Larry est ce qu'on appelle un employé fidèle.
Voilà plus de dix ans qu'il officie dans la résidence officielle du premier ministre britannique. Sa mission? Traquer la vermine qui grouille dans les recoins du bâtiment n°10 de Downing Street et «réfléchir à des solutions concernant l’occupation des lieux par les souris», indique le site du gouvernement britannique.
Mais Larry n'est pas un fonctionnaire comme les autres. Larry est un chat. Ou plus exactement, un tabby.
Rien ne prédestinait Larry à briguer un poste aussi haut placé dans l'administration britannique. A l'âge de quatre ans, le jeune félin est sauvé in extremis du Battersea dogs & cats home, un refuge londonien offrant un accueil aux animaux errants. C'est le personnel de Downing Street qui perçoit son potentiel et lui permet de réaliser son incroyable destinée.
Initialement engagé pour servir de baby-sitter aux enfants du premier ministre David Cameron, Larry est finalement recruté pour le poste de Chief mouser to the Cabinet office (traduisez: «Souricier en chef du bureau du Cabinet») en février 2011. Il sera le tout premier chat de l'Histoire du Royaume-Uni à se voir officiellement décerner ce titre prestigieux.
Depuis lors, Larry accumule les fonctions, comme l'explique en détail le site internet officiel de Downing Street:
Des tâches qu'il accomplit avec tant de zèle qu'en décembre 2015, il se voit proposer par l'ancien ministre de l'Intérieur, David Blunkett, d'augmenter ses responsabilités pour y inclure le palais de Westminster - qui, à l'époque, est envahi par les rongeurs. Une promotion que le chasseur aguerri est malheureusement forcé de décliner, trop occupé par la quête d'une solution pour son propre domicile du Downing Street. L'opération reste désespérément bloquée au «stade de la planification tactique».
Il faut dire que si Larry remplit pleinement son rôle de communicant et de guide pour les visiteurs (en 2016, il a même fait ami-ami avec Barack Obama), ses talents de traqueur de rongeurs sont régulièrement remis en question.
La première mise à mort d'une souris a lieu plusieurs mois après son arrivée. L'annonce est proclamée de façon tonitruante par le Guardian en avril 2011. L'année suivante, le 28 août 2012, Larry procède à sa première exécution publique. Il va jusqu'à déposer sa proie sanguinolente sur la pelouse bordant le numéro 10.
Une prouesse qui n'a pas suffi à faire taire les critiques. Quelques mois après son arrivée, les relations se tendent entre Larry et son colocataire, le premier ministre David Cameroun. Motif: une sombre affaire de poils. Larry est banni des quartiers personnels de Cameron après avoir confondu les costards hors de prix du politicien avec une couchette.
«La goutte d'eau qui a fait déborder le vase est arrivée lorsque David Cameron a surpris Larry en train de faire une sieste sur sa chaise, dans son bureau, alors qu'une souris traversait la pièce», a révélé une source anonyme au Mirror.
En février 2013, une barrière anti-chats est même érigée pour empêcher Larry d'accéder au ministère des Affaires étrangères - tout ça à cause de plaintes de membres du personnel allergiques. Heureusement, le ministre William Hague, a finalement accepté que la barrière soit retirée.
Dans les couloirs du numéro 10, il se murmure carrément que la famille Cameron n'aime pas Larry et qu'il ne serait qu'un «accessoire de relations publiques». Scandale. Mis sous pression, le premier ministre doit se justifier sur Twitter en affirmant que Larry et lui s'entendent «parfaitement bien».
I can set everyone's mind at rest in the #SaveLarry campaign. He and I get on purr-fectly well. The kids love him too .
— David Cameron (@David_Cameron) September 28, 2013
Lorsqu'il quitte ses fonctions après le Brexit, Cameron évoque malgré tout au Telegraph sa «tristesse» de ne pas pouvoir emmener Larry avec lui. Le principal intéressé, pour sa part, s'est rapidement accommodé de sa nouvelle colocataire, Theresa May. Même si la presse britannique s'est brièvement inquiétée du stress généré par tous ces changements.
Succède à Theresa May un troisième chef d'Etat, Boris Johnson. 👇
Enfin... presque. Il semblerait qu'au terme de trois ans de voisinage, Larry se soit lassé des frasques de son colocataire. On ignore si ce sont les fêtes à répétition ou la présence du chien de BoJo, Dilyn, qui ont posé problème. Quoi qu'il en soit, le 5 juillet, Larry pose un ultimatum sur son compte Twitter:
“I can no longer, in good conscience, live with this Prime Minister. Either he goes, or I do” pic.twitter.com/6kYdvZshho
— Larry the Cat (@Number10cat) July 5, 2022
C'est BoJo qui finit par déclarer forfait. Larry est indétrônable.
Après l'annonce de sa démission le 7 juillet, les médias britanniques se sont inquiétés: Larry peut-il également démissionner? Suivra-t-il Boris Johnson, son Jack Russell sous le bras? Point du tout!, s'est agacée la célèbre boule de poils sur Twitter. «Il faut clarifier plusieurs choses», s'est-il insurgé. D'un: «Je ne suis pas le chat de Boris Johnson».
De deux: «Comme tous les autres premiers ministres, il n'est qu'un résident temporaire de Downing Street». De trois:«Moi, j'y vis en permanence. Quand il s'en ira enfin, je resterai». Et de quatre: «Oui, tout ça est vraiment très embarrassant, mais ce sera bientôt fini».
BoJo parti, il ne lui reste plus qu'à trouver un nouveau colocataire. Il ne s'est d'ailleurs pas privé de publier une petite annonce «pour un nouveau colocataire pour un félin basé à Westminster. La maison récemment décorée comprend une excellente sécurité, des bureaux peu utilisés et un grand jardin, idéal pour organiser des fêtes».
Et comme l'écrivait très justement la National public radio (NPR) américaine en 2016, en pleine tourmente du Brexit: «Larry – le nonchalant, l'inamovible, l'irrésistible – pourrait bien être la personnalité politique la plus fiable du Royaume-Uni aujourd'hui». Une «présence constante et rassurante au milieu du chaos», conclut iNews.