président par la droite, ni de céder à quoique ce soit trop facilement. Lundi soir sur la chaîne ZDF, Olaf Scholz a déclaré officiellement ne pas vouloir se déplacer dans la capitale ukrainienne tant que Frank-Walter Steinmeier serait recalé à la frontière. Malaise! (Bis.)
Une décision qui a scandalisé l'ambassadeur d'Ukraine en Allemagne Andrij Melnyk. Répondant à son interlocuteur dans la presse allemande, il a d'abord rappelé sèchement que «la guerre, ce n’est pas un jardin d’enfants. Il s'agit de la guerre de destruction la plus brutale depuis l'invasion de l'Ukraine par les nazis». Pour ensuite utiliser une célèbre pique locale:
En allemand? «Beleidigte Leberwurst». Un idiome plus ou moins intraduisible, mais assez facilement compréhensible. L'ambassadeur n'a pas du tout apprécié que le très officiel chancelier trouve le temps d'être vexé, alors que l'Ukraine est agressée du matin au soir par l'armée de Poutine. Olaf Scholz a, depuis, répondu à la «saucisse» de Monsieur Melnyk en défendant une nouvelle fois le président allemand: «Ce n'est pas une façon de traiter le président d'un pays comme l'Allemagne, qui a apporté une aide financière et militaire considérable.»
Pour rappel, lundi et après deux mois de tensions en Europe, l'Allemagne a donné son feu vert à un embargo sur le pétrole russe.