Il s'est passé beaucoup de choses durant la finale de la Coupe du monde au Qatar. Sur le terrain, bien sûr, mais pas seulement. C'est d'ailleurs peu après le coup de sifflet final qu'Elon Musk a décidé de jouer sa place de PDG de la société Twitter, dans un sondage qui a fait passablement de bruit et de dégâts.
Un timing qui ne doit peut-être rien au hasard. L'actuel patron de Twitter, acculé de toutes parts, a trouvé le temps de faire le voyage jusqu'à Doha pour (officiellement du moins) assister au duel ultime. Au moyen d'une série de vidéos postées sur le réseau social, Musk a non seulement partagé sa joie simple d'en être, mais en a profité pour annoncer un «record»: le doublé de Mbappé aurait drainé plus de 24 000 tweets par seconde.
24,400 tweets per second for France’s goal, highest ever for World Cup!
— Elon Musk (@elonmusk) December 18, 2022
Voilà pour les émotions sportives. Planté au sommet des tribunes VIP, Elon Musk, t-shirt kaki sur le torse et déci de rouge dans la main était plutôt «bien» entouré. Si bien que quelques minutes après le match, une photo est venue faire de la concurrence à la remise officielle de la Coupe. On y découvre le milliardaire de la tech peu réjoui et encerclé d'une belle brochette de puissants. Alors, travail ou vacances, cette finale de Coupe du monde?
A sa droite, Jared Kushner, mari d'Ivana et gendre de Donald Trump. A sa gauche, Ahmad al-Sayed, directeur général du fonds souverain qatari (QIA). A la fin du match, Musk a également partagé quelques mots (et un selfie) avec l'une des plus féroces propagandistes de Vladimir Poutine. Nailya Asker-Zade est la présentatrice star de la télévision d'Etat Russia 1. Mais aussi l'épouse d'un puissant oligarque. Andrei Kostin, ni plus ni moins que le PDG de VTB, la deuxième banque de Russie, qui était encore entièrement détenue par le Kremlin jusqu'en 2007. Le couple avait notamment été esquinté par des enquêtes financières réalisées par l'équipe d'Alexeï Navalny.
Enfin, c'est une chaleureuse rencontre qui attendait le patron de Twitter juste avant de quitter les tribunes du stade de Doha: le président turc Erdogan.
Erdoğan, Elon Musk'ın elini bırakmaya niyetli değil. pic.twitter.com/UlNJbnK8M2
— Erkan Trükten 🇹🇷 (@ErkanTrukten) December 19, 2022
Musk a-t-il fait le voyage comme un people qui aime le football? En a-t-il profité pour faire un peu de business ou régler des comptes? Les spéculations vont bon train depuis que la brochette de VIP s'est laissée immortaliser avec le fauteur de troubles number one. Mais ce qui revient le plus souvent, c'est que c'est l'avenir tout entier de Twitter qui pourrait bien s'être éclairci au beau milieu d'un stade de foot. Premier indice, dans la foulée de la victoire de l'équipe d'Argentine, des excuses d'Elon Musk font irruption sur le réseau social. Lui qui, d'ordinaire, n'en fait jamais.
Musk réagissait bien sûr aux dernières décisions (un poil hystériques) de bannir, sans semonce ni explication, des journalistes américains et le traqueur de son avion privé @ElonJet. Mais ces excuses peuvent également être considérées comme une réponse penaude à l'entier de son œuvre, depuis le rachat de Twitter. A-t-il été sommé de calmer le jeu? L'a-t-on remis à l'ordre, entre deux petits-fours post-ballon rond?
Rappelons que le fonds souverain du Qatar, qui a la main sur le PSG, possède également quelques plumes du petit oiseau bleu. Qatar Holding (qui appartient au QIA) a mis 375 millions de dollars sur la table pour permettre à Musk de réaliser la vente. C'est relativement peu, mais suffisant pour taper la discute devant les exploits de Mbappé et envisager de faire pression (de quelque manière que ce soit). Pour l'heure, les investisseurs possiblement problématiques du Twitter de Musk ne représenteraient «que» 6% du gâteau à 44 milliards de dollars. Chine et Arabie saoudite comprises.
Tenez, en parlant d'investisseurs: saviez-vous que le milliardaire américain Ken Griffin, fondateur de la société Citadel, avait non seulement engagé des capitaux dans l'acquisition de Twitter (20 millions de dollars), mais aussi le cabinet d'avocat chargé de faire le ménage dans les affaires d'Elon Musk? Le monde est petit et... surtout à Doha. Figurez-vous que Ken Griffin faisait également partie de la course d'école au Qatar pour «assister à un match de football».
Ce n'est un secret pour personne, la Coupe du monde n'a été qu'un luxueux spot publicitaire grandeur nature pour les ambitions occidentales et plurielles du Qatar. L'occasion de revêtir son plus beau plumage et de faire tourner les ronds de serviette politico-économiques entre chaque match. Comme c'est l'usage lors de grandes rencontres sportives, Elon Musk a sans doute profité du voyage pour ôter deux ou trois cailloux dans sa chaussure. Voire davantage.
Enfin, Jared Kushner, gendre et surtout ancien «conseiller spécial» de Donald Trump à la Maison-Blanche, n'est pas tout à fait un étranger au Qatar. Alors qu'il était chargé de la politique américaine au Moyen-Orient, l'homme avait pu rencontrer le ministre des Finances à Doha. Diplomatie oblige, certes, mais le «dossier 666 Fifth Avenue» aurait fait irruption dans la discussion. Cet imposant building new-yorkais, qui fut longtemps la verrue financière du beau-fils, a finalement été vendu à la société canadienne Brookfield en 2018. Le fonds souverain du Qatar en est l'un des plus gros investisseurs.
Pour l'heure, rien de tangible, que des spéculations. Mais l'alignement des planètes, des puissants et des tweets d'Elon Musk suffisent à spéculer sur l'identité du nouveau PDG de Twitter. Jared Kushner, 42 ans en janvier, conservateur et tout autant passionné de free speech, pourrait bien se profiler pour occuper le siège que les utilisateurs rêvent de retirer à Musk. Rappelons d'ailleurs que le milliardaire de la tech n'a jamais caché son objectif de dénicher le bon chef d'orchestre pour prendre le relais. Il a terminé sa longue nuit de dimanche par un proverbe menaçant: «Comme le dit le proverbe, faites attention à ce que vous souhaitez, car vous pourriez l'obtenir».
Le temps presse, l'argent manque et Musk fait le tour des popotes pour tenter de remplir les caisses. Plus grave, depuis le rachat de Twitter, l'action Telsa n'a cessé de chuter. Enfin... jusqu'à la finale de la Coupe du monde, où un petit mieux laisse entrevoir un nouveau chaos managérial.
De là à imaginer le Qatar s'emparer de Twitter, il n'y a qu'un pas.