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MH370: Le plus grand mystère de l'aviation

MH370: Le plus grand mystère de l'aviation
Dix ans après sa disparition, le 8 mars 2014, le vol MH370 obsède toujours. getty/watson

La disparition du MH370 est «une insulte à l'intelligence humaine»

Il y a dix ans, jour pour jour, un avion de ligne de la Malaysia Airlines se volatilisait dans les airs. On ne l'a jamais retrouvé. Retour sur le plus grand mystère de l'histoire de l'aéronautique.
07.03.2024, 20:51
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Les conditions ne pourraient pas être plus parfaites, ce 8 mars 2014, lorsque le Boeing 777-200ER de la Malaysia Airlines, vol numéro MH370, décolle à 00h42 de Kuala Lumpur, en direction de Pékin. La nuit est claire, les moteurs ronronnent, la lune veille sur l'appareil, qui vient tout juste de passer une batterie de tests et d'expertises.

Dans le cockpit, tout est calme. Aux manettes, deux hommes. Fariq Hamid, premier officier, 27 ans. L'avenir lui tend les bras. Il est sur le point de se marier et d'être certifié officiellement. Ce vol MH370 doit être son dernier entraînement. A ses côtés, pour le superviser, nul autre que l'un des plus hauts commandants de bord de Malaysia Airlines, Zaharie Ahmad Shah, 53 ans. Un pilote de «premier plan», doté d'un «dossier de sécurité sans faille». Marié et père de trois enfants adultes, Zaharie possède deux maisons. Piloter est sa passion de toujours. Entre deux vols, il s'entraîne chez lui, sur son propre simulateur, et poste les vidéos de ses expériences sur sa chaîne YouTube.

Dans la cabine, cette nuit-là, dix autres membres d'équipage, tous malaisiens, et 227 passagers de 14 nationalités différentes. Chine et Malaisie, principalement, mais aussi Indonésie, Australie, Inde, France, Etats-Unis, Iran, Ukraine, Canada, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Russie et Taiwan. Un joyeux melting-pot d'ouvriers en route vers un emploi, vacanciers, réfugiés, calligraphes, une vingtaine d'employés d'une entreprise américaine d'électronique et même un cascadeur, qui travaille sur une nouvelle série Netflix.

Cinq d'entre eux sont des enfants.

L'impensable disparition

39 minutes après le décollage, à 1h31 du matin, le MH370 a atteint son altitude de croisière. Il s'apprête à quitter l’espace aérien malaisien. Le commandant de bord reçoit pour instruction de changer de fréquence. Zaharie répond sur un ton poli et méthodique.

«Bonne nuit. Malaisien trois sept zéros»

Ce sera le tout dernier message du MH370 de la Malaysia Airlines.

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A Pékin, une heure après l'heure supposée de l'arrivée du MH370. Le vol est annulé, un mauvais signe.Image: Anadolu

Cinq secondes après avoir pénétré dans l'espace aérien vietnamien, le transpondeur est coupé. L'avion disparaît des radars. Occupé par un autre trafic, le contrôleur malaisien ne le remarque pas d'emblée. Lorsqu'il constate enfin l'absence du MH370, il suppose que l'avion est passé sous la responsabilité des contrôleurs vietnamiens. Comme une pièce de monnaie dans un canapé, il s'est perdu entre les juridictions.

Les contrôleurs vietnamiens ont toutefois eu le temps de noter la présence fugace de l'avion avant son effacement. Alertés, ils tentent à plusieurs reprises de contacter l'engin. En vain. Le MH370 s'est volatilisé, quelque part au-dessus du golfe de Thaïlande. Son dernier point connu.

Aucun appel de détresse, aucun signalement particulier. Le 8 mars 2014, le MH340 vient de réussir l'impensable. Dans un monde où il est difficile de supprimer un email, un Boeing 777, l'un des avions les plus sûrs au monde, une machine sophistiquée et équipée de tous les instruments modernes pour être traquée et accessible en permanence, s'est évaporé. Qui plus est, par une nuit claire et d'excellentes conditions de vol, dans une région truffée de stations radar civiles et militaires.

«Toute cette histoire est une insulte à l'intelligence humaine. C'est vraiment fou. Ça n'a aucun sens de dire au monde que nous avons perdu la trace d'un Boeing 777… Si, en tant que journaliste, je ne réagis pas en entendant cela, autant aller vendre des chaussettes ou des cravates»
Florence de Changy, journaliste au Monde qui s'est consacré à la disparition du MH370, dans le Daily Telegraph.

Impossible, et pourtant. Dix ans après, on ne sait toujours pas exactement ce qu'il est advenu du Boeing 777.

Le dernier point

Il faut dire que, dès les premières heures de sa disparition, le MH370 a mené les enquêteurs dans des directions et des fonds inexplorés. Outre le dernier signalement du transpondeur au-dessus du golfe de Thaïlande, l'une des rares données sur lesquels tout le monde s'accorde est que l'avion dispose encore d'environ six heures de carburant. Il peut, si l'envie lui prend, atteindre n’importe quel point du globe dans un rayon de plus de 5000 kilomètres. La zone de recherche s’étend de la mer de Chine, au Kazakhstan, jusqu'à l'Asie centrale et l’Antarctique.

