Pourquoi Pierre Palmade a-t-il perdu la maîtrise de son véhicule? C'est le mystère le plus factuel que devront lever les autorités françaises ces prochains jours. La garde à vue du comédien et de ses deux passagers, qui vient d’être prolongée, est censée pouvoir rassasier les enquêteurs chargés de l'affaire.
Or, jeudi après-midi, le principal intéressé a déjà déclaré à la police avoir «très peu de souvenirs» de l'accident. Tout juste se rappelle-t-il avoir «fermé le portail de la maison avant de partir faire des courses dans un supermarché». L'un des passagers, un Français connu des services de police, affirme s'être «endormi dans la voiture». C'est son copain de banquette qui l'aurait convaincu de retourner au domicile de Palmade pour récupérer quelques affaires, le soir aussitôt après drame.
Jeudi soir, six jours après les faits, l'enfant de 6 ans et passager de la voiture percutée par la Peugeot de Pierre Palmade, est sorti du coma.
En attendant de nouveaux éléments plus concrets, sur BFMTV, C8, CNews ou même en couverture de Paris Match (pour ne citer qu'eux), on ronge son frein et des os très sensibles. Evoquant notamment le style de vie, l'orientation sexuelle ou la personnalité de l'humoriste, parfois dans la même phrase que les derniers rebondissements judiciaires.
La palme revient probablement au site Journal de Femmes, qui parvient à faire un carton plein en un seul titre:
Le fossé est d'ailleurs vertigineux entre la cruelle banalité du drame et l'identité de la personne mise en cause.
Car vendredi 10 février, c'est avant tout un individu de 53 ans, testé positif à la cocaïne, qui a causé un accident grave au volant de sa voiture. Chaque année, 700 personnes sont tuées sur l'asphalte français dans un accident impliquant un conducteur ayant consommé des drogues. C'est plus de 20% de la mortalité routière en France.
Cette affaire concerne donc un accident ordinaire, causé par un individu extraordinaire. En l'occurrence, une célébrité parisienne effectivement aux prises depuis de nombreuses années avec une addiction aux drogues et à l'alcool. Une maladie qu'il a d'ailleurs tenu à raconter dans une autobiographie parue il y a 4 ans.
Une personnalité aux prises avec la justice permet toujours de jeter sous les projecteurs des débats qui peinent d’ordinaire à sortir des milieux concernés. Du fléau de la drogue au volant, aux ravages du chemsex, cette pratique consistant à consommer des produits stupéfiants dans le but de rallonger et intensifier les relations sexuelles.
Certains espèrent donc naturellement «profiter» de la médiatisation de cet accident pour faire évoluer les opinions, mais surtout les textes de loi. Ce fut par exemple le cas d'Isabelle Alleno, femme du célèbre chef français, qui a perdu son fils fauché par un chauffard en 2022. Sur BFMTV, elle disait ressentir beaucoup de «colère et d'amertume» face à ce nouveau «drame» et demande l'instauration d'un «homicide routier».
On rappelle aussi que si la notion d'homicide involontaire est définitivement retenue par la justice, Pierre Palmade, 54 ans, encourt jusqu'à dix ans de prison. A ce sujet, c'est principalement l'autopsie du foetus que l'une des victimes a perdu dans l'accident qui orientera les procédures. Selon la jurisprudence, ce foetus devra être considéré comme né vivant, et avec des organes viables, pour que le délit se transforme en crime.
Quelques jours après la spectaculaire embardée, pour certains internautes et chroniqueurs de L'heure des pros sur C8, le fait d'évoquer le statut rigoureusement juridique de ce foetus, permet de relancer le débat bouillant de l'IVG. Hasard du calendrier, une semaine avant l'accident, le droit à l’interruption volontaire de grossesse a été inscrit dans la Constitution.
Cette semaine, ce fut également au tour de l'avocat des victimes d'investir l'arène médiatique. Et pas n'importe lequel. Me Mourad Battikh, 37 ans, est un spécialiste des affaires à haute valeur émotionnelle. De l’affaire Delphine Jubillar à celle d'Aminata Diallo, en passant par le meurtre de la jeune Sihem Belouahmia début février, Battikh est le chouchou des plateaux TV.
Depuis qu'il a convoqué la presse dans son cabinet, le 14 février, l'avocat aux «500 dossiers en cours» a fait chauffer la machine à éloquence, jusqu'à BFMTV et Cyril Hanouna mercredi soir ou encore Télématin ce jeudi. Les «seules victimes» dans ce dossier sont ses clients. Des clients qui sont «insensibles aux excuses présentées» par le comédien. Des clients qui «ne comprendraient pas que Pierre Palmade ne soit pas incarcéré». Des clients, enfin, qui «ont besoin de connaître la vérité sur ce qui s'est passé avant».
Or, ce qui s’est passé «avant» concerne aussi la vie privée du comédien. Une omniprésence et un déballage émotionnel qui laisse, sur Twitter, plus d'un confrère circonspect.
Il est sans doute là le nerf de l'affaire. La médiatisation continue et parfois foutraque de l'accident risque de compliquer le travail de la justice, mais aussi celui de la police. Depuis le choc frontal, vendredi dernier, il ne se passe pas une heure sans qu'une nouvelle fuite de «sources proches du dossier» n’atterrisse dans la presse française, Le Parisien en tête. La pression monte et l'opinion publique pèse de tout son poids. Si l'avocat des victimes «espère que la notoriété de l'humoriste ne sera pas en sa faveur», d'autres prédisent justement le contraire.
Car Pierre Palmade, même affaibli médiatiquement depuis de nombreuses années, est toujours considéré comme un puissant faisant partie de l'élite parisienne. Celle à qui on reproche souvent de passer ses nuits à snifer de la coke et d'échapper aux mailles de tous les filets.
Reste à savoir si, au terme de sa garde à vue qui vient d'être rallongée, Pierre Palmade sera mis en détention provisoire jusqu'à son procès.