Deux semaines après l'attaque-surprise du Hamas dans les territoires israéliens autour de Gaza, la militante climatique Greta Thunberg publiait une image sur X la montrant, entourée d'autres personnes, brandir des pancartes en faveur de la Palestine. Tollé. Les réactions indignées s'enchaînent.
Dans des milliers de commentaires, de nombreux internautes fustigent son silence sur les victimes israéliennes, quelque 1400, tuées lors de l'incursion du mouvement palestinien. A ce moment, les bombardements de Tsahal ont fait près de 4000 morts dans la bande de Gaza, selon le Hamas. Les accusations d'antisémitisme fusent, surtout de la part de citoyens israéliens.
Un autre reproche est adressé à la militante suédoise: celui de s'exprimer sur autre chose que la cause climatique, ce qui constituerait une «déviation problématique» de son activisme environnemental, selon les mots de Forbes.
En effet, si les prises de position en faveur de la Palestine ont gagné en ampleur au fur et à mesure que le bilan de la riposte israélienne s'alourdissait, l'image postée par Greta Thunberg montre également autre chose: l'établissement d'un lien direct entre le conflit au Moyen-Orient et la lutte contre la crise climatique.
Sur l'une des pancartes visibles sur la photo, on peut notamment lire, à côté des couleurs palestiniennes: «La justice climatique maintenant». Un rapprochement qui suscite la perplexité de nombreux internautes et qui n'a pas échappé au compte officiel de l'Etat israélien, qui commente:
La même association entre la cause palestinienne et la justice climatique est répétée et explicitée dimanche dernier, lorsque Greta Thunberg rejoint une méga-manifestation pour l'environnement à Amsterdam. Sur scène, un keffieh autour du cou, la jeune Suédoise donne d'abord la parole à une militante pro-palestinienne, avant d'affirmer:
Ces propos ne sont pas au goût de tout le monde. En effet, un homme interrompt le discours de Greta Thunberg, lui arrache le micro des mains et, avant de se faire expulser, lâche: «Je suis venu ici pour une manifestation sur le climat, pas pour un point de vue politique». Après avoir appelé au calme, la militante scande à plusieurs reprises: «Pas de justice climatique sur une terre occupée».
Cette fois encore, les réactions ne tardent pas. «Il est triste de voir comment Greta Thunberg utilise une fois de plus la scène climatique à des fins personnelles», a par exemple tweeté l'Ambassade israélienne en Allemagne. Et d'ajouter:
Pourtant, les réactions négatives ne proviennent pas uniquement du côté israélien. Elles sont parfois formulées au sein même du camp des militants pro-climat. Ainsi les déclarations de la présidente de la section allemande du mouvement Fridays for Future (FFF), Luisa Neubauer: «Je suis déçue que Greta Thunberg n’ait rien de concret à dire sur les victimes juives du massacre du 7 octobre», a-t-elle affirmé.
La section allemande du mouvement initié par Greta Thunberg a également pris ses distances d'une déclaration publiée sur la page Instagram internationale du FFF, où Israël était accusé de mener un «génocide à Gaza» de concert avec les puissances occidentales. Là encore, on pouvait lire:
En Suisse également, la manière de se positionner vis-à-vis du conflit ne fait pas l'unanimité au sein des différents mouvements environnementaux, bien que la situation soit moins contrastée. La branche genevoise d'Extinction Rebellion nous indique, par exemple, ne pas avoir pris position sur la question, le sujet n'ayant pas été abordé lors de leur dernière séance plénière.
Réaction similaire du côté de Renovate Switzerland. Le groupe connu pour ses blocages des routes n'a «pas encore pris position publiquement au sujet du conflit au Moyen-Orient», déclare sa porte-parole, Cécile Bessire:
La situation change du côté de la Grève du climat. «Nous avons beaucoup discuté du sujet au sein du groupe», affirme le militant neuchâtelois Robin Augsburger. «Nous avons longtemps hésité avant de nous exprimer, nous nous sommes notamment interrogés sur la pertinence ou non d'une déclaration publique de notre part.»
Finalement, le mouvement décide de prendre position, ce qu'il fait avec deux déclarations partagées sur ses réseaux sociaux. Tout en soulignant son opposition à «toute colonisation», la Grève du climat «condamne» explicitement «l'attaque du Hamas contre la population civile israélienne».
Mais Robin Augsburger va plus loin: «Nous condamnons les violences de manière générale, mais, pour nous, il existe un lien très fort entre la colonisation et la justice climatique», affirme-t-il. Et d'ajouter:
«A titre d'exemple», poursuit-il, «les autorités israéliennes ont fait arracher des milliers d'oliviers, qui constituent des ressources essentielles pour la population palestinienne». Et le militant de conclure:
Faut-il voir dans ces déclarations une volonté d'exister médiatiquement, comme l'affirme implicitement l'ambassade israélienne en Allemagne? Non, répond Robin Augsburger: «La Grève du climat ne s'exprime pas publiquement sur tous les événements internationaux. Nous évaluons d'abord si nous avons quelque chose à dire».