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Pig Butchering: l'arnaque sur internet qui exploite des humains

fraudes en ligne au Cambodge: Cette escroquerie au cryptomonnaie, le «Pig Butchering», se répand rapidement, y compris en Suisse. Les auteurs sont souvent victimes de traite d'êtres humains.
Méfiez-vous des inconnus sur internet.Image: shutterstock/watson

Le cauchemar d'un jeune Cambodgien qui a peut-être tenté de vous arnaquer

Une nouvelle arnaque en ligne nommée «Pig Butchering» se répand, y compris en Suisse. Les auteurs sont souvent eux-mêmes victimes de traite d'êtres humains. C'est le cas d'Ajus, originaire de Bali. Récit.
07.08.2023, 05:5007.08.2023, 11:15
Natasha Hähni / ch media
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«L'un d'entre eux n'en pouvait plus. Il s'est enfui, mais ils l'ont retrouvé. Depuis, personne ne l'a revu. Ils l'ont probablement tué», raconte Ajus. Il y a environ trois ans, ce chauffeur de taxi et guide touristique a accepté un emploi au service clientèle d'un hôtel au Cambodge. Du moins, c'est ce qu'il pensait. Ce que le jeune homme de 23 ans a vécu dans les semaines qui ont suivi ressemble plutôt à un cauchemar.

«Je devais escroquer des gens en ligne»

Ajus est originaire de Bali. En 2020, en raison de la pandémie, de nombreux touristes ont déserté l'île, habituellement si populaire. Par conséquent, Ajus n'a pas trouvé de travail. Au lieu de gagner l'équivalent de 300 francs par mois, il n'en gagnait plus que cinq.

Lorsque ce père d'une petite fille a vu dans un groupe WhatsApp l'offre qui lui permettait de toucher un salaire mensuel de 1200 francs, il n'a donc pas réfléchi longtemps et a accepté.

«Je voulais aider ma famille»
Ajus

Les problèmes ont commencé à son arrivée au Cambodge. Il explique:

«Les autorités m'ont dit à l'aéroport que le visa que l'entreprise m'avait organisé était un faux»

Ajus a alors dû payer environ 100 francs pour en obtenir un nouveau. A 23 heures, soit cinq heures plus tard que prévu, il a été conduit par deux collaborateurs de l'entreprise à son nouveau lieu de travail... qui ne correspondait pas à la description de l'employeur.

«Au lieu d'aller à l'hôtel, nous nous sommes rendus dans un ancien complexe immobilier», raconte Ajus. Une fois arrivé, il a été conduit dans le bureau de son nouveau patron chinois, selon lui. Il était deux heures du matin. C'est alors que les choses sérieuses ont commencé: «Ils ont d'abord pris mon passeport, puis ils m'ont dit ce que je devais faire pour eux», se souvient le jeune homme, d'habitude toujours joyeux, en soupirant.

«Je devais escroquer des gens en ligne»

Ajus a dû ajouter les victimes comme amis sur les médias sociaux. «Ensuite, on m'a dit de me présenter», poursuit-il. Pour établir une relation avec la victime, il devait ensuite raconter une histoire sur l'enfance de la jeune femme pour laquelle il se faisait passer. Si la victime voulait passer un appel vidéo, une jeune femme se tenait à disposition dans une autre pièce. «Je devais parler d'investissements dans la cryptomonnaie.»

Recrutement dans toute l'Asie du Sud-Est

Le stratagème utilisé est connu sous le nom de «Pig Butchering», en Suisse également. Les autorités criminelles du monde entier mettent en garde contre l'escroquerie aux cryptomonnaies dont sont souvent victimes des personnes très actives en ligne. C'est le cas, par exemple, de Peter L., un étudiant de 27 ans qui a raconté au début de l'année à la télévision suisse comment il avait perdu toute sa fortune (10 000 francs) à cause de l'escroquerie en ligne.

Après avoir pu se reposer quelques heures, Ajus a été placé à son poste de travail. «J'ai surtout échangé avec des hommes de Hong Kong, de Malaisie, de Singapour et d'Indonésie. Je me sentais terriblement mal.» Sans passeport, pratiquement sans argent et ne maîtrisant pas la langue, il n'avait pas d'issue. Il était pris au piège.

«J'étais très stressé, je ne voulais pas que ma famille apprenne ce qui m'était arrivé»

Et quitter le bâtiment n'a pas été facile. «Des grilles métalliques étaient fixées aux fenêtres, c'était comme dans une prison.» Ceux qui voulaient rentrer chez eux devaient acheter leur liberté, raconte Ajus. Les prix augmentaient avec chaque personne qui partait. Toutes les deux heures, il y avait des contrôles de sécurité. Dans sa chambre, il y avait huit autres jeunes hommes contraints à ce travail frauduleux.

L'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) estime qu'à ce jour, des milliers, voire des dizaines de milliers de personnes sont victimes de la machine à escroquer au Cambodge. Outre l'Indonésie, les trafiquants recruteraient également au Vietnam, aux Philippines, à Taïwan et en Malaisie.

Celui qui ne gagne pas assez est vendu

Si Ajus ne prenait pas assez d'argent aux victimes, son salaire était réduit. La même chose se produisait si quelqu'un restait trop longtemps aux toilettes, dormait trop longtemps ou mangeait devant les travailleurs chinois et cambodgiens. «Il pouvait aussi arriver que l'on ne mange pas le lendemain», raconte le jeune homme. Si l'un des ouvriers rapportait trop peu d'argent pendant une longue période, il était vendu à d'autres entreprises, selon Ajus.

«Je pleurais tous les soirs. Je ne savais plus quoi faire, parfois je pensais à me suicider», raconte-t-il. Il avait honte de sa situation.

«Puis j'ai vu une photo de ma petite fille et j'ai su que je devais trouver un moyen de rentrer à la maison»

Il a pris son courage à deux mains et a demandé à récupérer son passeport. On lui a dit qu'il devrait payer 2500 francs pour cela. Après avoir échoué dans sa tentative d'obtenir l'argent sans l'aide de sa famille, il s'est finalement tourné vers sa femme et ses parents. Ceux-ci ont pu trouver l'argent grâce à des prêts de connaissances et l'ont envoyé à Ajus. Il a remis l'argent à ses supérieurs et a récupéré son passeport quelques jours plus tard.

Avant qu'Ajus ne quitte l'immeuble, un employé de l'entreprise s'est assuré que toutes les photos en rapport avec l'entreprise avaient été effacées. Il a ensuite quitté le complexe d'appartements en courant et a appelé un taxi.

Bien qu'il soit encore endetté aujourd'hui à cause de cette situation, Ajus estime rétrospectivement qu'il a eu de la chance. «Tout le monde ne peut pas acheter sa liberté ou être libéré.» Un ancien compagnon de chambre britannique est détenu depuis six ans au Cambodge.

Ajus conseille aux utilisateurs suisses: «Ne vous laissez pas tromper par des images provocantes et de l'argent facile. L'investissement réussit une ou deux fois, mais ensuite l'argent disparaît toujours».

Traduit et adapté par Nicolas Varin

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