International
Analyse

La justice veut Trump l'escroc, mais se heurte au «gamin» Donald

A force de jouer à l'enfant persécuté qui dit agir en son âme et conscience, Donald Trump semble déconcerter les juges fédéraux.
A force de jouer à l'enfant persécuté qui dit agir en son âme et conscience, Donald Trump semble déconcerter les juges fédéraux. image: twitter (Trump bébé a été générée par l'IA) et getty, montage: fred valet
Analyse

La justice veut Trump l'escroc, mais se heurte au «gamin» Donald

Pense-t-il réellement que l'élection de 2020 lui a été volée? Etait-il convaincu d'être dans son bon droit en emportant avec lui certains dossiers classifiés? Si la justice aime les faits (et en a), elle ne cracherait pas sur une preuve des réelles intentions frauduleuses de Donald Trump. Spoiler: ce n’est pas tout simple.
15.07.2023, 08:0215.07.2023, 11:41
Plus de «International»

Donald Trump est-il un homme de bonne foi? La question peut sembler absurde, tant le menteur qui est en lui a été sanctifié il y a de nombreuses années déjà. Pourtant, les gesticulations enfantines qu'il s'évertue à offrir à chacun de ses rendez-vous avec la justice donnent des sueurs froides aux procureurs fédéraux. C'est en tout cas ce que laissent à penser, notamment, les derniers interrogatoires de témoins, menés devant un grand jury fédéral. Parmi eux, son beau-fils et ancien conseiller principal à la Maison-Blanche, Jared Kushner.

«J'ai l'impression que Trump croyait vraiment que les élections de 2020 lui avaient été volées»
Le témoignage de Jared Kushner, selon une source anonyme citée par le New York times.
WASHINGTON, MICHIGAN - NOVEMBER 01: White House Chief spokesperson Kayleigh McEnany (L), Ivanka Trump and Jared Kushner greet President Donald Trump following a campaign rally on November 01, 2020 in  ...
Donald Trump, sa fille Ivanka et son beau-fils Jared Kushner, le 1er novembre 2020, deux jours avant la défaite du milliardaire à l'élection présidentielle.Getty Images North America

Selon une information du New York times, Jared Kushner a été entendu il y a quelques jours, à huis clos, et il est loin d'être le seul témoin parmi l'entourage proche de l'ex-président. La manière dont ces interrogatoires ont été menés suggère que les procureurs fédéraux se concentrent désormais sur l'état d'esprit de Donald Trump, entre le soir de sa défaite et l'assaut du Capitole. Avec une question principale qui paraît simple: était-il conscient d'agir sans fondement juridique ou croyait-il sincèrement à la fraude électorale, au point de vouloir annuler l'élection?

Si la justice n'a pas tant besoin d'un aveu du milliardaire pour accueillir une mise en accusation, un dossier béton sur ses intentions pourrait néanmoins lui être d'un grand secours. Notamment face à l'opinion publique, dont une partie non négligeable considère encore les différentes enquêtes qui pèsent sur lui comme un «règlement de compte» et «acharnement politique». Or, depuis le début de ses multiples tracasseries judiciaires, le principal intéressé aime à jouer l'enfant crédule, attendant toujours sagement le père Noël près de la cheminée, du haut de ses 77 ans.

Sa femme Ivanka disait, il y a sept ans, qu'elle avait la furieuse impression d'avoir «deux enfants à la maison», son fils et son mari. Sa nièce, Mary, dans un livre coup de poing, peignait Trump «en gamin capricieux qui pense toujours être dans son bon droit».

«Le problème avec Trump, c'est qu'il faut essayer d'entrer dans son esprit d'enfant, et il a tellement l'habitude de mentir qu'il est difficile de déterminer ce qu'il croit vraiment»
Daniel Zelenko, ancien procureur fédéral et spécialiste de la défense des cols blancs, chez Crowell & Moring, cité par le New York times en février dernier.

L'année dernière, sentant un énième coup de pression de la commission d'enquête du 6 janvier 2021, il avait produit douze pages d'explications, bourrées de gesticulations et de mensonges en tout genre.

Un document pourtant suffisamment foutraque pour donner du fil à retordre aux députés de la commission: «Ce qui s'est passé, résulte simplement d'un effort des Américains de tenir leurs élus pour responsables des signes évidents d'activité criminelle tout au long de l'élection», disait-il en substance. Il n'empêche, même si tout cela manque cruellement de crédibilité, l'endurance de Donald Trump à jurer qu'il agit toujours en son âme et conscience déconcerte passablement les procureurs fédéraux.

