Originaire du Moyen-Orient, l'abaya serait un vêtement culturel. C’est ce qu’affirment ceux qui s’opposent à la décision du gouvernement français d’interdire le port de cette robe dans les écoles publiques. Culturel et pas religieux. Sauf que l’un n’empêche pas l’autre. En l’interdisant, le gouvernement sait qu’il ne dispose pas de tous les atouts juridiques. Cet habit traditionnel n’est effectivement pas un signe religieux en soi. Les jeunes filles musulmanes qui le portent à l’école jouent de cette marge de manœuvre sémantique. Dans l’écrasante majorité des cas, l’abaya arborée dans le cadre scolaire en France est un moyen de contourner l’interdiction du voile islamique en classe.
Valant pour l'école publique, la loi de 2004, qui complète la loi de séparation des Eglises et de l'Etat de 1905, prohibe les signes manifestant ostensiblement chez les élèves une appartenance religieuse (voile, kippa ou croix de dimension excessive). Dans les faits, ce texte, massivement adopté au parlement, visait à sanctuariser l’école publique face au prosélytisme islamiste, ce faisant, à protéger les jeunes filles musulmanes des pressions de l’entourage, familial ou communautaire.
On n’a pas forcément conscience, aujourd’hui, de la radicalité de ce prosélytisme à l'œuvre à l’époque. Il visait principalement les musulmans, qu’il s’agissait de «réislamiser». Les femmes et le voile étaient l’angle d’attaque privilégié par les islamistes.
Cela n’a pas varié depuis, mais d’un discours d’imposition, on est passé à un discours de «libre choix». Cela se traduit notamment par des visuels montrant des groupes d’individus, dans lesquels on trouve toujours une ou plusieurs personnes voilées. En fait de libre choix, c’est une manière de diffuser l’idée qu’en islam, la femme porte un voile, un hijab. Le lobbying frériste est particulièrement actif à ce propos dans les instances européennes et partout ailleurs où on lui ouvre la porte.
En France, l’abaya à l’école est généralement un succédané du voile. Souvent, les filles qui en sont revêtues portent également un voile, qu’elles retirent au moment d’entrer dans l’enceinte scolaire, ne gardant que la robe. Vêtement «culturel»? Fortement teinté de religiosité, alors. Car l’abaya est en réalité une tenue ample portée sur d’autres habits et dont la fonction est de «cacher les formes», une injonction à la fois religieuse et culturelle.
Lorsqu’elle revêt un sens religieux, le cas, manifestement, chez beaucoup des élèves qui l'endossent, l’abaya tombe sous le coup de la loi de 2004. Pape Ndiaye, le prédécesseur de Gabriel Attal à l’Education nationale, n’en disconvenait pas, mais il avait en partie laissé aux directions d’établissement le soin de gérer les situations qui se présentent au cas par cas. Le gouvernement français entre, aujourd’hui, dans un rapport de force qu'il n'a toutefois pas initié.
Le phénomène abaya, qui concerne plus particulièrement quelque 150 établissements sur 10 000 collèges et lycées en France, représente 15% à 20% des signalements pour atteinte à la laïcité, en hausse de 120% par rapport à l’année scolaire 2021-2022, soit 4710 contre 2167 en nombre absolu. Face à ces cas, les chefs d’établissements se sentent souvent seuls ou démunis. C’est pourquoi ils sont en demande de consignes claires. La circulaire Attal, qui devrait valoir aussi pour les élèves garçons portant des qamis, ces tuniques popularisées par les islamistes au Maghreb dans les années 1990, n’en sera pas moins difficile à appliquer.
Sur une pente communautariste depuis une quinzaine d’années, la gauche de type gauchiste, France insoumise en tête, suivie des écologistes, déjà peu inspirée en faisant du rappeur Médine son interlocuteur «banlieues» lors des universités d'été de la semaine dernière, est opposée à l’interdiction de l’abaya, qu’elle juge islamophobe. Dans un tweet particulièrement déplacé, la députée LFI Clémentine Autain dénonce une «police du vêtement», dressant implicitement un parallèle entre le gouvernement français et la République islamique d’Iran et sa police des mœurs, ce qui fait les délices des médias islamistes, comme l'a constaté le magazine Marianne. Quant à Charlie Hebdo, décimé en 2015 par un attentat djihadiste, il répond à la députée LFI de la manière qu’on lui connaît. 👇
La gauche dit non à la police du vêtement !
— Charlie Hebdo (@Charlie_Hebdo_) August 29, 2023
👉 Nos solutions pour que la rentrée scolaire se passe bien
👉 Portrait : Mariam Oudréago, journaliste dans l'enfer des viols de guerre
👉 #Foolz a souffert pour vous en lisant le nouveau livre de Sarkozy
En vente mercredi ! pic.twitter.com/KSsDEmqLXV
Dans un sondage de l’institut CSA pour CNews, 82% des personnes interrogées en France sont contre le port de l'abaya à l'école. Plus surprenant au regard des déclarations de leurs leaders respectifs, 76% des écologistes et 53% des sympathisant LFI, sont contre aussi. A noter: le soutien d'élus socialistes à la mesure gouvernementale, tout comme celui du dirigeant communiste Fabien Roussel ou encore de Stéphanie Binet, la secrétaire générale de la CGT, le grand syndicat «rouge».
Depuis la décision d’interdire l’abaya dans les établissements scolaires, la France, mais elle en a l'habitude, est accusée d’islamophobie et de racisme envers les musulmans par ceux qui ne supportent pas le modèle laïque français. En approuvant massivement l’interdiction de l’abaya à l’école, les sondés se prononcent moins sur les modalités d’application de cette mesure, qu’il ne renouvellent leur opposition à l’intrusion du religieux, quel qu'il soit, dans la sphère scolaire et politique.