Le chancelier autrichien Karl Nehammer a rencontré, ce lundi, le président russe Vladimir Poutine. Il est ainsi le premier chef de gouvernement occidental à se rendre à Moscou depuis le début de la guerre. Qu'espère-t-il obtenir de cet entretien, qu'il a qualifié de «difficile»? Et pourquoi est-ce justement le chef du gouvernement autrichien qui s'envole à la rencontre du président russe?
Selon le porte-parole de Karl Nehammer, le voyage du chef du gouvernement autrichien poursuit trois objectifs:
En outre, Karl Nehammer a déclaré qu'il souhaitait encourager le dialogue entre l'Ukraine et la Russie. Le chancelier a souligné qu'il ne serait pas «moralement neutre» face à Poutine. «Parler ne signifie pas abandonner sa position», a-t-il déclaré. «Bien au contraire, je vais l'affirmer». Il a, toutefois, reconnu que le voyage à Moscou était «une mission à risque» dont il ne fallait pas attendre de grands miracles.
L'entourage du chancelier autrichien a indiqué qu'il agissait en concertation avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le chancelier allemand Olaf Scholz.
L'Autriche a ainsi contredit les informations selon lesquelles l'Ukraine serait irritée par cette rencontre. Des sources européennes ont confirmé que von der Leyen et le président du Conseil de l'UE Charles Michel avaient été informés de ce voyage.
Depuis le début de l'invasion russe, Nehammer a souligné, à plusieurs reprises, que l'Autriche restait militairement neutre, ce qui plaide en faveur d'un rôle de médiateur. Sur le plan politique, Nehammer a également affirmé, à plusieurs reprises, que son pays se rangeait toutefois du côté de l'Ukraine.
La neutralité militaire est ancrée dans la loi autrichienne depuis 1955. Elle était la condition centrale du retrait des troupes d'occupation soviétiques après la Seconde Guerre mondiale. Concrètement, elle signifie que l'Autriche s'engage à ne pas intervenir dans les conflits militaires, à l'instar de la Suisse.
Dans la pratique, ce principe est, toutefois, interprété de manière très différente. Contrairement à la Suisse, l'Autriche a participé très tôt à des missions de Casques bleus de l'ONU et est également membre de l'UE depuis 1995. Dans ce contexte, elle fait partie de la politique étrangère et de sécurité commune, mais n'a pas promis d'assistance militaire en cas de guerre.
Le statut d'Etat neutre de l'Autriche en fait un médiateur potentiel, mais conduit également à des arbitrages difficiles dans la guerre en Ukraine. Ce n'est qu'après une longue hésitation que le ministère des Affaires étrangères, à Vienne, a expulsé quatre diplomates russes. L'Autriche a certes soutenu jusqu'à présent toutes les sanctions de l'UE contre Moscou, mais le gouvernement conservateur-vert s'oppose à un arrêt des importations de gaz russe.
Ces dernières années, les relations étroites qu'entretiennent les dirigeants politiques autrichiens avec la Russie ont suscité des critiques et des scandales. L'ex-chancelier Christian Kern était par exemple membre du conseil de surveillance des chemins de fer nationaux russes et se serait engagé au niveau international contre les sanctions. L'ancienne ministre des Affaires étrangères, Karin Kneissl, a dansé avec Vladimir Poutine (ici en image👇), lors de son mariage, et s'est vu offrir par ce dernier des boucles d'oreilles d'une valeur de 50 000 euros.
L'attitude prudente de l'Autriche est également liée au rôle de Vienne en tant que siège des Nations unies et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), soit le seul forum de sécurité régional où la Russie et les Etats occidentaux continuent de se rencontrer régulièrement.
Ancien militaire de carrière et lieutenant, Karl Nehammer est un fonctionnaire de longue date du parti. C'est déjà le cinquième chancelier fédéral de l'Autriche depuis 2017. Auparavant, il a été ministre de l'Intérieur pendant deux ans.
Il s'est fait connaître pour sa fermeté vis-à-vis de l'immigration illégale et les courants islamistes radicaux. L'un de ses principaux projets en tant que ministre de l'Intérieur a été la restructuration du service de protection de la Constitution, qui a été critiquée à plusieurs reprises ces dernières années.
Il avait notamment essuyé des critiques pour les lacunes lors de l'attentat terroriste du 2 novembre 2020, au cours duquel un Autrichien de 20 ans avait tué quatre personnes et blessé plus de 20 autres, dans le centre-ville de Vienne. Il avait finalement été abattu par la police. L'auteur avait été condamné pour une tentative de départ vers l'organisation terroriste Etat islamique et se trouvait en liberté conditionnelle au moment du drame.
(traduit et adapté par mbr)