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Sur France 2, Macron a flirté avec la ligne Zemmour

Emmanuel Macron, sur France 2, le 26 octobre 2022.
Emmanuel Macron, sur France 2, le 26 octobre 2022.image: capture d'écran
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Délinquance et immigration: Macron flirte avec la ligne Zemmour

Mercredi soir sur France 2, le président français Emmanuel Macron a choqué la gauche antiraciste (et déçu la droite nationaliste) en indiquant la part d'étrangers parmi les délinquants à Paris. A-t-il eu tort de le faire?
27.10.2022, 16:4927.10.2022, 19:19
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Sans le meurtre de la petite Lola, Emmanuel Macron, mercredi soir sur France 2, n’aurait peut-être pas parlé de l’épineuse question des OQTF, les obligations de quitter le territoire français, par quoi un étranger en situation irrégulière se voit signifier un ordre de renvoi dans son pays. Mais de Lola et de sa meurtrière présumée, une Algérienne de 24 ans frappée d’une OQTF, qui n’aurait donc pas dû se trouver en France le 14 octobre, le jour du drame, survenu à Paris, le président de la République n’a rien dit.

C’est en toute fin d’émission que le thème polémique des étrangers délinquants a été abordé façon les pieds dans le plat. Comme si l’horreur entourant la mort de Lola obligeait le président de la République à «parler vrai». S’exprimant sur la situation prévalant dans la capitale, Emmanuel Macron, après avoir précisé qu’il ne «[ferait] jamais de lien existentiel entre l’immigration et l’insécurité», a déclaré:

«Quand on regarde, aujourd’hui, la délinquance à Paris, on ne peut pas ne pas voir que la moitié au moins des faits de délinquance qu’on observe, vient de personnes qui sont des étrangers, soit en situation irrégulière, soit en attente de titres, en tout cas dans des situations très fragiles.»
Emmanuel Macron

En parlant de la sorte, le chef de l’Etat a-t-il franchi la ligne jaune, celle qui sépare le camp républicain de l’extrême droite, selon la terminologie en vigueur en France, qui voudrait qu’on ne spécifie pas l’origine des délinquants et encore moins leur nombre?

Les militants antiracistes en sont convaincus. Ce qui les choque, c’est que la parole présidentielle ait fourni la proportion d’étrangers parmi les délinquants à Paris et ainsi contribué à faire des immigrés un problème, sinon un bouc émissaire.

«Il est où le barrage?»

Pour le compte Twitter @patriciamat1, le «barrage» qui séparait Emmanuel Macron de la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni, a sauté:

Une «folie», renchérit l’avocat Nabil Boudi:

Les antiracistes, plus largement les républicains rétifs à toute classification relevant de l’origine ou de la religion, pourront rappeler qu’en 2011, le polémiste identitaire Eric Zemmour avait été condamné pour provocation à la discrimination raciale, pour ces propos: «Mais pourquoi on est contrôlé 17 fois? Pourquoi? Parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes, c’est comme ça, c’est un fait.» Enonçait-il une vérité factuelle? Là n’était pas la question, avait estimé le tribunal.

Macron comme Zemmour?

Une différence, cependant: mercredi soir, Emmanuel Macron a usé d’une précaution oratoire en affirmant qu’il ne confondait pas immigration et délinquance, et il n’a désigné aucune nationalité ou ethnie.

Justement, et Macron ne manquera pas de s’en servir pour se défendre de toute collusion avec les nationalistes, ceux-ci lui reprochent cette même précaution oratoire. La finaliste des deux dernières élections présidentielles, Marine Le Pen, présidente du groupe Rassemblement national à l’Assemblée nationale, a twitté:

Quant à Eric Zemmour, ex-candidat du parti Reconquête à la présidentielle d'avril, qui s’est signalé par une grossière tentative de récupération politique du meurtre de Lola, il persiste, signe et accentue ses affirmations d’il y a onze ans:

Est-ce par calcul électoral? Pour faire remonter sa cote de popularité, en baisse (35%, la plus basse depuis la crise du Covid en février 2020)? Parce qu’il estime que taire certaines réalités ne passe plus dans une majorité de l’opinion? Le fait est qu’en chiffrant – «la moitié au moins», ce qui n'est pas rien – la délinquance étrangère à Paris, il donne du grain à moudre aux discours stigmatisant les étrangers, en l’occurrence sans papiers ou cherchant à en obtenir. La part des étrangers parmi les personnes condamnées s’élève à 16% en France, illégaux compris, selon les derniers chiffres du ministère français de la Justice.

L'écueil d'une justice expéditive

On peut aussi penser que le président de la République a souhaité mettre le doigt sur un problème qui ne serait pas entièrement français, puisqu’il concerne les individus étrangers en situation irrégulière n’ayant pas vocation à rester en France, pour reprendre ses propos. Une façon, sûrement, de rallier à son point de vue des Français issus de l’immigration, qui, pas moins que les Français de plus vieille ascendance, peuvent être confrontés à une délinquance étrangère sans titre de séjour – sur 120 000 OQTF prononcées en 2021, tous les concernés n’étant bien sûr pas délinquants, seules 5,6% ont été exécutées.

Un problème réel que celui soulevé par Emmanuel Macron, donc, mais aussi un bouc émissaire désigné à moindre frais, l’écueil étant l’apparition d’une justice populaire échappant aux canaux institutionnels. Le cas de ce père de famille qui, aidé de trois amis, a voulu faire justice lui-même en passant à tabac avec un câble électrique un jeune sans papiers de 16 ans qui aurait abusé sexuellement de sa fille de 6 ans dans la nuit du 20 au 21 octobre à Roanne, dans le département de la Loire, illustre les risques d'une telle dérive. Ce père a été placé, ce jeudi, en garde à vue pour «violences en réunion avec arme par destination».

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