International
Analyse

Pourquoi Henri le «héros au sac à dos» d'Annecy dérange

Henri, right, the 'backpack hero' , listens to French President Emmanuel Macron delivering a speech as he meets rescue forces in Annecy, French Alps, Friday, June 9, 2023. A man with a knife ...
Henri d'Anselme (au centre). Annecy, le 9 juin 2023.Image: AP Reuters Pool
Analyse

Pourquoi le «héros au sac à dos» d'Annecy dérange

Le profil d'Henri, le héros d'Annecy, se précise de jour en jour. Il incarne cette nouvelle génération de catholiques élevés dans la messe en latin et qui font de leur foi un étendard identitaire. Explications.
13.06.2023, 18:5214.06.2023, 13:55
Plus de «International»

Il est revenu le temps des cathédrales. La chanson l’annonce inlassablement dans Notre-Dame de Paris, la comédie musicale inspirée du roman de Victor Hugo. Avec Henri, la prophétie se réalise. Et se politise. Le héros au sac à dos, dont la bravoure aura sans doute permis d’éviter un plus lourd bilan lors de l’attaque au couteau perpétrée le 8 juin à Annecy, questionne, indispose. Enchante aussi.

Le profil de ce visage juvénile aux larges sourcils tombants, comme échappé des icônes byzantines, a quelque chose d’admirable et de suspect. Henri, 24 ans, n’est pas seulement catho, il est très catho. Catholique traditionaliste, comme on le verra. Eric Zemmour, qui n’a de cesse de rappeler l’héritage chrétien de la France, a sauté sur l’occasion, louant le courage d’un «Français», ce qui, dans les circonstances présentes et dans sa bouche, veut tout dire.

Mais l’ex-candidat du parti Reconquête à la présidentielle n’aurait pas tressé ces couronnes, si Henri d’Anselme, son nom en entier, n’avait pas fait des appels de phare, s’il ne s’était pas à ce point ouvert sur sa foi catholique. Humble héros, mais héros peu discret. Il lui importait de donner un sens à son acte. S'il n’a pas dit avoir agi sous le gouvernement de Dieu, mais à l’instinct, il a pris soin d’ajouter qu’il n’avait pas été là par hasard, manière habile de convoquer le divin sans le nommer. Le message était reçu. Il n'était pas complet.

Politico-identitaire

A la part mystique s’est en effet ajoutée la part identitaire. En affirmant, le 9 juin sur CNews, que «c’est la grandeur des cathédrales, dont je me nourris, qui m’a poussé à agir», en disant, le même jour sur BFMTV, avoir «agi comme tout Français l’aurait fait», il a rattaché son acte au christianisme et l’a associé à la qualité de Français. Ce discours codé revêt une dimension politique, où l’appartenance nationale se mêle au patrimoine chrétien. Certains, qui ne sont ni français ni chrétiens, pourront se sentir exclus par ce prosélytisme.

Prosélytisme? Après tout, pourquoi pas? C’est ce que rétorqueront ceux qui estiment que la France ne doit pas abandonner le monopole religieux à l’islam. Dans une veine parallèle, le geste héroïque d’Henri pourra être compris, peut-être à tort, comme une invitation à ne plus «baisser le regard», à «relever la tête», à s’armer de courage face aux auteurs d’incivilités, les «jeunes des quartiers», les «immigrés», selon un certain langage en vogue sur les réseaux sociaux.

Le parcours tradi d'Henri

Emmanuel Macron avait-il à l’esprit cet arrière-fond polémique? Lors de sa venue à l’hôtel de préfecture d'Annecy, le 9 juin, le président de la République a pu donner l’impression de prendre de haut le héros de la veille, vêtu d’un t-shirt floqué du drapeau français, feignant visiblement d’ignorer son nom et la raison pour laquelle il se trouvait là, au moment de le saluer. Comme s’il importait de rappeler qu’en République, le politique s’impose au religieux, comme s’il fallait éviter de prêter la main à la diffusion d’une offre imbibée de christianisme identitaire.

