Installé dans les gradins entre le patron de Twitter et l'émir du Qatar, difficile de se faire remarquer. A moins, peut-être, de mesurer 191 centimètres ou d'être le gendre d'un certain Donald Trump. Ça tombe bien: Jared Kushner remplit les deux critères.
Réuni en pleine finale de Coupe du monde, ce trio aussi improbable que puissant n'a pas manqué de faire jaser internautes et presse internationale.
Déjà, la rumeur bruisse du nom de l'ancien conseiller principal de la Maison-Blanche comme successeur potentiel à la tête de Twitter.
Toute autre ambiance sur le compte Instagram d'Ivanka, où le défilé régulier de photos de famille laisse plus volontiers un goût de vacances et de voyages, que de business et d'affaires juteuses - quoique ce soit un peu pareil pour Ivanka.
Le couple qui murmurait à l'oreille de Trump a mis du temps à se remettre de son passage à la Maison-Blanche. A Washington, ils n'ont pas laissé que des plumes - mais aussi leur respectabilité. Et de nombreux proches.
Ce n'est pas faute au power couple d'avoir longuement bichonné sa place dans la bonne société de Manhattan, entre invitations au MET gala et repas de bienfaisance, avec la fine fleur du parti démocrate.
Sitôt que ces amoureux très «tout» (beaux, amoureux, riches, influents, ambitieux) acceptent de laisser leur place sur le circuit de l'élite new-yorkaise, pour soutenir papa Trump dans son bureau ovale, leur sort est scellé. Jared et Ivanka sont désavoués. Entachés de scandale. «Toxiques». «Répugnants».
Ce soir du 5 novembre 2020, le résultat officiel de l'élection n'est pas encore tombé. Donald Trump clame déjà sa victoire. Pour Jared et Ivanka, il est temps de prendre leurs distances des «chacals» de Washington et du patriarche, plus infréquentable que jamais.
Direction Miami, bastion républicain où «Javanka» espère trouver meilleur accueil que dans les hostiles cercles mondains new-yorkais. Leur refuge: un condominium de trois étages avec court de tennis, ascenseur et piscine intérieure chauffée, dans l'un des bâtiments les plus chers de Surfside.
Vivre dans un simple appart, trop modeste pour le golden couple? La famille s'apprête à déménager à cinq minutes de là, au coeur d'Indian Creek.
L'adresse ne vous dit rien? Vous avez peut-être déjà entendu son petit nom: Billionaire's Bunker (le «bunker des milliardaires»). C'est peu dire que cet îlot surprotégé d'à peine plus d'un kilomètre carré, où Beyonce, Jay-Z, Gisèle Büdchen et Tom Brady comptent parmi le voisinage, mérite cette appellation.
C'est au coeur cette communauté foisonnante de palmiers et de dollars qu'Ivanka et Jared ont racheté, en avril 2021, un manoir de style espagnol à 24 millions de dollars, au chanteur Julio Iglesias.
En Floride, la famille Kushner-Trump a trouvé un ancrage. Une existence plus paisible, «moins flashy, plus épanouissante», selon les mots de Jared. Mais pas totalement à l'écart des projecteurs non plus. «Dans une certaine mesure, ils ne pourront jamais échapper complètement à l'attention», confie un proche du couple à Vanity Fair, «et ils ne le voudront jamais non plus».
Quand ils ne gambadent pas en famille sur la plage pour de longues promenades et séances de jet ski, ou dans le centre de Miami pour une séance de shopping avec Pitbull, le couple continue de tisser sa toile et d'exercer son soft power en coulisses.
Kushner est l'un des rares à avoir pu quitter Washington sans assombrir ses propres perspectives.
Ce n'est pas parce qu'il n'est plus conseiller en chef du président des Etats-Unis que Jared compte achever la mission diplomatique qu'il s'est donnée au Moyen-Orient.
L'émir du Qatar et le prince héritier saoudien font partie de ses relations d'affaires. Un fonds saoudien vient d'investir 2 milliards de dollars dans le nouveau fonds d'investissement de Kushner. Mohammed ben Salmane l'a même aidé à remporter l'organisation du prochain mondial sur sol américain.
«Plus sédentaire que jamais», l'homme d'affaires a naturellement tenu à ce qu'une partie des matchs de 2026 se tiennent dans sa ville d'adoption. Pour s'en assurer, Kushner organisait cet été une rencontre entre le maire de Miami, le président du club de foot des Dolphins et le président de la FIFA, Gianni Infantino. Au terme du rendez-vous, on conclut qu'une partie des matchs se jouera au Hard Rock Stadium.
A moins d'une heure de route du train-train doré de «Javanka», à Palm Beach, Donald Trump prépare 2024. Plus ou moins désavoué par sa fille et son gendre, qui ont pris une prudente distance avec le mythe de l'élection volée.
Les rumeurs selon lesquelles Trump entretient désormais des relations tendues avec Ivanka ne l'ont pas empêché de la presser à embarquer dans une nouvelle odyssée politique.
Merci, mais non merci. Cette fois, Ivanka ne montera pas à bord de la navette Trump. Le jour de l'annonce, elle ne se trouve même pas dans la salle de bal de Mar-a-Lago, pleine des fervents partisans de l'ex-président.
Le couple a tiré les leçons de ses erreurs et de son association avec cette figure paternelle «qui les a endommagés, au moins socialement».
Cruelle analyse partagée par la nièce de Donald, Mary Trump, sur la chaîne MSBC: «Ivanka et Jared sont riches, indépendamment de tout ce que fait Donald. Donc ils n'ont pas besoin de lui.»
Rester à l'écart pour mieux revenir un jour, et seul, sur le devant de la scène politique américaine? Le journaliste américain Michael Wolff, qui a raconté l'épopée Trump dans trois livres, n'exclut pas cette hypothèse - pour Ivanka, comme pour Jared.
«Il y a certaines choses, même à l'ère de Trump, qui peuvent encore sembler inconcevables - comme Jared président. Et pourtant. Qui refuserait de parier que cet homme - déjà bénéficiaire d'une opportunité politique aussi extrême et injustifiée - ne planifie pas son avenir?»
En début d'année, Jared Kushner s'était fixé quatre priorités pour 2022: «la famille, la religion, la santé et le travail».
Qu'en sera-t-il en 2023? Seul «Javanka» le sait. Et, cette fois, plus question de s'attarder sur le passé.