Elvis Presley souffrait de constipation chronique et avalait des médicaments en masse. Avec l'âge, la rockstar était donc plutôt... très dodue. Lorsqu'il reprenait ses tubes comme Love Me Tender et Hound Dog à Las Vegas en fin de carrière, l'ancien sex-symbol paraissait plus embarrassant que séduisant.
Donald Trump semble souffrir du même symptôme. Echaudé par le succès de Kamala Harris, il ressort lui aussi ses vieux hits datant de 2016, dans l'espoir de remporter une élection qu'il croyait acquise. Ce faisant, le président vieillissant est de plus en plus embarrassant, ou «weird» (bizarre), comme l'appelle notamment le tout frais colistier démocrate, Tim Walz.
Un exemple typique de cette «weirdness» a été offert par Trump lors d'une apparition samedi dernier à Atlanta. Il s'est présenté au même endroit que sa rivale, quelques jours auparavant, et a critiqué l'hôte, l'université de l'État de Géorgie, dès le début de son discours. C'était tout d'abord passablement impoli, mais ce qui a suivi était extrêmement bête. L'ex-président a longuement et méchamment insulté Brian Kemp, le gouverneur de Géorgie. Il convient de noter ce petit détail: Kemp est un républicain conservateur.
Trump attacks Georgia Republican Gov. Brian Kemp: "Atlanta is like a killing field, and your governor ought to get off his ass and do something about it." pic.twitter.com/JsYJvx0K6c
— Aaron Rupar (@atrupar) August 3, 2024
Qu'est-ce qui a incité Trump à lancer cette malheureuse attaque? En 2020, l'ex-président a perdu les élections dans «l'État de la pêche» de très peu. 11 780 voix, pour être précis. Il a donc demandé à Kemp et à son secrétaire d'État Brad Raffensberger de lui procurer ces voix a posteriori. Ces derniers ont refusé, s'attirant ainsi la haine éternelle de Donald Trump.
Malgré cela, Kemp a gagné sa réélection au poste de gouverneur, contrairement à Herschel Walker, le candidat au Sénat soutenu par Trump. La Géorgie est un Etat pivot, celui qui le remporte a de bonnes chances d'entrer à la Maison Blanche. Attaquer le gouverneur républicain est donc à peu près la chose la plus idiote que Trump puisse faire — et c'est pourtant ce qu'il a fait.
Le milliardaire a notamment surnommé Kemp «little Brian» et l'a rendu responsable d'une prétendue criminalité élevée en Géorgie.
Pire encore, l'ex-président a s'en est pris à l'épouse de Kemp, comme il l'avait fait avec celle de Ted Cruz lors des primaires de 2016. Elle l'avait remercié à l'époque pour son soutien à son époux, mais lui tourne désormais le dos. Et Trump s'en est plaint, expliquant en ricanant qu'il n'avait de toute façon pas besoin de son aide.
Kemp a réagi avec calme aux attaques de l'ex-président. «Je me concentre sur la victoire des élections contre Kamala Harris et non sur l'attaque d'autres républicains», a-t-il fait savoir sur la plateforme X. «Vous, Monsieur le Président, devriez faire de même — et laisser ma famille tranquille».
L'attaque contre Kemp montre à quel point Trump est sur le point de perdre son sang-froid. Ce n'est pas totalement incompréhensible, les circonstances ont trop rapidement évolué en sa défaveur. Après tout, l'homme est âgé de 79 ans et n'est plus très agile.
Une comparaison empruntée au football permet d'illustrer les changements intervenus ces dernières semaines: après la tentative d'assassinat, les républicains sont arrivés à la mi-temps, ou plutôt à leur convention, avec une avance de trois à zéro. Après la pause, les démocrates ont rattrapé cette avance en un rien de temps et les républicains n'ont plus que dix hommes sur le terrain — en raison de la nomination en demi-teinte de J.D. Vance au poste de potentiel vice-président.
Bien sûr, il est possible de gagner un match à dix. Or, il faut écouter les consignes de l'entraîneur ou du responsable de la campagne. C'est exactement ce que Trump ne fait pas: au grand désarroi des républicains, il ne critique pas Harris pour ses politiques — notamment en matière d'immigration et d'inflation — mais il l'attaque en raison de sa couleur de peau et de son sexe.
Lors d'un événement devant des journalistes noirs, il a déclaré que Harris n'était pas du tout noire, mais métisse. En affirmant que son quotient intellectuel est inférieur à la moyenne, il fait une allusion subliminale à son sexe. Et cette accusation est très mal perçue. Même dans ses propres rangs, des critiques modérées se font entendre et demandent à l'ex-président de se concentrer sur la politique.
Trump n'en a rien à faire. Il pense manifestement que les méthodes qu'il a utilisées lors de la campagne électorale de 2016 le mèneront cette fois encore au succès. Même en rêve, il n'aura jamais conscience qu'il est en train de vivre une sorte de «Fat Elvis Moment».
Traduit et adapté par Noëline Flippe