«Fervent catholique et diplômé en management international», le pèlerin Henri, qui accomplit un tour de France des cathédrales, appartient à un courant catholique traditionaliste. Son parcours en témoigne. Il a fait ses classes aux scouts d’Europe, puis a rejoint ceux du Port-Marly, une localité des Yvelines, en région parisienne.

Messe en latin

«Dans les deux structures, la messe est en latin. On parle ici du motu proprio, un décret de 2007 par lequel Benoît XVI rappelait que le rite traditionaliste, marginalisé par le concile Vatican II, restait valide», retrace pour watson Paul Sugy, journaliste au Figaro, familier de ces aspects. Précision: les personnes observant ce rite n’ont pas de liens avec la Fraternité Saint Pie X de feu Mgr Lefebvre, d’obédience intégriste et dont un certain nombre d’évêques ordonnés sans l’accord du Vatican, avaient été excommuniés avant que la sanction les frappant ne soit levée.

Les propos mi-politiques, mi-religieux, en même temps pleins d’espoir d’Henri, suite au drame d’Annecy, rencontreront peut-être leur public, essentiellement, pense-t-on, dans la jeunesse. Il y a un regain de foi chez les catholiques, sinon en nombre de fidèles, du moins en intensité. On parle de «foi intégrale», de recherche d’absolu, qui tranchent avec la «foi discrète» qui fut la règle ces dernières décennies chez une majorité de catholiques. Le rite traditionaliste, en magnifiant le sacré, en rompant avec le train-train quotidien, participe de ce renouveau.

Pèlerinages: les jeunes en nombre

Les pèlerinages chrétiens ont la cote. Celui de Chartres en particulier, qui relie l’église Saint-Sulpice à Paris à la cathédrale de la Beauce et qui s’effectue à pied – 97 km parcourus en trois jours. «Lancé en 1983, le pèlerinage de Chartres rassemblait quelques centaines de fidèles à ses débuts. Depuis, leur nombre n’a cessé de croître, pour atteindre 16 000 lors de la dernière édition, le week-end de Pentecôte», rapporte Paul Sugy. La moyenne d’âge n'en finit pas de baisser. Elle était de 20 ans cette année. «Beaucoup se joignent à la marche par curiosité», ajoute le journaliste du Figaro. Là aussi, le rite est en latin.

Ce dont rend compte la prise de parole décomplexée d’Henri, le héros au sac-à-dos, c’est, sans doute, de l’irruption d’une nouvelle génération de catholiques, désireux de vivre leur foi au grand jour en portant le message des Evangiles.

«Ce ne sont pas des puritains. On les croise à l’église aussi bien qu’à la plage. Ils n'ont que mépris pour les étiquettes et les chapelles»
Paul Sugy, journaliste au Figaro

Ni la droite identitaire, ni la gauche antiraciste n’ont réellement pu tirer profit du drame d’Annecy. La première aurait voulu que l’auteur des coups de poignard fût musulman, mais il est chrétien jusqu’à preuve du contraire. La seconde cherche à confondre Henri avec une idéologie droitière, mais elle a tant fermé les yeux sur l’islam rigoriste qu’il est malvenu pour elle, aujourd'hui, de s’élever contre la bigoterie.

Il remporte le concours de l'Illusion de l'année
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
9 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
9
On a lu le bouquin qui étrille Biden: «Il allait mal, putain!»
385 pages d’enquête sur l’omerta qui a entouré la santé mentale et physique de Joe Biden viennent de sortir. C’est une plongée dans un océan de témoignages anonymes de plus de 200 proches, conseillers et élus démocrates. Leur cible? Le 46e président, mais, surtout, le noyau dur autour de lui, une «secte insulaire» qui a tout fait pour cacher la cruelle réalité. Son épouse, Jill, en tête.

En 2003, Jill Biden ne voulait pas que son mari se présente à la présidence. Pour le lui signifier officiellement, elle fera un jour irruption dans une séance de planification, vêtue d’un simple maillot de bain, avec un gros «NON» inscrit sur son ventre.

Ce temps est révolu.

L’article