«Nous marchons les yeux fermés vers la catastrophe climatique» et la guerre en Ukraine renforce cette «folie». Voilà ce qu'a déclaré le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, dans son premier grand discours sur le climat depuis la COP26, fin mars.
D'après Le Monde, les gouvernements du monde entier font face à un défi inédit: agir, à court terme, pour garantir à des centaines de millions de citoyens la possibilité de continuer à se chauffer tout en accélérant les efforts pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.
Avec la hausse rapide des prix du charbon, du pétrole et du gaz, les grandes économies se précipitent aujourd'hui vers la production de ces énergies fossiles afin de remplacer les millions de barils exportés chaque jour par les Russes.
Mais Antonio Guterres avertit que ces décisions pourraient «fermer la fenêtre» sur les objectifs climatiques de Paris. Pour lui, «ces mesures à court terme risquent de créer une dépendance à long terme aux combustibles fossiles et de rendre impossible la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C.»
«C'est clairement ce qu'il ne faut pas faire et c'est d'ailleurs une des conclusions du dernier rapport du GIEC: les solutions temporaires sont le plus souvent contre productives sur le long terme» explique Martine Rebetez, professeure de climatologie à l’institut fédéral de recherche et l’université de Neuchâtel.
Selon Le Monde, les émissions de CO2 du secteur de l’énergie ont bondi de 6 % l’an dernier, pour atteindre un record historique, et elles devraient encore augmenter de 14 % d’ici à 2030 – si les pays appliquent leurs plans climat –, alors qu’il faudrait les réduire de 45 %.
Quatre mois après la conférence des Nations unies sur le climat de Glasgow (COP26), l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, prévu par l’accord de Paris, est désormais «sous assistance respiratoire», selon Antonio Guterres.
Pour Martine Rebetez, la guerre en Ukraine est une opportunité pour la lutte contre le changement climatique: «Beaucoup de gens en Europe prennent brusquement conscience des conséquences négatives multiples de notre dépendance aux énergies fossiles et aux pays qui les produisent.»
D'après Le Monde, la Russie est le seul pays à avoir annoncé qu’elle ne pourrait pas tenir ses engagements de réduire ses émissions nettes de 80 % d’ici à 2050 par rapport à 1990, du fait des sanctions internationales.
Et selon Dominique Bourg, professeur à la faculté des géosciences et de l’environnement de l’Université de Lausanne, il est bien là le problème: «La lutte contre le changement climatique est nécessairement une lutte coordonnée à l'échelle internationale» explique-t-il et «la guerre fragilise une concertation entre tous les pays, sans laquelle il n'y a pas d'action sur le climat.»
Pour lui aussi, cette guerre est une opportunité pour la transition énergétique, mais pas à court terme: «Cette guerre peut nous inciter à regarder du côté des renouvelables parce que ce sont elles qui assurent la vraie indépendance.»
Le conflit aura cependant un effet à double tranchant sur la lutte contre le changement climatique. Selon Dominique Bourg, «il aura deux conséquences: soit accélérer la décabornisation des économies, soit accélérer la production d'énergie fossiles.»
Pour Antonio Guterres, la dépendance aux combustibles fossiles est une destruction mutuellement assurée. «Les pays doivent accélérer l'élimination progressive du charbon et de tous les combustibles fossiles» et mettre en œuvre une transition énergétique rapide et durable. «C'est la seule véritable voie vers la sécurité énergétique.»
S'il est encore trop tôt pour comprendre l'impact de la guerre sur les efforts pour la transition énergétique, elle aura au moins eu le mérite d'exposer à quel point nos systèmes énergétiques sont vulnérables et mettre sur la table l’enjeu de la sécurité d’approvisionnement.