Dans une guerre, c'est bien connu, la vérité est la première victime. Il est donc important de démystifier trois idées reçues sur Vladimir Poutine.
Quiconque discute aujourd'hui de la situation en Ukraine sera tôt ou tard confronté à cet argument. Poutine est peut-être un dictateur malfaisant, voire un tueur de sang-froid. Il a tout de même raison sur un point: il doit tenir ses ennemis potentiels à distance, ou plutôt hors des frontières russes.
Ce qui peut paraître évident au premier abord s'avère complètement faux quand on y regarde de plus près. Il est aujourd'hui inenvisageable que la Russie soit attaquée par l'Occident. Pourquoi le serait-elle? Le commerce entre la Russie et l'Europe est bénéfique pour les deux parties. L'idée d'Hitler d'utiliser la Russie comme un immense grenier à blé et ses habitants comme esclaves était idiote à l'époque et n'est plus que ridicule aujourd'hui. De plus, même avec les armes les plus modernes et les plus puissantes, il est de facto impossible d'occuper le plus grand pays du monde.
Au lieu de se plaindre d'une menace imaginaire de l'Occident sur la Russie, Poutine et ceux qui le comprennent devraient se demander: comment se fait-il que la majorité des Ukrainiens veuillent absolument adhérer à l'UE et rejoindre l'Otan? Un coup d'œil sur l'histoire du 20e siècle pourrait s'avérer utile.
Quelles qu'en soient les raisons, la Russie ressent le besoin d'être une grande puissance. Le tsar Alexandre II se voyait comme un modèle chrétien pour l'Occident décadent. De son côté, Joseph Staline voulait créer l'homme du futur avec l'homo sovieticus.
Aujourd'hui encore, les Russes rêvent de gagner ce statut sur le plan international. C'est ce que démontre Svetlana Alexievitch dans son ouvrage «La fin de l'homme rouge», récompensé par le prix Nobel. Il s'agit peut-être du livre le plus important sur la Russie contemporaine.
On sait que pour Poutine, la chute de l'URSS a été le pire événement du 20e siècle. Il ne veut certes pas ressusciter l'Union soviétique, mais il veut que la Russie redevienne une grande puissance. C'est aussi pour cela qu'il est si important pour lui de ramener l'Ukraine dans l'Empire. Il a développé cet objectif dans un long essai l'été dernier.
Avec les conflits actuels, le président russe s'éloigne de plus en plus de cet objectif. Au lieu de diviser l'Occident, il l'a uni. Les rangs de l'Otan n'ont jamais été aussi serrés depuis longtemps. Qu'il s'agisse de Biden, Macron ou Scholz, ils sont tous déterminés à combattre une éventuelle invasion russe par tous les moyens dont ils disposent.
Poutine est donc contraint de chercher d'autres partenaires. Il pense en avoir trouvé un en la personne de Xi Jinping. Il se pourrait qu'il se soit entièrement trompé. Selon The Economist, en cas de partenariat russo-chinois, «la Russie serait condamnée à devenir le partenaire junior d'un régime insensible qui la considère comme un sidekick diplomatique et un fournisseur de matières premières bon marché.»
Historiquement, la Russie n'a jamais possédé de classe moyenne. Les tsars n'ont aboli le travail forcé que dans la seconde moitié du 19e siècle. Sous les Soviétiques, les ouvriers étaient certes couverts d'éloges idéologiques, mais dans la vie quotidienne, ils devaient s'estimer heureux s'ils parvenaient à peine à joindre les deux bouts.
Grâce à un prix du pétrole élevé, Poutine a réussi à créer une classe moyenne modeste. Sa popularité est liée au statut de garant d'une société de consommation naissante qu'on lui a attribué.
Poutine n'a toutefois jamais pensé à utiliser la manne pétrolière pour créer un modèle économique durable pour une large classe moyenne. Au lieu de cela, un mélange d'Etat mafieux et d'Etat oligarque a vu le jour. C'est ce que constate Catherine Belton dans son livre intitulé «Le peuple de Poutine»:
Une éventuelle guerre contre l'Ukraine mettrait en péril la modeste prospérité de la classe moyenne russe. Mais Poutine n'a peut-être pas d'autre alternative. Il est désormais prisonnier de son propre système. Parce qu'il désavouerait ses alliés politiques, il ne peut pas réformer l'économie. Le président russe a conduit son pays dans une impasse et est devenu lui-même un empereur déchu. Selon The Economist: