Tout le monde s’en fout? Non, tout le monde ne s’en fout pas. A commencer par Olivier Dussopt. Le ministre français du Travail, à la peine sur la réforme des retraites, a fait son coming out vendredi dans une interview au site LGBT Têtu. C’est seulement qu’aujourd’hui, révéler son homosexualité, ça ne fait plus beaucoup d’effet. Mais il y a des exceptions.
Auparavant, c’était un événement. Les choses étaient rarement dites d’un seul coup. Il y avait un préparatif, assez mal fichu d’ailleurs, des mots, des signes envoyés, jamais rien d’affirmatif, jusqu’au jour où la chose devenait officielle, souvent à la suite d'une question ou d'un encouragement. Oui, je suis gay, je suis lesbienne. Toutes les années de silence étaient alors comme rattrapées par une profusion de déclarations. Comme s’il fallait s’empresser de faire état de cette partie de soi, des fois qu’on serait tenté de refermer le cadenas.
«Ni un secret ni un sujet», a dit Olivier Dussopt à Têtu. En gros: maintenant que je l'ai dit, on passe à autre chose, mais il fallait que je le dise.
Certes, mais l'opération est quand même un peu ratée. Pas d'état de grâce. Des reprises dans la presse, comme on annoncerait qu’un tel a passé le permis ou vendu sa friterie. Non seulement sa révélation ne lui vaudra pas totem d’immunité politiquement parlant, mais voilà qu’on le soupçonne «sur les réseaux» de vouloir faire diversion dans ce moment critique qu’est la réforme des retraites. Têtu l’a bien sûr interrogé là-dessus. Sa réponse:
Ça ne fonctionne peut-être pas, mais il est possible et même assez probable qu’Olivier Dussopt ait voulu se libérer d’un poids au moment où la charge globale s’accumulait. Manière de dire: vous savez, la période politique que je traverse est difficile, mais le refoulement qui était le mien jusqu’ici, même si vous dites que vous n’avez rien affaire de ma sexualité, me pesait. Il n’est donc pas tout à fait idiot de penser que le ministre ait voulu qu'on le plaigne un peu.
Pas de bol, tout le monde s’en fout. A l’heure où un quart de la députation Rassemblement national serait gay, selon des estimations de Têtu, le fait de l’être vous cataloguerait à l’extrême droite. Zut alors!
S'il faut croire qu'être gay en politique passe crème, au point de rendre inutile un coming out, ce n’est pas vrai partout. Dans le foot, par exemple. Mais il semblerait qu’on soit sur la bonne voie: le «je suis gay» de l’international tchèque Jakub Jankto a été salué dans son pays et à l’étranger, du moins en Europe, par de grandes fédérations comme la Liga espagnole et la Premier League anglaise. Preuve qu’en cette matière, comme pour tout ce qui fait différence, le rôle des institutions est primordiales.
Louons les institutions, parce que, rayon individus, rien n'est acquis. En témoigne ce tweet rempli de miasmes:
Olivier Dussopt, notre étincelant ministre du travail, vient de révéler au journal Têtu qu'il est folle. Par conséquent, ce n'est qu'avec une extrême prudence et en pesant bien nos mots, que nous devront adresser des critiques à ce coquet. pic.twitter.com/Sal0Ucm6eC
— Léonce Girard (@LeonceGirard) March 26, 2023
Non, Olivier Dussopt, on ne s'en fout pas du tout, de votre coming out.