Les juges du tribunal de district de Rorschach (SG), qui siégeaient jeudi à Saint-Gall, ont acquitté un homme soupçonné d'avoir commis des crimes d'ordre politique en Biélorussie. Ils ont estimé que les déclarations de ce prévenu biélorusse, âgé de 45 ans, étaient trop contradictoires. Ils ont prononcé un acquittement pour les accusations de disparitions forcées et d'induction de la justice en erreur.
L'accusé avait toutefois fait des aveux en 2019 lorsqu'il a déposé sa demande d'asile en Suisse. Il a été admis provisoirement et vit actuellement dans le canton de St-Gall.
Le prévenu a déclaré avoir fait partie d'une unité spéciale du ministère biélorusse de l'Intérieur. Il aurait ainsi participé à l'assassinat d'au moins trois opposants au régime du président Alexandre Loukachenko.
Durant le procès, le prévenu a demandé pardon aux proches des victimes. Il a précisé qu'il avait exécuté les ordres d'enlèvements, mais qu'il n'avait pas tué lui-même les trois opposants au régime. Le président du tribunal a cependant pointé des contradictions dans les réponses du prévenu. Le magistrat a émis l'hypothèse qu'il a fait ces aveux pour obtenir l'asile en Suisse.
Le tribunal a aussi rappelé que le prévenu avait été condamné en Biélorussie, il y a une vingtaine d'années, pour contrainte. Le président du tribunal lui a lancé:
C'est la première fois que l'article sur les disparitions forcées à la demande d'un Etat, inscrit dans le Code pénal en 2017, est appliqué en Suisse. Selon cet article, qui se base sur une convention de l'ONU, une personne peut être inculpée en Suisse même si l'acte a été commis à l'étranger. On parle aussi de «compétence universelle».
Le procès a surtout tourné autour de la crédibilité des aveux du prévenu. Selon l'avocate commise d'office, le chef d'accusation de disparitions forcées n'est pas prouvé. Les cas d'assassinats politiques évoqués par l'accusé sont élucidés depuis longtemps, selon elle. D'anciens officiers du KGB les ont détaillés en 2001 lors d'une procédure d'immigration aux Etats-Unis.
Pour la défense, le prévenu ne peut donc pas être condamné pour disparitions forcées. Il n'était qu'un exécutant dans un pays qui s'était transformé en régime totalitaire et qui n'autorisait aucune opposition à ses ordres. Lors des faits incriminés, l'ancien ministre de l'Intérieur Yury Zakharenka, l'ancien vice-premier ministre Viktar Hanchar et l'homme d'affaires Anatoly Krasousky ont été assassinés.
Le procureur a requis trois ans de prison dont un an ferme. Le prévenu doit tout de même être condamné, car il a mentionné des détails sur les faits que seules des personnes impliquées peuvent connaître, selon lui.
Il est en outre prouvé qu'il a fait partie de l'unité spéciale qui a fait disparaître des opposants. Il savait que ces actes n'étaient pas légaux. Il a agi avec préméditation, selon le ministère public. Si l'accusation de disparitions forcées devait ne pas être retenue, le procureur a demandé que l'accusé soit condamné pour avoir induit la justice en erreur.
L'avocat de deux proches des victimes a aussi demandé trois ans de prison dont un an ferme. Il a exigé 200 000 francs de réparation pour tort moral. L'ONG Trial, basée à Genève, faisait aussi partie des plaignants.
Le procès a été suivi par de nombreux journalistes internationaux. Il y avait notamment des représentants de médias russophones indépendants. (sda/ats)