Dans son dernier film sorti en février, Astérix se rend avec Obélix dans l'Empire du Milieu pour libérer l'impératrice chinoise des griffes d'un rival. Spoiler alert: grâce à un peu de potion magique, le Gaulois rusé réussit sa mission haut la main.
Emmanuel Macron, parti ce mardi soir pour une visite d'Etat de trois jours en Chine, n'a malheureusement pas de potion miracle dans sa besace. Il sera accompagné par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. La diplomatie française cherche ainsi à souligner, selon ses propres termes, que son président défend des «positions européennes» à Pékin.
Dans la guerre en Ukraine, l'Europe défend des intérêts communs. De par sa taille, la Chine est probablement le seul pays qui peut agir comme game changer, et réellement renverser la situation.
Certaines voix sont toutefois sceptiques. Marc Julienne de l'Institut français des relations internationales (Ifri) estime:
Il fait ici référence aux voyages du chancelier allemand Olaf Scholz en novembre, du Premier ministre espagnol Pedro Sánchez la semaine dernière et maintenant d'Emmanuel Macron.
Le président français avait déjà, en vain, tenté de dissuader le président russe Vladimir Poutine de poursuivre sa guerre en Ukraine. Après la visite en grande pompe de Xi à Moscou, le Français veut avertir les Chinois de ne pas prendre de «décisions fatales», en clair de ne pas livrer d'armes à l'agresseur russe.
L'initiative d'Emmanuel Macron peut sembler bien naïve. En effet, un autocrate et homme de pouvoir du calibre de Xi Jinping ne se laissera pas impressionner par un jeune président. Le président français a tout de même un bon argument: si Xi Jinping veut amener les Européens à une ligne «indépendante» – c'est-à-dire libre de Washington –, il doit leur montrer sa reconnaissance d'une manière ou d'une autre.
La France n'a jamais été réticente à faire valoir ses propres intérêts, même face aux Etats-Unis. D'où la réflexion d'Emmanuel Macron: si Pékin joue le rôle de médiateur entre Moscou et Kiev – et pas seulement pour la forme –, alors Paris pourrait adopter une position plus «neutre» dans le conflit entre Washington et Pékin. L'Elysée estime en effet qu'il est dans l'intérêt de l'Europe de ne pas se laisser entraîner dans le duel entre les deux superpuissances.
Emmanuel Macron a un autre argument, certes pas aussi puissant qu'une potion magique, mais qui devrait trouver un certain écho à Pékin: la Chine est très affaiblie depuis la pandémie de Covid et dépend du marché d'écoulement de l'Union européenne (UE) – ne serait-ce que comme alternative au marché américain qui se ferme. Un nouvel accord d'investissement entre l'UE et la Chine est à l'étude.
La présence d'Ursula von der Leyen à Pékin semble donc logique. D'autant plus qu'elle a récemment fait savoir que l'Europe devait absolument réduire sa dépendance vis-à-vis des produits chinois.
Et c'est là qu'apparaît le problème d'Emmanuel Macron, ou plus exactement la faiblesse de son pays. La France importe plus de biens que jamais de Chine. Cela va à l'encontre de ce que prêchent Ursula von der Leyen et Emmanuel Macron lui-même depuis des mois.
A l'inverse, les entreprises françaises exportent de moins en moins vers la Chine: le vin, les produits de luxe et les avions Airbus s'en sortent encore bien, mais les chaînes de supermarchés françaises comme Auchan ou Carrefour se sont retirées de l'Empire du Milieu, tout comme les constructeurs automobiles français.
La Chine, contrairement à la France, est très appliquée dans sa quête d'indépendance. Les Chinois ne dépendent plus non plus des centrales nucléaires ou des TGV français: aujourd'hui, ils maîtrisent – ou copient – eux-mêmes ces technologies de pointe.
Emmanuel Macron sera accompagné dans son voyage par 50 chefs d'entreprises et de groupes français. Mais ils ne décrocheront probablement de gros contrats que pour Veolia (travaux hydrauliques) ou Airbus. Là aussi, Emmanuel Macron risque de rentrer à Paris les mains vides.