L'hypothèse d'une victoire de l'Ukraine sur Poutine est aussi souhaitable que pleine d'inconnues. Que se passerait-il ensuite? La question taraude depuis des mois experts politiques et agents de renseignement. Parmi les réponses qu'ils ont formulées, beaucoup relèvent de la dystopie: d'aucuns promettent l'arrivée de nationalistes extrêmes, pires encore que Poutine, qui s'accapareraient le pouvoir et entraîneraient le monde entier dans un gouffre.
D'autres évoquent la désintégration de la Russie pour devenir un «Etat défaillant» dans lequel des seigneurs de guerre, comme le chef tchétchène Ramzan Kadyrov ou le mafieux Evgueni Prigojine, le célèbre chef de la troupe de mercenaires Wagner, feraient la loi.
Ces craintes sont toutefois infondées, avertissent Garry Kasparov et Mikhaïl Khodorkovski dans un article publié dans Foreign Affairs. L'ancien champion du monde d'échecs et l'ancien oligarque défendent, au contraire, une thèse rassurante:
Une défaite décisive sur le champ de bataille briserait l'aura d'invincibilité de Poutine, le dévoilerait comme l'architecte d'un Etat en déliquescence et rendrait son régime vulnérable aux attaques venant de ses propres rangs, poursuivent Kasparov et Khodorkovski. Cependant, cela n'aboutira pas forcément au chaos. Les Russes seront confrontés au choix de devenir un partenaire junior de la Chine ou de faire enfin la paix avec l'Occident.
Kasparov et Khordorkovski sont confiants et pensent que les Russes opteront pour un rapprochement avec l'Occident - et donc, pour la démocratie et l'Etat de droit. Ils décrivent comme suit la nouvelle Russie démocratique qui naîtrait après la défaite de Poutine:
Pour qu'une telle Russie démocratique puisse voir le jour, l'administration Biden doit sortir de sa réserve et fournir à l'Ukraine des armes lourdes telles que des chars et des missiles de plus grande portée. «Biden peut accélérer la chute du régime de Poutine, créant ainsi les conditions d'une Russie démocratique et montrant au monde la folie de cette guerre», écrivent Kasparov et Khordorkovski.
Pour une éventuelle victoire, les troupes ukrainiennes ont avant tout besoin de chars Leopard allemands. Une concession à laquelle le chancelier allemand Olaf Scholz n'est pas encore prêt, à tel point qu'entre-temps, un nouveau terme a vu le jour: le «scholzing». On entend par là: «Communiquer de bonnes intentions pour ensuite utiliser/trouver/inventer tous les prétextes possibles et imaginables afin de retarder/empêcher la mise en œuvre de ces intentions.»
Le comportement du chancelier allemand est en effet devenu difficilement compréhensible. A Berlin, de hauts diplomates secouent la tête en apprenant que Scholz a une nouvelle fois reporté la décision sur les Leopard. L'un d'entre eux a déclaré au Financial Times:
La grogne résonne jusque dans de la coalition en feu tricolore. La politicienne Agnes-Marie Strack-Zimmermann, chef de la commission de la défense au Bundestag, a déclaré à la ZDF: «L'histoire nous observe, et l'Allemagne a malheureusement échoué.» La communication laisserait, de plus, à désirer, selon Strack-Zimmermann: «Si le chancelier ne veut pas livrer les chars, il doit au moins nous expliquer pourquoi.»
De nombreux éléments indiquent que Scholz va finalement céder à la pression internationale. Annalena Baerbock, la ministre allemande des Affaires étrangères, a déclaré que l'Allemagne autoriserait au moins d'autres Etats à livrer des chars Leopard à l'Ukraine.
Traduit de l'allemand par Nicolas Varin