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Pourquoi Macron a fait tout juste avec sa «lettre aux Français»

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Pourquoi Macron a fait tout juste avec sa «lettre aux Français»

Emmanuel Macron s'est officiellement déclaré candidat à l'élection présidentielle mercredi soir, dans une «lettre aux Français». Alors que l'escadron de candidats secondaires se chamaille à coups de punchlines maladroites, pourquoi la sobriété d'une missive est clairement à l'avantage du président? Tentative de réponse en 5 points.
04.03.2022, 12:4904.03.2022, 17:43
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«Je peux pas, j'ai guerre»

Entre deux tutoiements de Vladimir au bout du fil et quelques déclarations fermes et solennelles dignes d'un chef de la guerre, Emmanuel Macron continue de vouloir distinguer le président du candidat. Comme on sépare le blanc du jaune. Clair, net. Et idéal pour celui qui refuse toujours de perdre la moindre goutte de sueur (et de crédibilité) dans un débat de premier tour. Une lettre, ça peut s'écrire à la cantine ou en slip kangourou la nuit. De jour, Macron, il a du boulot. Du vrai.

«Le contexte international, marqué par la guerre en Europe, ne me permettra pas hélas, de faire campagne comme je l’aurais souhaité»
La raison officielle.

Passer ses journées à chuchoter à l'oreille d'un leader sanguinaire pour espérer sauver le monde (du moins un morceau d'Europe) est un emploi du temps plutôt noble dans les yeux des Français. Surtout à quelques enjambées de se choisir un patron le plus fiable possible.

Enfin, c'est un message torché au-dessus d'une mêlée de prétendants de plus en plus brouillons, bruyants et casse-couilles: «Je n'ai pas le temps de participer à vos gesticulations médiatiques», nous communique, ici, le candidat Macron.

Laisser les dérapages aux autres

Pendant que les candidats secondaires se prennent continuellement les pieds dans le tapis de la communication politique en multicanal, Emmanuel Macron échappe à tout risque de chute en s'agrippant à sa plume. Chaque mot est pensé, pesé, relu, pesé à nouveau. Une «lettre aux Français», c'est une candidature servie (forcément) froide, mais rasée de près. Rien ne dépasse, si ce n'est un poil de sobriété bienvenu. Se «contenter» d'une lettre, c'est aussi laisser les adversaires se chamailler dans les marges. Less is more. Surtout quand le more est aussi peu rassasiant.

Frustrer les médias

Une simple lettre, contrairement à une conférence de presse ou un plateau TV, c'est éviter les questions des journalistes, snober la confrontation et surfer sur la forme pour éviter le scalpel politique sur le fond. Emmanuel Macron a publié sa lettre dans les quotidiens régionaux à la manière d'une publicité. Emetteur-récepteur, producteur-consommateur. Pratique: pas un média pour venir polluer le message ou percer la petite verrue qui fait mal. La plupart des journalistes ont donc dû se contenter d'une analyse de texte.

Et, certains vont même jusqu'à refuser de jouer les hommes-sandwichs au service d'un candidat. C'est le cas de la Voix du Nord, qui n'a pas publié la lettre en intégralité. Son rédacteur en chef a expliqué sa démarche sur Twitter vendredi matin:

Tout pareil que Mitterrand (et Sarko)

18 000 mots, 16 chapitres: le 7 avril 1988, François Mitterrand décapsule sa vision de l'Hexagone dans une lettre publiée, elle aussi, dans les quotidiens régionaux. Nous sommes à deux semaines du premier tour et le futur président socialiste prend la peine de gribouiller l'incipit à l'encre: «Mes chers compatriotes» virgule. Emmanuel Macron? Les mêmes mots, écriture manuscrite.

La lettre aux Français de Mitterrand, deux semaines avant le premier tour.
La lettre aux Français de Mitterrand, deux semaines avant le premier tour.

24 ans plus tard, en 2012, c'est le candidat Sarkozy qui s'y est mis. Il tenait à la plume «car l'écrit demeure, l'écrit engage». Résultat: 34 pages tirées à 6 millions d'exemplaires et destinées aux élus et aux militants. «Je ne veux absolument aucun intermédiaire», disait-il à l'époque.

Une lettre, c'est plus que de la proximité, c'est une intimité rhétorique que le candidat fabrique avec l'électeur. Une correspondance, c'est une sorte de confession sur l'oreiller, quelque chose qu'on n'avoue à personne d'autre. Un «pssst, tu sais quoi?» qui rassure. Mitterrand avec très bien compris ça et en a (un peu) abusé à l'époque:

«Vous le comprendrez. Je souhaite, par cette lettre, vous parler de la France»

Macron, l'écrivain

«Un mauvais livre est sans doute un livre qui n'était pas nécessaire.» Même s'il préfère le vide au mauvais bouquin, oui, Macron voulait (veut?) devenir écrivain. Pas dans une autre vie, mais dans un coin de sa tête et dans quelques tiroirs dans lesquels dorment des manuscrits qu'il planque toujours soigneusement. Ouvertement passionné de littérature et né d'une mère enseignante, le candidat a même avoué en 2018, en plein sommet du G20 de Buenos Aires:

«J'écris tous les jours»

Une manière de souligner une élégance personnelle qui évite tout snobisme, mais surtout de rendre hommage indirectement au poids de l'héritage littéraire français que le pays continue de chérir et de propager dans le reste du monde. Y compris... chez Poutine. Le diplomate et écrivain Vladimir Fédorovski, qui a mené une longue enquête sur le patron du Kremlin, explique que le respect entre les deux chefs de guerre se nourrit d'abord dans l'amour de la culture:

«Face à Poutine, seul Macron a encore un semblant de crédibilité, car il est cultivé, aime l’Histoire et la littérature»
Vladimir Fédorovski, dans Le Parisien
Jean-Pierre Pernaut président france
Video: watson
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