Le président américain ne semble pas tirer les leçons de ses erreurs. Il a déjà laissé courir plusieurs ultimatums adressés à la Russie, sans résultats.
Le doigt menaçant de Trump pointé vers le dirigeant du Kremlin ne fait donc plus peur à personne, et Poutine peut désormais partir du principe que le républicain ne lui mettra pas une pression ingérable afin qu'il mette un terme à la guerre en Ukraine.
Comme lors des précédentes tentatives de négociation, Washington coupe l'herbe sous le pied de ses alliés en amont. Le vice-président Vance a publiquement déclaré que les Etats-Unis ne soutiendraient plus l'Ukraine et que les Européens pourraient certes fournir et payer des armes américaines pour Kiev, mais sans rien attendre de Washington directement.
Il va sans dire que ce n'est pas comme ça que l'on construit une menace crédible face à Poutine.
En conséquence, le Kremlin se frotte les mains: son homme fort a beau être recherché par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre présumés, Trump, naïf, estime judicieux de l'inviter chez lui, lui accordant au passage une bonne dose d'importance. Poutine n'a donc rien à perdre en se rendant en Alaska vendredi.
Sur le front, tout va aussi très bien pour la Russie: une percée dans la région de Donetsk met l'adversaire fortement sous pression. La conquête de villes importantes comme Pokrovsk, Kostyantynivka, Kramatorsk et Sloviansk se rapproche. Le Kremlin espère ainsi convaincre Trump du caractère désespéré de la position ukrainienne.
Poutine va réitérer ses revendications bien connues: la cession de quatre régions à la Russie et la mise en place à Kiev d'un gouvernement fidèle à Moscou. Il accepterait par ailleurs un cessez-le-feu si le camp adverse se retirait de son plein gré de Donetsk.
Volodymy Zelensky devrait dire non à ces demandes, sans que cela ne porte trop à conséquence pour Poutine, qui ne souhaite en réalité pas terminer la guerre. Il est en effet sur le point de remporter une bataille importante, voire décisive. Et si Zelensky refuse, Trump et Poutine pourront rejeter la faute sur les Ukrainiens.
L'objectif du président russe est clair: éloigner Trump des Européens autant que possible, ce qui revient à torpiller les relations transatlantiques. Voilà pourquoi ni les Européens ni Zelensky ne participent aux négociations en Alaska. Va-t-on tenter d'imposer aux Ukrainiens une paix dictée et désavantageuse? Ou bien la rencontre se soldera-t-elle par un échec? Kiev sera-t-elle au final tenue pour responsable de la poursuite du conflit? Tout cela se précisera sans doute vendredi et samedi.
Un résultat favorable à l'Ukraine demeure peu probable. L'idéal: un cessez-le-feu immédiat, le gel du front et des garanties de sécurité empêchant une nouvelle offensive ennemie. A ces conditions, la population serait peut-être prête à accepter des pertes territoriales. Mais ce ne sont que des vœux pieux.
Trump parle vaguement d'un échange de territoires, sans mentionner qu'il s'agit en réalité d'une cession d'une partie de l'Ukraine à la Russie. Tout ce qui reste à déterminer, c'est la surface que Poutine peut espérer récupérer.
Les Européens seraient alors les premiers à supporter les conséquences d'un tel «échange» offrant une victoire symbolique à Poutine. De quoi ouvrir l'appétit à Poutine et aux autres Etats qui souhaitent modifier les frontières par la force.
Il est donc fort probable que Poutine, grisé par sa victoire, intensifie son combat hybride contre le Vieux Continent. Les pays baltes et la Moldavie seraient alors probablement les prochaines étapes d'une guerre qui ne dit pas son nom.
Dans une Ukraine en ruines, une bonne partie de la population n'aurait plus d'avenir. L'Europe devrait par conséquent absorber un afflux massif de réfugiés si Kiev perdait la guerre. Mais les Européens continuent à faire preuve de mollesse. Le chancelier Merz trouve certes toujours les mots justes, mais ensuite, rien ne bouge. Ou alors, beaucoup trop tard.
(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)