Bien sûr, au-delà de Jared Kushner, d'autres témoins permettent de douter juridiquement de la bonne foi de l'ancien président des Etats-Unis. Parmi eux, Alyssa Farah Griffin, directrice des communications de la Maison-Blanche à l'époque, mais aussi l'ancien président des chefs d'état-major interarmées, le général Mark A. Milley.

«A ce moment-là, je pense que Donald Trump savait qu'il avait perdu»
Alyssa Farah Griffin, au comité de la Chambre.

Sans oublier les fichiers audio et certains e-mails ou SMS dévoilés ces derniers mois, qui tendent à prouver qu'il préparait effectivement sa mise en scène frauduleuse depuis de longues semaines. Encore une fois, entendre Trump avouer de lui-même qu'il savait que ses actes étaient basés sur un mensonge n'est pas capital, si d'aventure les procureurs décidaient de porter plainte pour «incitation à une insurrection» ou «complot en vue de frauder les Etats-Unis d'Amérique».

Mais son attitude de gros blondinet qui ne comprend pas pourquoi «tout le monde s'en prend à lui», pisse dans chaque recoin de son imposante vie judiciaire. Comme le dit très bien Matt Lewis, chroniqueur au Daily beast, c'est aujourd'hui une «marque de fabrique», comme l'a été «Make America Great Again» en son temps.

Illustration du média Daily beast.
Illustration du média Daily beast.
«Trump sait très bien ce qu'il est en train de vendre à ses électeurs et ça peut tout à fait fonctionner. Les superproductions pop-corn vendent beaucoup plus de billets que les films d'art et d'essai»
Matt Lewis, chroniqueur au Daily beast

Le mobile manquant

Dans le cadre de son inculpation pour «détention illégale de documents classifiés», pour lequel il plaide non coupable, de nombreux observateurs parient sur le fait que ces dossiers représentaient une potentielle «monnaie d'échange politique ou commerciale». Donald Trump, lui, n'a cessé d'évoquer naïvement des «souvenirs sympas» de son mandat de président.

Pourquoi a-t-il conservé la plupart des cartons, sachant qu'en les rendant aux Archives nationales, il s'épargnait chacun des 37 chefs d’inculpations? Là encore, son état d'esprit, passablement puéril, semble perturber l'assurance du procureur spécial Jack Smith. Même si les accusations, elles, devraient être dévastatrices pour le désormais candidat à l'élection présidentielle de 2024.

Quoiqu'il en soit, une énième inculpation est sur le point de lui tomber sur les épaulettes, en Géorgie. Là où un procureur de district du comté de Fulton a enquêté sur les efforts du camp Trump pour faire annuler sa défaite dans cet Etat du sud des Etats-Unis. Ici encore, les preuves sont féroces, dont un enregistrement téléphonique datant de janvier 2021, dans lequel on entend le milliardaire demander au secrétaire d’Etat, Brad Raffensperger, de lui «trouver 11 780 voix» qui lui manquaient pour gagner.

A chaque fois (ou presque), l'absence de mobile ou d'intention claire infeste le chemin judiciaire. Comme dans le fameux sketch des Inconnus, parodiant un homme politique qui participe à un jeu baptisé «La Vérité vraie», Donald Trump se satisfera peut-être du statut d'homme «responsable, mais pas coupable». Suffisant, sans doute, pour continuer à insuffler l'idée d'une «cabale» orchestrée par les démocrates et tenter de remporter la primaire républicaine.

L'assaut du Capitole en images
1 / 6
L'assaut du Capitole en images
Des manifestants pro-Trump occupent les terrains de la partie ouest du Capitole.
source: epa / michael reynolds
partager sur Facebookpartager sur X
Le single "Justice for All" de Donald Trump
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Israël rappelle des dizaines de milliers de réservistes
L'Etat hébreu a confirmé dimanche le rappel de dizaines de milliers de réservistes dans le cadre de ses opérations à Gaza.

L'armée israélienne a confirmé le rappel de «dizaines de milliers de réservistes» pour son offensive à Gaza. Elle a annoncé que son objectif est la destruction de «toutes les infrastructures» du Hamas, selon un communiqué.

L’article