Beaucoup diront que l'on n'a vu que lui au coup de sifflet final de la Coupe du monde au Qatar. Très (très) expansif durant la rencontre, il s'est ensuite rué sur la pelouse pour consoler les Bleus après leur défaite face à l'Argentine.
Les quelques clichés de Macron enlaçant Mbappé ont d'ailleurs été les plus critiqués, si l'on en croit l'abondance de moqueries qui se sont déversées sur les réseaux sociaux. «Nous ne sommes jamais totalement objectifs au moment d'assister à une scène ou de regarder une image. L'opinion que l'on a de la personne ne disparaîtra jamais», nous prévient d'emblée Olga Ciesco, experte française en langage corporel.
Parler de moqueries est d'ailleurs un euphémisme, puisque les internautes l'ont affublé d'adjectifs aussi peu reluisants que «honteux», «déplorable», «vulgaire», «opportuniste», «déshonorant». Ce ne fut pas plus glorieux du côté des adversaires politiques: «ridicule» pour le Rassemblement national (RN), «inopportun» pour le Parti socialiste (PS).
Beaucoup considèrent aussi que le président a forcé la main à la star des Bleus. «Ces critiques me dérangent. Ici, on a surtout affaire à un président qui dévoile son côté humain et spontané. Quand on se touche, c'est qu'on est proche ou que l'on a la volonté d'ouverture. En Europe, nous sommes un peu plus coincés qu’ailleurs, au niveau du corps», analyse Olga Ciesco.
Doit-on y voir aussi de la comm' politique? «Il y en a toujours lorsqu'on est un chef d'Etat. Macron est tiraillé entre sa volonté d'être proche du peuple et cette aura jupitérienne qui a fait son succès. Mais le président est un passionné de football, ce n'est pas un secret. Dimanche, il a vécu le match comme un supporter lambda», réagit pour sa part Alexandre Eyries, expert en sciences de l’information et de la communication.
Lundi, les réseaux sociaux ont grincé au point d'invoquer les manières «classe», «cool», «élégante» et «à la française» d'un certain Jacques Chirac en 1998, pour condamner l'explosion de chair «imposante» de Macron. Surprise, embrasser le crâne victorieux de Fabien Barthez ne semble pas aussi «inapproprié» qu'une étreinte offerte à Mbappé.
C'est une évidence, le locataire actuel de l'Elysée est moins raide et gauche qu'un François Hollande lorsqu'il s'agit de se mouvoir ou d'entrer physiquement en contact avec autrui. Macron, c'est en 2018 qu'il fait s'étrangler une première fois les Français en laissant son corps s'exprimer. A l'occasion d'un voyage officiel aux Antilles françaises, le président s'est rapproché physiquement d'une grappe de jeunes. Ce jour-là, en plein orage, il s'était réfugié au deuxième étage d'un immeuble, les chemises et les torses sont trempés, les photographes dans les starting-blocks.
Quand soudain: distribution d'accolades pour tout le monde et... un doigt d'honneur qui va crisper tout le pays. Pour Alexandre Eyries c'est une erreur de comm': «Macron a besoin d'aller au contact des gens, de montrer qu'il sait faire preuve d'empathie et maîtriser une rencontre. Alors, forcément, des risques existent. Comme aux Antilles ou, plus récemment, lorsqu'il s'est pris une gifle dans la foule, en 2021».
Le 6 juin dernier, le président de la République avait suscité une énième salve de railleries, à l'occasion d'une rencontre avec Volodymyr Zelensky à Kiev. Parmi les photos prises ce jour-là, on découvre les deux chefs d'Etat dans une intimité virile qui n'a pas manqué de faire réagir loin à la ronde. Macron a un goût prononcé pour la scénarisation. «La mise en scène qu'il développe, très tactile, lorsqu'il est dans une situation de face-à-face, vient accompagner son discours en permanence», avouait Arnaud Benedetti, spécialiste en communication politique, en 2018 déjà.
Cette volonté de rapprochement physique, Emmanuel Macron ne la réserve pas à quelques personnalités triées sur le volet. Trump et Merkel y sont passés, avant Mbappé au Qatar. «Avant d'envisager un geste vers l'autre, il faut être certain de ce que l'on dégage et bénéficier d'une assurance à toute épreuve.»
Toujours selon Alexandre Eyries, Macron veut tellement montrer qu’il a du respect pour son interlocuteur que ses gestes «paraissent parfois artificiels», avec une «volonté de s’imposer à tout prix».