Le MH370 a laissé de minces traces derrière lui. Données satellites, radars ou encore analyses des courants océaniques permettent d'affiner et de concentrer les recherches. La société de télécommunications par satellite, Immarsat, annonce avoir relevé des «pings» électroniques occasionnels en provenance de l'avion, pendant plusieurs heures après son dernier signalement.

A child has her face painted with MH370 during a remembrance ceremony to mark the second anniversary of the plane's disappearance, in Kuala Lumpur, Malaysia, 06 March 2016 Mohd Daud/NurPhoto (Pho ...
2016, une petite fille lors d'une commémoration à l'occasion des 2 ans du crash.Image: NurPhoto

Selon ces données, le MH370 aurait contourné Sumatra, poursuivi vers le sud, avant de s'écraser au beau milieu de l'océan indien, probablement à court de carburant. Sa course est si longue que l'avion se trouvait encore probablement dans les airs, lorsque les enquêteurs se sont lancés à la quête de son épave.

A la quête du MH370

Les recherches les plus coûteuses de l'histoire de l'aviation commencent. Une quête effrénée d'un coût bien supérieur à 120 millions de dollars, qui mobilisera des centaines de navires et des dizaines d'avions en provenance de 24 pays différents. Plus de 120 000 kilomètres carrés à ratisser pour débusquer un appareil de 63 mètres de long. Autant chercher une aiguille dans une botte de foin.

Au bout de trois ans de fouilles, à l'exception de deux épaves du XIXe siècle, toujours rien. En 2017, le Bureau australien de la sécurité des transports, qui coordonne l'enquête, finit par jeter l'éponge. Dans un rapport au ton dépité, il affirme qu'il est «presque inconcevable» qu'un avion puisse simplement disparaître à l'ère moderne. Deux enquêtes officielles des autorités malaisiennes lui succéderont. Mais aucune qui ne permette de déterminer la cause de la disparition du MH370.

En 2024, les questions posées en 2014 restent sans réponse.

Un vide, une absence, bientôt comblés par les théories du complot et les avis des scientifiques, pilotes, experts de l'aéronautique, journalistes, membres de la famille, passionnés, curieux. Le manque de faits concrets, l’opacité, les contradictions et les incohérences apparentes des autorités malaisiennes sont un terreau fertile à toutes les hypothèses. Parfois complètement dingues. Parfois plausibles. Parfois entre les deux.

Amerrissage forcé, dépressurisation de la cabine, détournement à des fins terroristes. Disparition dans un trou noir. Capture par des extraterrestres. Crash volontaire du commandant de bord, Zaharie Ahmad Shah, qui traversait une période difficile, et qui, quelques semaines avant le vol, aurait mené un exercice de simulation de vol sur une trajectoire similaire.

KUALA LUMPUR, MALAYSIA - MARCH 3: Debris from the wing flap part of Malaysia Airlines with an identification tag had found in Pemba Island, Tanzania display on the table during 5 Years of Remembrance  ...
L'une des pièces du Boeing 777, retrouvée au large de la Tenzanie.Getty Images AsiaPac

Pour certains, le Boeing ne se serait jamais crashé. Le pilote aurait trouvé refuge en Somalie, au Kazakhstan ou en Corée du Nord. Pour d'autres, l'avion aurait été détruit pour éliminer des témoins gênants à bord. Peut-être encore est-ce la Russie, pour détourner l'attention médiatique de l'annexion de la Crimée, en cours au même moment. Quant à la correspondante du Monde, Florence de Changy, elle avance qu'il s'agirait des Américains, pour empêcher l'avion de transporter du matériel d'espionnage vers la Chine.

Pour couronner le tout, aucun élément du dossier ne fait l'unanimité. Des fameux «pings» détectés par Immarsat en 2014, aux débris de Boeing 777, découverts sur une plage de l'île de la Réunion, dont personne n’a encore été en mesure de remonter aux origines. A l'exception du dernier point du frondeur, il n'existe presque aucun consensus sur ce qu'il est advenu du MH730.

10 ans plus tard, le mystère reste entier

Une décennie plus tard, les familles des 239 disparus restent sans réponse. Dimanche, le premier ministre leur a fait miroiter la réouverture de l'enquête, en cas de nouvelles preuves convaincantes. Une société américaine de robotique marine, Ocean Infinit, a déjà fait part de son intérêt pour lancer de nouvelles opérations de recherche dans les grands fonds marins.

La réponse de l'énigme repose peut-être là, à plus de 5000 mètres sous la surface de l'océan Indien. Mais à moins que l'épave soit retrouvée et que ses données soient exploitables, l'un des plus grands mystères du MH370 ne sera sans doute jamais résolu. Celui d'un cerveau humain, survolant l'océan, écoutant les moteurs sans carburant, s'éteindre l'un après l'autre.

Des éclaires pour annoncer l'arrivée de l’ouragan «Idalia» en Floride
Video: watson
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