Il s'en est passé des choses depuis que l'Occident a été pris de vertige au moment de l'élection de Donald Trump. En 2016, on craignait le populiste goguenard, le conservateur pure souche, le macho pas futé, le climatosceptique hirsute, le raciste passionné de murs, le serial twittos, le milliardaire puéril et surexcité à l'idée de piétiner le boulot d'Obama et de déballer son nouveau jouet: la plus grande puissance mondiale.
On se disait alors qu'il devait être au moins aussi surpris que nous. Sans doute pour nous rassurer un minimum.
Sept ans plus tard, l'enfant Trump n'a pas tant mûri. Vexé que Joe Biden lui subtilise (légalement) son doudou préféré, il s'est barricadé derrière ses propres vérités, tapant du pied pour qu'on le lui redonne fissa. Plutôt inédit dans l'histoire récente des Etats-Unis. Avant qu'une partie de la population ne considère qu'il faille Rendre Sa Grandeur à l'Amérique, il était plus ou moins entendu que le pouvoir se joue âprement, mais se transmet démocratiquement, bardé de responsabilités et de sens du devoir.
Comme lors d'un passage aux toilettes de l'entreprise, l'idée étant que les lieux soient laissés dans le meilleur état possible. Avec Donald Trump, les Américains ont découvert la terreur capricieuse du préau, bien incapable d'accepter le contrat électoral, prêt à saccager le pays s'il n'en est plus le chef. La démocratie, c'est pour les faibles et les collabos de l'Etat profond.
D'ailleurs, un tout frais sondage publié par l'agence Associated press (AP) confirme (une énième fois) que les conservateurs voient le système démocratique comme un vieux cheval de bois qui grince et mérite la déchetterie. Plus précisément, la démocratie ne fonctionne «pas trop bien» ou «pas du tout» pour six sympathisants républicains sur dix. Du côté démocrate, c'est timide (mais plus optimiste), puisque 60% décrivent la démocratie comme un outil encore «plus ou moins» fonctionnel.
Cette semaine, trois journalistes du New York times, curieux d'imaginer la tronche que pourrait avoir une nouvelle présidence Trump, se sont attelés à un travail de recensement qui fait littéralement froid dans le dos. Ici, pas de scoop ou d'analyse politique malveillante ou de centre gauche.
En lisant l'article, basé sur toutes les informations disponibles, du site internet du milliardaire en passant par ses discours ou la voix de ses alliés, on prend une nouvelle fois conscience que le bête populiste d'antan n'existe plus. Que le milliardaire, aujourd'hui contrarié, en colère et en manque d'influence planétaire, tutoie l'autocratie en voulant, par exemple, «modifier l'équilibre des pouvoirs et augmenter l'autorité du président». Et notamment sur la Justice, cette saloperie beaucoup trop indépendante, qui le torture quotidiennement.
Pour le dire autrement, Donald Trump n'envisage même plus de présider les Etats-Unis, mais de gérer verticalement le territoire comme une multinationale, entouré des employés les moins moralistes, mais les plus loyaux et brutaux, tel un PDG disposant des codes atomiques. Un plan de guerre qui risque bien de séduire sa base encore plus durement.
En outre, s'il parvient à arracher la victoire en novembre 2024, pour sûr que le monde tremblera lorsqu'il faudra libérer les lieux.
Désormais, non seulement Donald Trump n'a plus peur de rien, mais il s'est définitivement débarrassé d'un entourage longtemps ligué contre ses plus vils instincts, pour éviter qu'il ne casse le jouet le plus précieux du pays. Le voilà fier et pressé d'afficher la couleur, sans chichi ni fausse politesse.
Les Américains (cette fois) sont prévenus: avec Trump, ils éliront un tyran.