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Tensions avec la Serbie: le Kosovo redoute la «méthode Poutine»

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Tensions dans les Balkans: le Kosovo doit-il craindre la «méthode Poutine»?

A man passes by graffiti depicting Russian President Vladimir Putin, reading: "Kosovo is Serbia" in Belgrade, Serbia, Monday, Aug. 1, 2022. Kosovo's authorities early Monday moved to ea ...
Un homme passe devant un graffiti représentant le président russe Vladimir Poutine, sur lequel on peut lire: «Le Kosovo est serbe» à Belgrade.Image: sda
Des manifestations ont eu lieu dans le nord du Kosovo, majoritairement peuplé de Serbes. Beaucoup font des comparaisons avec la situation en Ukraine – à juste titre?
02.08.2022, 11:3202.08.2022, 14:30
Lisa Becke / t-online
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t-online

Les récents affrontements entre la Serbie et le Kosovo ont suscité l'inquiétude de la communauté internationale. Dimanche, des militants pro-serbes ont barricadé les routes menant aux postes-frontière de Jarinje et Brnjak avec de lourds engins de chantier. Ces villes se situent dans le nord du Kosovo, une région majoritairement peuplée de Serbes. Des individus ont en outre tiré des coups de feu sur des policiers kosovars, a indiqué la police de Pristina. Personne n'a été blessé.

Les militants pro-serbes au Kosovo ont reçu le soutien des dirigeants de Belgrade. L'atmosphère est «au point d'ébullition», a déclaré le président serbe. Même s'il a appelé à la retenue, Aleksandar Vučić a souligné dans une allocution télévisée dimanche matin, avant même le début des barricades:

«Il n'y aura pas de capitulation et la Serbie gagnera si des Serbes se font persécuter ou tuer»

Aucun indice n'indiquait à ce moment-là que les autorités kosovares avaient l'intention de s'en prendre physiquement aux Serbes d’origine.

Un membre du Parti progressiste serbe au pouvoir, Vladimir Djukanoviv, a écrit sur Twitter quelques heures avant les blocages frontaliers que la Serbie serait probablement obligée d'entamer la «dénazification des Balkans». Sous le prétexte de la «dénazification», le président russe Vladimir Poutine avait lancé la guerre contre l'Ukraine en février.

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Selon le président serbe Aleksandar Vučić, «la Serbie gagnera si des Serbes se font persécuter». Image: sda

«Le cheval de Troie de Poutine en Europe»

Dans la situation actuelle, certains politiques et commentateurs ont établi un parallèle avec la guerre de Poutine contre l'Ukraine. La Serbie, qui ne reconnaît pas l'indépendance du Kosovo et qui est considérée comme un proche partenaire de la Russie, pourrait-elle engendrer une escalade militaire?

Le Kosovo s'est déclaré indépendant de la Serbie en 2008. Aujourd’hui, 100 Etats reconnaissent désormais le pays. Pourtant, le gouvernement de Belgrade continue de considérer le Kosovo comme une province sécessionniste. La population serbe du nord du Kosovo est en grande partie loyale au gouvernement de Belgrade, qui la soutient généreusement financièrement.

Toutes ces raisons permettent de faire des comparaisons avec la situation de l’Ukraine. Le député ukrainien Oleksiy Goncharenko affirme même que la Serbie tente de déclencher une guerre et «exactement de la même façon que Poutine», a-t-il écrit sur Twitter. «La Serbie est le cheval de Troie de Poutine en Europe.» La vice-première ministre du Kosovo, Donika Gërvalla-Schwarz, met, elle aussi, les deux conflits sur le même plan. Sur Twitter, elle écrit:

«La Russie contre l'Ukraine, la Serbie contre le Kosovo. C'est barbare et du pur fascisme»
La vice-première ministre du Kosovo, Donika Gërvalla-Schwarz

Eviter de telles comparaisons

Les experts ne voient toutefois pas d'éléments indiquant que la Serbie cherche effectivement à s'approprier le Kosovo. Ils appellent au contraire à s'abstenir de telles comparaisons. L'expert des Balkans du think tank Atlantic Council, Dimitar Bechev, écrit sur Twitter: «La Serbie n'est pas la Russie, le Kosovo n'est pas l'Ukraine.»

Dès le début de la guerre en Ukraine, l'expert l'a expliqué dans un article d'opinion publié dans la revue spécialisée War on the rocks. Si le président serbe Vučić est considéré comme «le larbin de Poutine», prêt à déclencher une guerre sous ses ordres, le risque qui menace réellement le Kosovo est exagéré. Vučić est certes heureux de faire des affaires avec la Russie, mais il ne veut pas non plus se mettre à dos l'Union européenne.

C'est ce que l'on appelle communément la «politique de la balançoire» serbe. Le pays des Balkans négocie depuis 2014 son adhésion à l'UE et souhaite être pris en considération lors du prochain cycle d'élargissement. En parallèle, elle entretient des relations amicales avec la Russie, dont elle reçoit du gaz relativement bon marché. Comme depuis toujours, la Serbie ne participe pas aux sanctions de l'UE contre la Russie.

«C'est un conflit bilatéral»

Le directeur du bureau de la Fondation Konrad-Adenauer au Kosovo, Daniel Braun, met également en garde contre le fait d'établir un lien entre la récente escalade serbe et les actions russes en Ukraine. «C'est un conflit bilatéral», détaille-t-il. Le problème reste entre la Serbie et le Kosovo. Selon lui, l'opinion publique ne doit pas faire l'erreur de placer ce conflit dans un contexte plus large qui n'existe pas.

Le décret du président kosovar Albin Kurti, qui a déclenché les barrages routiers, «est quelque chose que Kurti avait déjà annoncé l'année dernière, et n'est donc pas à considérer dans le cadre de la guerre en Ukraine», a déclaré Braun.

Russian President Vladimir Putin chairs a meeting on metals industries via videoconference in Moscow, Russia, Monday, Aug. 1, 2022. (Pavel Byrkin, Sputnik, Kremlin Pool Photo via AP)
Vladimir Poutine avait aussi justifié l'attaque contre l'Ukraine par une «dénazification».image: keystone

Selon cette nouvelle réglementation, les personnes qui se présentent à la frontière avec des documents d'identité serbes devraient se faire délivrer une attestation supplémentaire par la police des frontières kosovare. Les plaques d'immatriculation serbes ne devraient également plus être reconnues. Ce règlement aurait dû entrer en vigueur lundi, mais il a finalement été reporté d'un mois sur l'insistance du représentant de l'UE pour les affaires étrangères, Josep Borrell.

«Le Kosovo considère cette nouvelle réglementation uniquement comme une contre-mesure», explique l'expert de la Fondation Konrad-Adenauer. En effet, la Serbie ne reconnaît pas les documents kosovars depuis plusieurs années déjà. Les citoyens kosovars reçoivent à l'entrée un document similaire à celui que le Kosovo voulait désormais introduire pour les voyageurs munis de documents serbes.

Cela permettrait également au Kosovo de faire entendre qu'il souhaite obtenir des droits souverains sur des régions majoritairement peuplées de Serbes. Dans les endroits où des manifestations ont eu lieu ce week-end, l'Etat kosovar n'a de facto aucun contrôle, a déclaré Braun.

Le Kosovo est devenu invisible

L'expert Daniel Braun voit toutefois un petit lien avec la guerre en Ukraine. Au Kosovo, il existe un sentiment de frustration à l'égard de l'Union européenne et de l'Occident, par exemple en raison des facilités de visa qui ne sont toujours pas accordées. Avec le conflit ukrainien actuel, le pays est hors des radars.

Il est donc possible que le Kosovo veuille à nouveau attirer l'attention de l'UE en se comparant à l’Ukraine. «De nombreux Kosovars pensent qu'il est possible de revenir sur le devant de la scène internationale si l'escalade de la situation locale attire l'attention sur la situation finale non résolue entre le Kosovo et la Serbie», explique Daniel Braun.

La situation entre le Kosovo et la Serbie est pourtant constamment marquée par des tensions. Ces dernières années, des barrages routiers similaires ont eu lieu à plusieurs reprises, écrit par exemple la journaliste Una Hajdari sur Twitter. Ceux-ci n'ont que rarement conduit à une escalade militaire.

De nombreux experts affirment également que les propos virulents entendus des deux côtés ne sont pas le signe d'une réelle menace. Ils ne dépassent ce qui est connu dans le conflit permanent entre les deux pays. En mars dernier, l'expert Bechev écrivait dans son article:

«Ce culte du militarisme est une stratégie symbolique visant les électeurs, et pas nécessairement un prélude à une épreuve de force»
Dimitar Bechev

L'Otan interviendrait

Un autre facteur important qui parle contre une escalade militaire et qui distingue fondamentalement la situation de l'Ukraine est le fait que l'Otan soit engagée au Kosovo. La Force pour le Kosovo (KFOR), dirigée par l'alliance de Défense, a clairement indiqué dimanche qu'elle «interviendrait» si «la stabilité du Kosovo était mise en péril». La Serbie s'opposerait donc aux soldats de l'Otan – un scénario très improbable, s'accordent à dire les experts.

Néanmoins, les experts soulignent que l'Occident ne doit pas nier ou minimiser la situation sur place. Le gouvernement allemand et l’UE s’alignent également sur cette position. «C'était une situation très sérieuse hier dans le nord du Kosovo», a déclaré un porte-parole du ministère des Affaires étrangères lundi à Berlin lors de la conférence de presse du gouvernement allemand. Après la nouvelle escalade des tensions, l'UE a invité les deux camps à une réunion de crise.

Traduit de l'allemand par Charlotte Donzallaz

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